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Quelques aspects des bibliothèques allemandes : la bibliothèque du deutsches museum et la lecture publique à Munich

1954

    Quelques aspects des bibliothèques allemandes : la bibliothèque du deutsches museum et la lecture publique à Munich

    Par Catherine Hirsch-Pecaut

    J'ai eu la chance de pouvoir passer au printemps de 1953 plusieurs semaines d'étude dans les bibliothèques de Munich. La capitale de la Bavière est en effet un des centres intellectuels les plus vivants d'Allemagne, dont les nombreuses bibliothèques offrent au public des richesses dans des domaines les plus variés.

    I. La bibliothèque du Deutsches Museum.

    Parmi les bibliothèques allemandes, celle du Deutsches Museum à Munich occupe une place à part : c'est en effet une bibliothèque scientifique qui outre des subventions de l'Etat, reçoit une aide appréciable des industriels, ce qui lui a permis de se remettre rapidement des dommages causés par la dernière guerre. Quel contraste en effet, avec les autres bibliothèques munichoises - que ce soit la Bibliothèque Nationale, l'Universitaire, la Municipale, celle de la Technische Hochschule et bien d'autres, où ce qui a été épargné des collections ne trouve encore qu'un abri provisoire dans des locaux de fortune plus ou moins incommodes ; il arrive même que des ouvrages évacués, attendent, toujours inaccessibles, qu'une place leur soit faite pour pouvoir quitter leurs refuges campagnards.

    Le Deutsches Museum, dont le renom s'étend dans les milieux scientifiques bien loin à l'étranger, est en effet un établissement destiné à illustrer le développement historique des sciences pures et appliquées et l'interdépendance des progrès de la recherche scientifique et de la technique. C'est une réalisation grandiose de ce qui existe au Conservatoire des Arts et Métiers de Paris. Dans ce but, le Deutsches Museum se compose de deux parties, étroitement liées dans l'esprit de son fondateur, Oskar von Miller : des collections d'une importance considérable relatives à des sciences très diverses : géologie, chimie, physique, sciences de l'ingénieur, etc... et une bibliothèque de 320.000 volumes, destinée à centraliser les ouvrages qui concernent les sciences exactes et techniques et leur histoire. C'est uniquement une bibliothèque de consultation sur place ; les ouvrages ne se prêtent en aucun cas.

    Inaugurés en 1932, remis en état après la guerre, les locaux de la bibliothèque séduisent par leur aspect clair, engageant et pratique tout à la fois. La situation privilégiée du Deutsches Museum sur une île de l'Isar la met à l'abri des bruits du trafic, bien qu'elle soit au coeur de la ville.

    Au rez-de-chaussée sont groupés les membres du personnel; les magasins, chassés de leur emplacement primitif depuis la guerre y sont provisoirement logés. Par roulement les bibliothécaires et sous-bibliothécaires se relaient au service du public ; aucun n'est spécialement préposé à cette tâche, ce qui a l'avantage de permettre à chacun de se maintenir en contact avec les lecteurs.

    Les salles destinées au public se trouvent au premier étage, très accueillantes grâce à leurs grandes fenêtres et leur aménagement moderne. En plus d'un hall imposant avec vestiaire, les lecteurs disposent d'une grande pièce où ils peuvent se délasser, bavarder ou travailler à plusieurs, sans déranger ceux qui lisent dans la salle de lecture. La salle de lecture frappe par sa forme étroite et longue : des tables parallèles de 3 places, sans vis-à-vis ; 130 places en tout. Cette forme allongée était destinée à faciliter l'accès aux usuels groupés systématiquement le long d'un des murs (le mur opposé étant presque entièrement percé de baies vitrées). Actuellement les usuels ne comprennent plus que des ouvrages de référence : le vol était devenu si important après la guerre, qu'on a dû renoncer là et dans bien des bibliothèques, au libre accès des rayons. Une salle de catalogues, une salle pour les enfants, une salle réservée aux manuscrits et aux portraits, une grande pièce où sont groupés méthodiquement et fréquemment mis à jour les ouvrages les plus importants, une imprimerie, complètent cette bibliothèque « de présence ».

    Une particularité, propre à presque toutes les bibliothèques allemandes, est le principe de la non-gratuité : la lecture est payante en Allemagne ; au Deutsches Museum une carte pour la journée coûte 30 Pfennigs (environ 24 fr.), l'abonnement pour six mois 10 Marks (800 fr.). Dans les bibliothèques d'Etat (nationale, universitaires, municipales), le tarif n'est que de 5 Marks par semestre.

