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    Bibliographie et rédaction de catalogues

    Par Irène Vildé

    Cet essai avait primitivement en vue l'étude de quelques insuffisances du vocabulaire propre aux répertoires bibliographiques. On s'était proposé d'étudier le groupe sémantique formé par le terme « bibliographie » et ses composés : bio- et topo-bibliographie, biblio-biographie, bibliographie de bibliographies. Puis le seul mot « bibliographie » s'est trouvé poser un problème qui dépassait le point de vue lexicologique et méritait une étude particulière. Ce problème est le suivant. L'expérience montre qu'une catégorie importante parmi les usagers professionnels des répertoires, celle du bibliothécaire-rédacteur de catalogues ou « catalographe » (1) se sert essentiellement d'un certain type d'instruments de travail. Ce type n'est pas celui auquel s'applique aujourd'hui le plus communément la désignation de « bibliographie », celui qui est l'auxiliaire du chercheur scientifique. Comme cette seconde catégorie d'usagers surpasse de beaucoup la nôtre en importance numérique et en prestige, nous avons eu le sentiment que la bibliographie spécifiquement « catalographique » souffrait d'une indétermination qui l'englobait indistinctement avec l'autre. Nous avons donc tenté de déceler, justifier et dénommer une discrimination qui ne pourrait, croyons-nous, si elle était retenue, qu'être salutaire à la profession.

    A tout ce qui regarde de près ou de loin la bibliographie, et le mot comme la chose, est associé aujourd'hui indissolublement le nom de L.-N. MALCLÈS. C'est elle qui a conféré à cette discipline des lettres de noblesse et qui l'a comme révélée à elle-même ainsi qu'à ses bénéficiaires. Quiconque en aborde un recoin sous quelqu'angle que ce soit, lui emprunte non seulement des connaissances, mais encore, plagiaire involontaire, ses conceptions et jusqu'à son langage. Aussi, tout en tâchant de garder un contact étroit avec la pratique professionnelle dont nous nous autorisons et avec la préoccupation personnelle des problèmes de vocabulaire, nous avons l'impression de n'avoir fait que développer pour notre compte des idées qui lui appartiennent.

    L'outillage bibliographique utilisé par le rédacteur d'un catalogue de bibliothèque quel qu'il soit, avant d'être déterminé par la nature du fonds, public ou privé, général ou spécial, l'est par une discrimination très générale. C'est celle qui départage les bibliographies inventoriant des oeuvres et des éditions de celles qui répertorient les travaux relevant de telle discipline, ou relatifs à tel sujet. Les premières sont nos instruments de base. Les secondes ne nous intéressent qu'indirectement et occasionnellement. Cette distiction pour nous est fondamentale. Elle oppose, par exemple : les Bibliothèques françoîses de la Croix Du Maine et Du Verdier, ou de l'abbé Goujet, les bibliographies d'auteurs modernes de Talvart et Place, ou de Thieme, au Manuel bibliographique de la littérature française de Lanson ; la Bibliothèque historique du P. Lelong aux bibliographies des travaux publiés de 1866 à 1929 (par Saulnier et Martin, puis Caron) sur l'ensemble ou partie de, l'histoire de France; les catalogues d'écrits révolutionnaires de Monglond ou de Martin et Walter, au Répertoire de l'histoire de la Révolution de G. Walter ; ou encore la plupart des bibliographies nationales, aux répertoires de publications relatives à tel pays (Americana, Celtica, Russica, etc.).

    La distinction n'est pas toujours aussi tranchée. Un grand nombre de répertoires, ou même des catégories de répertoires, présentent à la fois l'une et l'autre composition. C'est le cas par exemple pour les bibliographies nationales de certains pays, où ce cumul entre dans la définition même du genre. (2) , ou pour les bibliographies régionales. C'est le cas, souvent, des monographies consacrées aux grands écrivains ou des répertoires rétrospectifs d'histoire, de philologie classique ou de littérature, lesquels relèvent à la fois les textes originaux et les travaux modernes s'y rapportant.

