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Réflexions à propos d' un séjour à l' « International Summer School of Librarianship »

1957

    Réflexions à propos d' un séjour à l' « International Summer School of Librarianship »

    Par Jean Hassenforder

    J'ai assisté pendant 15 jours, du 2 an 15 septembre 1956, à la session organisée à Birmingham sous les auspices de la « Library Association » et ayant pour thème l'étude de la bibliothéconomie anglaise à l'heure présente : « British Librarianship to day ».

    Notre école avait un caractère international. De nombreux pays étaient représentés : Argentine, Etats-Unis, Pakistan, Pays-Bas, Suède, Yougoslavie et la présence d'une importante délégation de bibliothécaires égyptiens était à noter. Environ un tiers des participants était britannique. D'utiles entretiens ont pu ainsi s'engager.

    L'accueil que nous avons reçu à Birmingham a été chaleureux. Puisje dire ici toute ma reconnaissance aux responsables de l'organisation de la « Summer School » : M. Hargreaves, honorary secretary, Mlle Bandall et M. Wyatt. Nos moindres désirs ont été pris en considération avec une constante gentillesse.

    Notre séjour fut vraiment utilisé au maximum. Nous avons visité quelques hauts lieux de la culture britannique : Oxford et ses vieux collèges, Stratford-on-Avon, la charmante ville natale de Shakespeare. Mais surtout par un travail, constant, nous avons élargi nos connaissances en matière de bibliothéconomie. Le matin, nous assistions au cours, le conférencier répondant à nos questions après son exposé; l'après-midi, nous partions généralement en autocar visiter des bibliothèques; après le dîner du soir, il y avait encore parfois d'intéressantes manifestations : discussions et visites.

    Le programme était vaste et comportait notamment des exposés sur les problèmes se posant actuellement en Grande-Bretagne dans les différentes catégories de bibliothèques.

    Les bibliothèques publiques.

    Je voudrais m'attacher ici à dégager les caractéristiques essentielles des bibliothèques publiques britanniques telles qu'elles apparaissent à un visiteur français.

    Tout d'abord, il faut noter la bonne qualité du service.

    Les bibliothèques publiques anglaises ne sont pas dominées par l'idée de conservation. Elles accomplissent leur mission avec des techniques répondant à leurs besoins propres. Le catalogage, par exemple, est très simple et cette simplicité permet d'économiser un temps précieux; actuellement, d'ailleurs, la British National Bibliography a commencé à imprimer les fiches des nouveaux ouvrages parus, celles-ci étant vendues au prix de 1 1/2 penny pièce (environ (i francs).

    De même, on n'hésite point à mettre au pilon, les ouvrages démodés ou en mauvais état et les vieux périodiques dépassés par l'actualité.

    On attache de l'importance au problème de la documentation. Répondre à des demandes de renseignements est considéré comme un élément essentiel du métier de bibliothécaire. La « Reference Library » de Birmingham a, par exemple, effectué en 1954-1955 près de 1.200 recherches détaillées en vue de répondre aux besoins des lecteurs. En outre, dans le cadre de cette « Reference Library » fonctionnent deux bibliothèques spécialisées : une bibliothèque commerciale avec accès direct à la plus grande part du matériel documentaire : ouvrages, annuaires, catalogues, périodiques, collections de brevets; et une bibliothèque technique centre d'information en contact permanent avec les services de documentation des industries de la région.

    L'utilité des périodiques est en général pleinement reconnue et souvent même on peut consulter les quotidiens étalés sur des pupitres dans une salle spéciale (Newspaper Room); on permet ainsi aux lecteurs d'acquérir une formation politique et de se tenir au courant des événements récents.

    Bien entendu, le principe de l'accès direct aux rayons n'est plus discuté et l'on remarquera qu'il est souvent appliqué dans les bibliothèques d'étude et ceci parfois pour un très grand nombre de volumes.

    Dans toutes les bibliothèques publiques visitées, j'ai pu constater l'existence d'une section enfantine. Les sections de prêt pour adultes ressemblent à celles existant dans nos bibliothèques modernes. Il convient de noter l'extension de certaines facilités ainsi l'existence de formulaires permettant aux lecteurs de faire réserver tel ou tel ouvrage auquel il s'intéresse.

    Partout on se préoccupe d'accroître la qualité du service fourni et il est certainement possible de faire beaucoup encore en ce sens.

    Il faut noter ensuite l'excellente coordination des bibliothèques entre elles.

    Le prêt inter-bibliothèques est une opération rapide et d'usage courant. Il existe de nombreux catalogues collectifs. Ainsi à Birmingham, il y en a un pour les diverses bibliothèques publiques de la ville, un pour la province des Midlands et l'on peut encore recourir à la « National Central Library ».

    En même temps, on peut observer une centralisation suffisante pour éviter la dispersion des efforts en une poussière de petites bibliothèques indépendantes. En règle générale, l'autorité locale des bibliothèques dispose d'une bibliothèque centrale (avec une bibliothèque détude ou Reference Library, une bibliothèque de prêt pour adultes, une bibliothèque pour enfants) et ensuite de filiales (branch-libraries). souvent très importantes. Tous les quartiers sont ainsi desservis.