    Les études de bibliothécaires durent deux ans : une première année uniquement de pratique, une deuxième année théorique. On distingue les « Diplom-Bibliothekare » (sous-bibliothécaires) et les « Wissenschaftliche-Bibliothekare » (bibliothécaires); les premiers doivent posséder l'«Habitur» (équivalent de notre baccalauréat), tandis que l'on exige des seconds quatre ans d'études à l'Université et le titre de « Doktor ». Comme en France on manque de bibliothécaires scientifiques spécialisés.

    2. La lecture publique en Bavière :

    La direction de la « Stadtbibliothek » (Bibliothèque de la ville) et celle des « Volksbüchereien » (bibliothèques populaires) se trouvent centralisées au Rathaus.

    - La Stadtbibliothek comprend six sections ou « Abteilungen » ; les locaux primitifs ont été détruits pendant la guerre et les différents fonds sont maintenant éparpillés dans toute la ville.

    L'Allgemeine Abteilung, bibliothèque générale, fréquentée surtout par des étudiants, est actuellement logée dans une ancienne caserne dont on a tiré le meilleur parti possible. Ses collections ont été entièrement anéanties par les bombardements et il a fallu repartir de rien, essayer de retrouver certains ouvrages fondamentaux, comme des bibliographies ou des catalogues généraux.

    La bibliothèque de musique de la ville comporte 78.000 volumes, 2.500 manuscrits, dont beaucoup ont une immense valeur, une discothèque et deux « Spielzimmer» (salle de «jeu»), où pour une somme modique chacun peut venir utiliser piano ou tout autre instrument. Elle se distingue surtout par le fait qu'elle est une bibliothèque de prêt : tout Munichois peut emporter les partitions chez lui, comme il le ferait d'un livre ordinaire. On imagine le succès d'un tel système dans un pays de musiciens.

    En plus de ces deux branches, la « Stadtbibliothek », comprend encore une section juridique, une partie consacrée aux « Monacensia » (ouvrages sur Munich), une section philathélique et une section de manuscrits.

    - Les Volksbüchereien, ou blibliothèques populaires, sont des bibliothèques indépendantes ; il n'existe en effet aucune bibliothèque centrale.

    Signalons d'abord l'existence de deux bibliothèques circulantes, d'autant plus remarquables qu'il n'en existe guère d'autre en Allemagne, où les efforts pour étendre la lecture publique restent encore très limités.

    Depuis vingt-cinq ans déjà un « Bücherstrassenbahn » ( « bibliotramway ») parcourt la périphérie de la ville de Munich, allant se poster à jour et heure fixes dans des carrefours bien déterminés. C'est un tramway ordinaire dans lequel ont été installés des rayonnages et une table pour le prêt ; l'exiguïté de ce local de fortune ne permet pas le libre accès aux rayons. Le bibliobus, mis en service depuis deux ans, est plus vaste ; il peut emporter 2.000 ouvrages à chaque tournée. L'accès en est plus commode et les usagers peuvent se servir eux-mêmes, ce qu'ils apprécient. Le magasin central se trouve dans le garage du tramway.

    Il existe d'autre part plusieurs bibliothèques de quartier. La plus remarquable est celle de Pasing, un faubourg munichois. Commencée en 1939, achevée en 1941, bombardée, elle a été reconstruite selon des plans modernes en 1951. Elle comprend trois sections distinctes : pour les adultes, pour les adolescents de 13 à 18 ans et pour les enfants de moins de 13 ans (la séparation entre adolescents et enfants se fait très souvent en Allemagne). Claire et accueillante, c'est la seule des bibliothèques populaires à permettre l'accès libre aux rayons. Les ouvrages sont classés méthodiquement (on ne trouve qu'exceptionnellement la classification décimale dans les bibliothèques allemandes).

    Je voudrais encore répéter que toutes ces « Volksbüchereien » sont payantes : 5 Marks (400 fr.) par semestre, 2 Marks par mois. Les enfants bénéficient d'un tarif réduit.

    Il n'existe en Bavière aucune organisation de l'Etat pour la lecture rurale : la lecture dans les campagnes est laissée entre les mains des paroisses, ou totalement négligée.

    Lorsqu'on revient d'un voyage d'études il est toujours difficile de faire un choix parmi ses impressions. Je n'ai pas parlé de la Bibliothèque Nationale (« Bayerische Staatsbibliothek ») qui possède des richesses inestimables, mais je crois que ces quelques exemples de bibliothèques sont les plus caractéristiques parmi celles qu'il m'a été donné de connaître. D'une manière générale on est frappé de l'effort de reconstruction et de réorganisation qui a été fait depuis la fin de la guerre, mais il faut aussi noter que les méthodes de travail des bibliothécaires allemandes sont souvent confuses et peu rationnelles ; les catalogues y sont le plus souvent dans un état assez lamentable.