    Ces bibliographies, qu'on peut appeler mixtes ou polyvalentes, entrent dans le cadre de l'information de notre rédacteur dans la mesure où leur caractère de catalogue prime leur apport en références (c'est le cas par exemple des répertoires de Thieme et de Talvart et Place, déjà cités, ou des Sources de l'Histoire de France de Molinier). Leur caractère souvent sélectif constitue un critère certain d'élimination, on pourrait presque dire que l'élément critique qui fait leur valeur aux yeux du chercheur la ruine au contraire à ceux du catalographe. Ainsi, dans le domaine de l'Antiquité gréco-romaine, s'opposeront les Bibliothèques classiques de Engelmann-Klussmann-Lambrino aux Manuels de Masqueray ou de Herescu.

    Cette distinction, irrécusable, puisqu'elle commande nos démarches, reste toutefois encore empirique et a besoin d'être précisée. A quoi correspond- elle dans les classifications adoptées par les manuels ?

    D'ores et déjà nous pouvons dire que nos instruments de travail professionnels se recrutent parmi : a) les répertoires dits « universels » (Manuel de Brunet et similaires étrangers) ; b) les bibliographies nationales surtout rétrospectives ; c) les catalogues de grandes bibliothèques publiques ou privées ; d) certaines bibliographies spécialisées (on vient d'en voir des exemples). Mais cela ne nous dit pas encore ce qui détermine au juste la commune utilité de ces catégories diverses de répertoires et les qualifie pour notre usage professionnel. Il convient donc d'interroger plus avant la doctrine bibliographique actuelle, telle qu'elle a été élaborée et formulée par L.N. Malclès dans ses deux grands ouvrages : les Sources du travail bibliographique et le Cours de bibliographie. (3) .

    On doit à l'éminente bibliologue, novatrice, ici comme ailleurs, autant et plus que vulgarisatrice, non seulement d'avoir fixé les divisions encore flottantes du « domaine » des répertoires, mais de les avoir mises en corrélation avec d'autres qui lui sont personnelles. D'où une systématisation à la fois rigoureuse et complexe dont on ne peut se dispenser de rappeler ici les grandes lignes. Le lecteur voudra bien excuser la technicité et l'aridité de ce résumé, faute duquel pourtant, la confrontation des deux points de vue ne serait pas possible.

    La division fondamentale, celle sur laquelle repose le plan des Sources et du Cours, est celle qui oppose les bibliographies générales, comprenant « toutes sortes de textes, sans distinction des sujets dont ils traitent » aux bibliographies spécialisées, comprenant « des textes qui ne traitent que d'une seule science ou d'un seul sujet (personne, lieu, objet) » (Cours, p. 8). A l'intérieur de chacune de ces deux divisions interviennent deux autres facteurs de répartition, l'un de lieu, l'autre de temps. Le premier distingue les répertoires en universels (ou internationaux) et nationaux ; le second, chronologique, - en rétrospectifs et courants. De la combinaison de ces trois séries de distinctions résultent les divers « genres » de répertoires, opposés deux à deux.

    Au critère de division par « genres » s'en ajoutent deux nouveaux, proprement malclésiens. Le premier a trait aux « espèces » ou « formes » (si nous comprenons bien, les deux mots sont équivalents dans la pensée de l'auteur). Il faut entendre par là un ensemble de caractéristiques portant sur le contenu et le mode de présentation et qui se groupent aussi deux à deux, opposant les répertoires : suivant qu'ils sont exhaustifs ou sélectifs, qu'ils dépouillent ou non les périodiques, que leur classement est alphabétique ou systématique, la rédaction signalétique-descriptive, ou signalétiqueanalytique ou critique.

    Ces caractéristiques découlent elles-mêmes d'une troisième distinction, qui se fonde sur le critère de l'utilisation des répertoires et nous paraît la pièce maîtresse de l'édifice. Elle répartit les bibliographies en deux catégories : celles qui servent à « identifier », à « individualiser un livre, exemple Brunet, Quérard », et celles qui servent à « renseigner sur la production soit d'un pays, soit dans un ordre de connaissances, exemple la Bibliographie de la France ».