    Le troisième caractère fondamental est la grande extension du service.

    Les bibliothèques publiques jouent un rôle considérable dans la vie du pays. Un quart environ de la population est inscrit. Pour un peu plus de 50 millions d'habitants, le nombre annuel de prêts à domicile s'élève à 370 millions (soit plus de 7 livres prêtés par habitant et par an). Rappelons les statistiques françaises correspondantes : si les bibliothèques de Paris prêtent 1 livre par an et par habitant, de nombreux départements sont fort mal desservis.

    En Grande-Bretagne, le financement des bibliothèques publiques est du ressort exclusif des autorités locales. A Birmingham, par exemple, environ 3 % des ressources communales sont consacrés à cet effet, la dépense total étant de 250 millions de francs par an; 260 bibliothécaires sont affectés à un service destiné à répondre aux besoins d'une population de 1.190.000 habitants.

    Il importe de souligner que les bibliothécaires britanniques estiment pouvoir faire mieux encore. La croissance des bibliothèques se poursuit et nous avons pu visiter ainsi deux réseaux urbains en croissance, ceux de Wolverhampton et de Solihull. Mais c'est dans les zones rurales qu'a lieu maintenant la progression la plus rapide. Le dynamisme des bibliothèques de Comté est remarquable. J'ai pu étudier le fonctionnement de celle du Warwickshire. Les 225.000 ruraux de la circonscription y sont desservis grâce à 8 bibliobus; les localités au dessus de 1.000 habitants comportent une bibliothèque ouverte à temps partiel et au dessus de 5.000 habitants, une bibliothèque à temps complet. Toutes ces bibliothèques sont gérées par des bibliothécaires professionnels, le service comptant en tout 62 bibliothécaires.

    Les bibliothèques universitaires.

    L'importance attribuée à la lecture publique est une caractéristique du réseau documentaire britannique, mais on assiste également actuellement à un développement considérable des services de documentation et des bibliothèques universitaires.

    Depuis la guerre, ces dernières doivent en effet répondre à des besoins nouveaux : nombre croissant d'étudiants (de 50.000 environ en 1938 à 80.000 en 1954), augmentation du nombre de chercheurs attachés aux universités, création de nouveaux départements universitaires, intérêt accru pour les sciences.

    Outre la « Bodleian Library » d'Oxford, nous avons visité, au cours de notre séjour, la bibliothèque universitaire de Birmingham.

    Cette dernière adopte la classification de la Bibliothèque, du Congrès pour le classement de ses ouvrages et actuellement l'usager a accès direct aux rayons pour près de la moitié des collections. Une attention spéciale est accordée aux nouveaux lecteurs, des visites par petits groupes les familiarisant avec le fonctionnement de la bibliothèque.

    Les étudiants sont environ 3.000; le personnel est de l'ordre de 50 personnes et le budget de la bibliothèque atteint presque 4 % du budget global de l'Université.

    La bibliothèque universitaire dispose de plusieurs lecteurs de microfilms. Elle a résolu le problème de la traduction en recueillant les adresses des traducteurs spécialisés ce qui permet aux chercheurs de faire appel éventuellement à leurs services.

    Une nouvelle bibliothèque est en construction. Elle comprendra 4 salles de lecture avec dans chacune 30.000 volumes en accès direct. Chaque salle correspondra à une discipline : technologie, sciences, sciences sociales, littérature et langues. Le lecteur pourra également avoir accès aux magasins.

    Conclusion.

    Mon stage à Birmingham m'a été très profitable et je souhaite que beaucoup de bibliothécaires et de documentalistes français se rendent là-bas en septembre 1957, date de la prochaine session. (1)

    A l'« International Summer School », les problèmes sont débattus dans un climat de liberté et de compréhension mutuelle. L'esprit critique est réel et je me souviens par exemple de l'excellente conférence de M. F. Wezeman, professeur de bibliothéconomie à l'université de Minnesota, sur «les bibliothèques britanniques vues d'un point de vue américain », celuici ayant dressé un bilan des qualités et des défauts du système britannique.

    Les visiteurs continentaux verront en Grande-Bretagne un monde en évolution et reviendront avec une fierté accrue de leur métier.

    La bibliothèque publique est une institution fondamentale. Il serait souhaitable en ce domaine de réveiller l'opinion publique française par une immense campagne, d'agir sur les milieux influents (notamment les municipalités) à l'aide de moyens publicitaires et de préparer un plan de développement réalisable en un temps déterminé. Telles sont les conclusions qui se dégagent à notre retour d'Angleterre : la conscience qu'il y a devant nous, une tâche immense à accomplir et le sentiment que pour la réaliser, une étroite solidarité professionnelle est nécessaire.

    1. Voir la rubrique « Nouvelles internationales ». retour au texte