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    Merci, Michèle

    Par Jean-Pierre Zanetti, directeur médiathèque de Tourcoing

    I ai rencontré Michèle Demarcy pour la première fois en septembre 1969. À cette époque étudiant à Lille et bibliothécaire adjoint de l'abbaye Saint-Paul de Wisques, je cherchais des informations sur les formations aux métiers des bibliothèques. Je me suis rendu tout naturellement à la bibliothèque de la faculté des lettres. On m'a orienté vers elle et le service de bibliographie. D'emblée, je me suis trouvé devant une femme passionnée par son métier et préoccupée de faire partager cet enthousiasme à tous ceux qui voulaient soit entrer, soit se perfectionner dans cette activité. Elle m'a immédiatement dirigé vers la bibliothèque municipale de Lille, où étaient dispensés les cours de préparation au CAFB.

    Je l'ai retrouvée enseignante, comme ce fut le cas de nombreux collègues du Nord-Pas-de-Calais. Ses cours de bibliographie étaient riches, denses, vivants, ils n'avaient rien de magistraux : on y apprenait une foule de choses sur la profession et ses à-côtés. Partageant le même goût pour l'histoire et la théologie, nous évoquions ses études à la Catho et ses voyages mémorables avec dom Louis Gaillard, moine de Wisques qui fut son professeur de géographie et qui était alors bibliothécaire de l'Institut catholique de Lille.

    C'est notamment grâce à elle que, avant 1974, collègues des bibliothèques municipales et universitaires se retrouvaient pour échanger sur le métier, une époque où, les uns et les autres, nous étions très proches. Ensuite, avec la partition des établissements entre deux ministères de tutelle, ces rencontres ont cessé, mais Michèle est restée notre lien, notre ciment à tous : elle nous donnait des nouvelles de nos collègues et parlait de nous à l'université.

    Depuis longtemps elle aspirait à rejoindre la lecture publique dans une bibliothèque renfermant d'importants fonds patrimoniaux lorsque, en 1987, l'opportunité de diriger la BM de Douai s'est offerte à elle. L'insertion au coeur de la vie de la cité et le fait d'être acteur privilégié de la politique culturelle, avec les collègues des différents services culturels, la tentaient beaucoup. Nous avons eu alors de longues discussions à ce sujet, car elle était hésitante et avait peur d'échouer dans un secteur nouveau pour elle.

    Ce qui a emporté sa décision, c'est la perspective de travailler pour des publics diversifiés et de conduire une petite équipe avec laquelle elle souhaitait tisser des liens qui se situeraient bien au-delà de simples relations de travail. Jusqu'au bout elle est restée à l'écoute de ses collaborateurs, prête à tout mettre en oeuvre afin de les aider tant dans leur carrière que dans leur vie personnelle. Pour eux, elle n'a jamais hésité à nous mettre à contribution : notamment, en ce qui me concerne, dans le domaine statutaire.

    Pendant ces années, nous nous sommes beaucoup rapprochés et nous avons souvent eu à travailler ensemble au rythme des profonds changements qui ont affecté l'ensemble de nos bibliothèques : impliquée dans la coopération sous toutes ses formes, elle répondait toujours présent alors même que sa charge de travail s'alourdissait.

    Jusqu'à la fin, et tous ceux qui sont venus la visiter en sont témoins, elle est restée très proche de l'ensemble de ses collègues. Souvent, c'est nous qu'elle réconfortait grâce à son optimisme contagieux, avec cette faculté qui était la sienne d'aller à l'essentiel et de balayer d'un bon mot tout ce qui aurait pu créer malaise et division : nous la quittions le coeur léger, espérant chaque fois qu'elle vaincrait la terrible maladie qui la rongeait lentement, tant elle demeurait dynamique et faisait de projets.

    Aujourd'hui, sa mémoire vivante nous aide à exercer notre profession en nous rappelant la manière dont elle l'a vécue, privilégiant la qualité de la relation avec chaque utilisateur par laquelle notre travail prend, en définitive, tout son sens.