    Pour donner une idée d'ensemble du système citons la récapitulation qui en est faite à la fin du chapitre I (Cours, p. 15-16) :

    « Bibliographies générales. Les répertoires de ce groupe ne contiennent que des livres, jamais d'articles. Ils sont de deux catégories : les répertoires universels (livres de toutes langues et sur tous les sujets), rétrospectifs et courants, et les répertoires nationaux (livres d'une seule origine et sur tous les sujets, rétrospectifs et courants).

    Les ... rétrospectifs sont classés alphabétiquement et servent principalement aux identifications. Les courants nationaux sont classés systématiquement et informent sur la production naissante.

    Les répertoires universels sont souvent sélectifs, les nationaux sont toujours exhaustifs et servent de base aux statistiques de la production imprimée de chaque pays.

    Enfin les répertoires généraux ont toujours leurs notices signalétiques.

    Bibliographies spécialisées. Les répertoires de ce groupe contiennent livres et articles... Ils sont aussi de deux catégories : les répertoires internationaux et les ... nationaux, rétrospectifs et courants.

    Les répertoires spécialisés sont de préférence classés systématiquement et servent l'information savante. Ils sont également de préférence sélectifs, enfin leurs notices sont dans la plupart des cas analytiques et parfois critiques. »

    On observera combien on est loin, malgré tout, de la rigidité et de la simplicité d'un système qui forcerait la complexité du réel. La tendance générale est bien à une dichotomie, attribuant l'objectif d'identification à l'ensemble des bibliographies générales et à elles seules, l'objectif d'information à l'ensemble des bibliographies spéciales et à elles seules. Mais on voit aussi se dégager des catégories intermédiaires : les bibliographies nationales, tout en appartenant au groupe des générales, « informent » ; toutefois elles peuvent aussi, grâce à leurs tables alphabétiques, servir à l'identification des textes ; il en va de même pour les spécialisées courantes (Cours, p. 8).

    Tout cela rend moins aisé qu'il ne pouvait paraître, la confrontation de notre propre point de vue avec cet ensemble complexe. On a l'impression à la fois que notre distinction s'y trouve et ne s'y trouve pas. A y regarder de plus près, trois constatations en ressortent. La première est l'impossibilité de faire coïncider entièrement la nôtre avec la division des bibliographies en générales et en spéciales : notre n° 1 (instruments de travail du catalographe) comptant aussi des répertoires spécialisés, dont on a vu et dont on verra plus loin des exemples. En revanche, si on se réfère au critère de l'utilisation, il saute aux yeux que les répertoires instruments d'identification suivant Malclès, ne sont autres que notre n° 1, les répertoires d'information savante, notre n° 2. Nous tiendrions ainsi le support théorique qui manquait jusque-là à notre discrimination. Seulement, troisième constatation, ce principe d'utilisation n'est pas retenu par L.-N. Malclès comme base de ses classifications ; son plan général et ses subdivisions restent commandés par les divisions en genres et sous-genres. A vrai dire il n'en pouvait aller autrement dans un exposé ayant le caractère d'une synthèse. Mais il en résulte que sa portée pratique pour le catalographe se trouve restreinte dans la mesure que voici. La première partie, consacrée aux répertoires généraux, qui « servent principalement aux identifications » (cf. ci-dessus, p. 5) nous est toute entière destinée d'office. Mais, à l'intérieur de la deuxième partie (les répertoires spécialisés) nous avons à choisir les matériaux qui nous conviennent : pour bien faire il resterait à élaborer un guide à base fonctionnelle, propre à notre usage. Une telle assertion ne saurait, on y insiste, être une critique à l'égard d'une oeuvre également admirable sur le plan pratique et sur le plan théorique, laquelle n'a pas été conçue pour une seule catégorie d'usagers. L'auteur elle-même, à la fois nous rassure et nous incite en ce sens, lorsqu'elle écrit (Sources, p. 18, Cours, p. 22) : « D'autre part, si l'on admet l'office de guide des bibliographies de bibliographies, il serait indiqué, au lieu de leur imposer un type unique, d'en concevoir plusieurs types différents convenant chacun à des besoins bien définis et par suite à des chercheurs distincts. »

    A la vérité, d'ailleurs, notre objet n'est pas tant de relever l'absence d'une discrimination pratique de la part des auteurs de guides bibliographiques, que de transporter le problème sur le plan du vocabulaire et de noter, en ce qui nous concerne, l'indétermination du sens et de l'emploi du terme même de « bibliographie ». Notre enquête portera d'une part sur la pratique des auteurs des répertoires, de l'autre sur celle des lexicographes. Après quoi, nous tenterons de fonder définitivement la dissociation préconisée et d'en dénommer les deux termes.

    La détermination des répertoires valables ou non pour la rédaction d'un catalogue s'opère sur la foi de leurs titres, que ces titres nous soient fournis par les guides ou par toute autre voie. Chacun sait d'expérience que ces titres, d'une façon générale, sur bien des points sont loin d'être toujours assez explicites, qu'il leur arrive même d'être trompeurs (équivoques ou erreurs souvent dissipées par les manuels, ce qui n'est pas leur moindre mérite). L'interprétation du sens à attribuer au mot « bibliographie » dans les intitulés de maints répertoires est au nombre de ces difficultés. On se propose de montrer sur une série d'exemples que son emploi y est souvent entaché d'imprécision, amphibologique, et comme laissé dans l'indivision. Aujourd'hui, en effet, le problème sémantique se présente comme suit. Les répertoires du second type, consacré aux publications savantes, bien qu'existant de longue date, se sont multipliés avec l'essor des bibliographies nationales courantes et des spécialisées. Comme ils empruntent aussi souvent que les autres la dénomination de « bibliographie », un risque de confusion est créé chaque fois que ce terme n'est pas précisé expressément par un complément déterminatif comme dans : « bibliographie des travaux, des publications, des ouvrages relatifs à », etc., par opposition à : « bibliographie des oeuvres, des éditions, des impressions », etc. Notre enquête étant ici d'ordre lexical, puisque portant sur des intitulés, les rubriques de classement des exemples qui suivent ne correspondent pas nécessairement aux genres et sous-genres des répertoires. Nous envisageons ainsi 5 groupes différents, suivant que le déterminant qui suit immédiatement le mot «bibliographie» est: 1° un nom de pays, de province ou de localité, 2° un nom d'auteur ou de texte, 3° et 4° la désignation d'une certaine catégorie d'imprimés ou d'un genre de texte, 5° un nom de discipline.

    1° « Bibliographie » + nom de lieu : pays, province ou ville, adjectivé ou non.

    C'est, dans le premier cas, une des désignations ordinaires des bibliographies nationales, qu'elles soient rétrospectives, exemple Ch. Evans ; American bibliography (1630-1820) ; E. Legrand, Bibliographie hellénique (XV'-XVIII' siècles), ou surtout courantes, exemple Bibliographie de la France, de la Belgique, etc. Ce peut être aussi un répertoire national particulier à une époque, exemple Haebler, Bibliografia ibérica d'el siglo XV. Dans un cas comme dans l'autre et à l'exception des bibliographies nationales qui comprennent aussi les écrits dont le pays est le sujet (cf. plus haut, p. 2), on a affaire à notre type n° 1. Mais un titre présenté de même peut aussi s'appliquer à une bibliographie de bibliographies nationales. Comparer : Bibliografia espanola, titre de la bibligraphie nationale courante de la Péninsule Ibérique, avec Spanish bibliography, titre du manuel de Fitzmaurice-Kelly.

    II existe des variétés de bibliographies nationales destinées à illustrer en quelque sorte les échanges culturels entre deux pays. Sous une présentation d'intitulé uniforme, elles peuvent adopter des formules très différentes. La Bibliographie franco-roumaine de Rally répertorie à la fois les ouvrages d'auteurs roumains publiés en France, ce qui la classe comme une variété du type n° 1, et les ouvrages d'auteurs français relatifs à la Roumanie, ce qui la classe au nombre des répertoires du second type, ou comme une variété des nationales à contenu complexe évoquées plus haut. La Bibliographie hispano-française de Foulché-Delbosc est consacrée aux traductions françaises d'oeuvres littéraires espagnoles, donc du 1er type. La Bibliographie franco-ibérique, jointe au Bulletin hispanique, est une chronique des publications françaises relatives à la Péninsule, donc du 2e type.

    « Bibliographie » suivi d'un nom de province correspond à des contenus différents suivant le caractère rétrospectif ou périodique du répertoire considéré. Le contenu des premiers peut être de trois sortes, tantôt isolées, tantôt combinées : écrits d'auteurs originaires de la province, écrits qui y ont été imprimés, écrits surtout historiques s'y rapportant. On a donc affaire à des bibliographies soit du 1er type, soit du 2% soit mixtes ou polyvalentes. La Bibliographie bourguignonne de P. Milsand (1885), la Bibliographie historique du Rouergue de Couderc (1931) illustrent la 2° formule ; la Bibliographie générale du Périgord de Roumejoux (1897), la dernière. Quant aux bibliographies périodiques, annexées généralement à des revues d'histoire locale, elles ne répertorient que les travaux et sont donc du 2' type : exemple Bibliographie alsacienne (dans Revue d'Alsace depuis 1947), Bibliographie bourguignonne, depuis 1935 (dans Annales de Bourgogne).

    Il en va de même pour les bibliographies rétrospectives de villes. Ce sont, soit comme la Bibliographie lyonnaise de Baudrier, des inventaires descriptifs des éditions anciennement imprimées dans cette ville ( = n° 1), soit comme la Bibliographie Rochelaise de L. Delavant (1892), des répertoires d'ouvrages ayant trait à l'histoire locale ( = type n° 2), soit comme la Bibliographia Aberdonensis, being an account of books' relating to or printed in the shire of Aberden... or written by natives... de J. F. K. Johnstone (1929) des répertoires de type composite.

    2° «Bibliographie» + nom d'auteur ou de texte.

    Il s'agit, au premier chef, de catalogues descriptifs d'oeuvres et d'éditions, exemple : Bibliographie de Gustave Flaubert, par R. Dumesnil et D.-L. Demorest (1937), Bibliographie de Paul Verlaine, par F. Montai (1924), A Bibliographg of Alexandre Dumas père, par F. W. Reed (1933), accompagnés souvent du relevé des études relatives à l'auteur ou au texte, exemple : Bibliographie cornélienne, par E. Picot, Bibliographie du «Songe de Poliphile», par R. Barraud (dans la revue italienne La Bibliofilia, T. XV, 1913-1914). Dans; ce dernier cas le nom de l'auteur est souvent adjectivé, exemple : Bibliographie cornélienne, citée à l'instant, moliéresque, de P. Lacroix, stendhalienne, de H. Cordier (1914), verlainienne, de G.-A. Tournouze (1912).

    3° «Bibliographie» 4- désignation d'un genre typographique ou bibliophilique : impressions en caractères grecs, hébraïques, impressions musicales, livres à figures, éditions originales, etc.

    Exemple : Histoire et bibliographie de la typographie musicale dans les Pays-Bas (1880), par Goovaerts, Bibliographie des livres à figures vénitiens, 1469-1525 (1892), par A. Masséna, duc de Rivoli.

    Il s'agit tout particulièrement de catalogues d'impressions des xve et xvie siècles.

    4° « Bibliographie » + désignation d'un genre de texte, littéraire ou non : Bibles, ouvrages liturgiques, poétiques, erotiques, romanesques, etc.

    Exemple :Bibliographie der livres d'heures, officia, hortuli animae...des XV. und XVI. Jahrhunderts (1909), par H. Bohatta ; Bibliographie des recueils collectifs de poésies au XVI' siècle, par H. Vaganay; Le Sonnet en France et en Italie, essai de bibliographie comparée (1 et 2 : OEuvres imprimées au XVIe siècle et recueils réimprimés ou édités aux siècles suivants. 3 : Etudes anciennes et modernes relatives à ces oeuvres), par F. Lachèvre ; Bibliographie des romans et nouvelles en prose française antérieurs à 1500, par Woledge.

    Ce sont, comme les précédents, des catalogues monographiques, assortis éventuellement d'une nomenclature de références.

    5° « Biliographie » + nom de discipline,

    type: Bibliographie de l'histoire de France, de la littérature, etc. ; Bibliographie internationale des sciences historiques, etc.

    C'est le domaine des répertoires spécialisés, rétrospectifs et courants, celui que L.-N. Malclès rapporte tout entier à l'information savante, mais où nous entendons aussi avoir notre part. Terrain encore mal exploré du catalographe et principale source, on l'a vu (cf. plus haut, p. 7) de ses perplexités. Les bibliographies courantes nous paraissent appartenir d'office à l'information savante et seront donc écartées de notre examen. Parmi les rétrospectives nous nous bornerons aux seules sciences humaines, et parmi ces dernières nous limiterons les exemples à l'histoire, l'histoire littéraire et la philologie classique, qui ont en commun des problèmes de classement spécifiques. A la différence de certaines sciences jeunes, comme la linguistique ou la sociologie, par exemple, ces disciplines utilisent un matériel complexe, constitué par les « sources » : auteurs, textes, documents originaux, d'une part, de l'autre par les travaux modernes relatifs à ces sources ou à telle et telle branche de la discipline considérée. D'où plusieurs conceptions possibles des répertoires : les uns unilatéraux, soit de source, soit de références, les autres - il semble que ce soit les plus nombreux - synthétiques ou polyvalents. D'où la nécessité pour le bibliothécaire désireux d'y trouver son bien d'être averti très précisément de leur mode de composition. En présence d'une «Bibliographie de l'histoire», ou d'une «Bibliographie de la littérature» la question qui se pose à lui est de savoir si de tels intitulés lui annoncent la présence des sources, qui seules l'intéressent, des travaux, qui ne l'intéressent pas, ou des unes et des autres.

    Voici, dans le domaine historique, des exemples d'une part de titres explicites qui répondent à ces interrogations : les Sources de l'histoire de France, de Molinier, Hauser, Bourgeois et André ; la Bibliographie des travaux publiés de 1866 à 1897 sur l'histoire de France de 1500 à 1789, par Saulnier et Martin, et : sur l'histoire de France depuis 1789, par M. Caron ; G. Monod, Bibliographie de l'histoire de France, catalogue... des sources et des ouvrages relatifs à l'histoire de France... jusqu'à 1789 ; A. Pirenne, Bibliographie de l'histoire de Belgique, catalogue... des sources et des ouvrages principaux relatifs à l'histoire de Belgique. En regard, des titres ambigus nous sont présentés par les tranches successives de la Bibliography of British history : 1485-1603, 1603-1714, 1714-1789, par Read, Davies, Par gellis et Meadley, dont le caractère composite doit être déduit du seul fait qu'elles prennent la suite de : Ch. Gross, The Sources an literature of English history... to about 1485. (Comme ce dernier, en effet, elles contiennent les sources et les « modem writers » ou « later works » dans toutes les sections où cette distinction existe.)

    En voici d'autres, choisis parmi les littéraires, où des titres comme « Bibliographie (ou Manuel bibliographique) de la littérature » de tel ou tel pays peuvent recouvrir des réalités assez différentes.

    Le Manuel bibliographique de la littérature française de Lanson, choix de travaux d'histoire littéraire, relève uniquement de notre type n° 2. Mais le Manuel de bibliographie littéraire française (XVIe, XVIIIe et XVIIIe siècles), de sa continuatrice Jeanne Giraud pour les périodes de 1921 à 1935 et 1936 à 1945, distingue pour chaque siècle dans une première partie les études littéraires ou para-littéraires, et dans une deuxième partie, qui, elle, nous intéresse, les Auteurs, avec, en tête, la liste complète de leurs éditions publiées de 1921 à 1945. Le Manuel bibliographique de la littérature française du Moyen Age de Bossuat, sous un titre calqué sur celui du Lanson, est justement au contraire un répertoire de textes médiévaux, ne citant les travaux que rapportés à ces textes.

    Les 4 répertoires suivants : Bibliographie de lu littérature française de 1800 « 1930 de Thieme ; Cambridge bibliography of English literature de Bateson (1940); Bibliographie de la littérature latine de Herescu (1943); Bibliografia de la literatura hispanica de Simon Diaz (1950), relèvent à la t'ois auteurs et travaux, mais avec des dispositions et des dosages si différents qu'ils sont très inégalement utilisables comme instruments d'identification. Thieme est conçu essentiellement comme un inventaire de la production littéraire moderne ; il fournit la nomenclature complète des oeuvres (livres et articles) des auteurs, mais non les éditions ; il rejette dans un volume à part (qui n'a pas été continué) les références aux travaux d'histoire littéraires et plus généralement relatifs à ce qu'il appelle la « Civilisation ». C'est, tenu à jour par ses deux Compléments (mieux intitulés : suppléments), un instrument d'identification de base des écrivains français de 1800 à 1940. Les trois autres bibliographies citées sont conçues suivant un plan complexe. Elles séparent nettement auteurs et textes originaux, formant une première partie, où l'énumération des oeuvres, éventuellement des éditions, est elle-même suivie de la mention des travaux critiques dont elles ont fait l'objet, et les travaux d'histoire littéraire proprement dite, classés par genres ou par thèmes. A l'intérieur de la première partie, qui seule nous intéresse, le degré de « complétude » ou de sélection des éditions varie suivant les cas. Bateson paraît se borner à un choix restreint. Herescu, étant donné le caractère philologique de sa matière, joint aux éditions et traductions scholies, commentaires et lexiques, mais limite étroitement le choix des éditions; cela l'empêche pour nous de pouvoir tenir lieu, en ce qui concerne la littérature latine, des bibliographies de l'Antiquité classique de Engelmann-Klussmann-Lambrino. Simon Diaz, enfin, semble viser à une nomenclature exhaustive des éditions, ce qui en ferait l'équivalent d'un véritable inventaire s'il tenait toujours ses promesses. De plus, le développement exceptionnel de sa première partie, consacrée à la bibliographie générale de l'Espagne (2 volumes sur les 3 déjà parus, le volume 3, inaugurant la partie littéraire avec la littérature médiévale) confère à cette publication également le caractère d'une bibliographie de bibliographies nationales.

    En résumé, il ressort de l'échantillonnage auquel on vient de se livrer :

    • 1° qu'à aucune des cinq catégories d'intitulés distingués ne correspond un type déterminé de répertoire, chacune pouvant comporter l'un ou l'autre, ou des variétés de l'un ou de l'autre, ou encore le mélange des deux ; toutefois, dans le cas des n° 1 à 4 (bibliographies nationales ou locales et monographies diverses) tend à prédominer le type inventaire de collection, la bibliographie des travaux s'y rencontrant rarement à l'état isolé, mais plutôt joint à la première. Quant aux bibliographies spéciales aux disciplines considérées ci-dessus, les exemples choisis les montrent tendant en majorité vers le type mixte, à des degrés d'ailleurs variables.
    • 2° Puisqu'il n'existe aucun lien rigoureux entre le genre d'un répertoire et le point de vue sous lequel il est ordonné, puisque le mot « bibliographie » est incapable à lui seul de nous fournir les précisions désirables, l'obligation serait d'autant plus pressante d'intitulés spécifiant dûment ce point de vue. En leur absence, il ne reste plus à l'usager en quête de documentation qu'à interroger les répertoires eux-mêmes. Or rien n'est plus difficile pour le non-spécialiste que de se faire lui-même une opinion, non pas même sur sa valeur, mais sur les caractéristiques qui qualifieront tel répertoire comme instrument de recherche.

    1. Il peut y avoir intérêt à distinguer entre rédaction d'un catalogue imprimé et confection d'un catalogue sur fiches, un réserverait alors l'appellation de « catalographe » au rédacteur du premier, le second étant plutôt un « cartographe ». retour au texte

    2. Malclès, Sources, p. 112, Cours, p. 65. retour au texte

    3. L'exposé d'ensemble se trouve au chapitre I ainsi qu'au chapitre introductlf de la deuxième partie de chacun des deux ouvrages, avec une rédaction un peu différente dans le Cours. En ce qui nous concerne, voir plus spécialement les paragraphes : « Genres et espèces de répertoires » (Sources, p. 5, Cours, p. 8), « Forme et utilisation des répertoires » (Sources, p. 11, Cours, p. 14) et le dernier paragraphe du chapitre I dans le Cours retour au texte