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Le problème de l'importance des Périodiques

1958

    Le Problème de l'importance des Périodiques


    D'un important article publié par le Dr S. Von FRAUENDORFER dans Schrifttum der Bodenkultur, VIII, 1/2, 6-10-1955, nous avons extrait un très large passage qui a été traduit de l'allemand par Mme JAYET.

    Un problème très sérieux qui intéresse aussi bien le savant que les fonctionnaires des Services pour l'avancement de l'agronomie, les professeurs de l'enseignement agricole et, finalement, les techniciens, est celui de l'utilisation pratique du moyen le plus important d'information générale qu'est la presse périodique. Jadis, quand le rythme du développement de la science et de la technique était plus lent, l'ouvrage et la publication isolée jouissaient d'une supériorité incontestable sur la presse périodique. Aujourd'hui, au contraire, c'est tout d'abord dans cette dernière que le progrès scientifique puise la documentation. Grâce à la presse, le technicien s'informe des nouvelles idées susceptibles d'exercer une influence sur la marche de l'exploitation qui l'intéresse. Or, l'étendue de la littérature périodique, même dans un domaine professionnel qui est relativement bien délimité, comme par exemple l'agronomie, a pris un tel essor qu'il est extrêmement difficile d'avoir une vue d'ensemble sur la substance effective des revues s'y rapportant.

    Quelques chiffres vont confirmer nos dires. Prenons, par exemple, tout d'abord l'Allemagne de l'Ouest (Berlin-Ouest inclus). Sur 4884 périodiques qui y paraissent en tout actuellement et qui ont pour objet toutes les matières, l'agriculture, la sylviculture, l'arboriculture fruitière et l'horticulture, la chasse et la pêche réunies comptent 254 organes. Cet effectif (soit 5,2 % de toutes les publications existantes) peut être considéré comme relativement peu élevé. N'oublions pas, toutefois, que ce nombre n'englobe nullement tous les organes ayant trait à l'agronomie. Toute une série de revues importantes, réparties suivant un classement par matière et touchant toutes les disciplines (p. ex., instruction publique, sciences naturelles, médecine vétérinaire, droit et analogues) figure ailleurs (1) . Si nous citions, parallèlement, une autre source laquelle comprend, outre l'agriculture et la sylviculture, aussi l'industrie alimentaire qui leur est voisine, nous arriverions alors à un nombre nettement plus élevé, à savoir, à plus de 600 titres de périodiques (2) . Ce qui n'épuise pas encore la totalité de la littérature en langue allemande. D'après les sources précitées, il faut compter, tout au moins, 23 nouveaux organes de plus pour la Rép. Démocratique Allemande. Et les revues de disciplines apparentées ne sont pas comprises dans ce chiffre. En réalité, c'est de 50 périodiques qu'il faut plutôt parler. A ce chiffre s'ajoute la presse périodique de la Suisse, avec environ 100 organes et, ensuite (pourtant non pas en dernier lieu), de l'Autriche, avec ses 70 publications périodiques vraiment dignes d'intérêt. Ces dernières englobent toutes les disciplines ayant trait au sol cultivé.

    Jetons, enfin, un coup d'oeil sur la littérature périodique étrangère, celle-ci étant aujourd'hui, pour le moins, absolument indispensable non seulement au savant mais aussi, indirectement, au technicien. Si, il y a une ou deux générations encore, la littérature en allemand était suffisante pour y puiser des données essentielles concernant l'agronomie, les choses ont nettement changé depuis. Les fondements de la recherche agronomique, jadis solidement établis et considérés exclusivement sur le plan national, se sont modifiés sous l'influence des échanges d'idées et d'informations internationales. Aujourd'hui, aucun agronome ne peut s'acquitter de sa tâche, s'il ne tient pas compte des résultats obtenus à l'étranger. Le savant ne peut, non plus, ignorer la presse scientifique et professionnelle des autres pays. Cependant, il est impossible de citer les données statistiques relatives aux périodiques professionnels qui existent dans le monde entier. Quelques chiffres fournis par des grandes bibliothèques spécialisées ne constituent toujours qu'une base d'évaluation approximative de l'importance des périodiques en question. Ainsi, la Bibliothèque de l'Institut International Agricole à Rome (actuellement : Bibliothèque de F. A. O.) comptait, peu avant la guerre, environ 3.600 périodiques venant de tout l'univers (3) . De même, le catalogue de la Fédération Internationale des Techniciens Agronomes (F.I.T.A.), édité peu avant la guerre mondiale, où la presse professionnelle et syndicale, ainsi que celle de vulgarisation, était largement représentée, contient environ 4.500 titres de périodiques.

    Si l'on élargit la notion de « périodique » et, même, si on la dépasse en y incorporant les annuaires, les rapports annuels, les travaux suivis et autres séries, alors on atteint, évidemment, des chiffres effectivement plus élevés. Ce qui arrive quand on se reporte au catalogue publié par la Bibliothèque du U.S. Département of Agriculture à Washington (4) . Ce catalogue comprend l'ensemble de la littérature mondiale ayant trait à l'agriculture et totalise 14.329 titres. Ils concernent non seulement les revues habituelles, mais comprennent également des séries de travaux et de recueils, très répandues dans les pays anglo-saxons et qui y jouent un rôle tout particulier. En admettant que chaque organe publie, en moyenne, 6 cahiers par an, on arrive à un nombre respectable de 86.000 fascicules séparés.

    Ce sont, évidemment, des chiffres énormes. Si l'on considérait cet immense flot littéraire qui, d'une manière potentielle, peut contenir en tout lieu, des idées, expériences et communications d'un intérêt certain, on pourrait alors perdre presque toute assurance de soi-même et on serait prêt de s'adonner au défaitisme démoralisant. Ce manque de confiance, très courant dans la vie pratique chez beaucoup de personnes, est aussi à noter, occasionnellement, chez les savants. Il se manifeste en ceci que l'on renonce généralement à accorder une importance systématique aux sources bibliographiques et que l'on est tenté, de ce fait, d'abandonner les expériences pratiques, et ce qui est pire, ses idées personnelles et originales. Une attitude semblable, compréhensible au point de vue psychologique, est-elle effectivement admissible et plausible ? Qu'il nous soit permis d'ajouter que la pensée créatrice ou la science issues directement de l'expérience de la vie même, ont une importance plus grande que le contenu des gros volumes de papier imprimé. Mais la littérature de qualité, n'est-elle pas aussi une entrave à la pensée créatrice et à l'activité productrice de l'homme ? Les productions dites « originales » ne sont-elles pas liées, inconsciemment peut-être, avec l'univers de la pensée des temps passés et du monde contemporain ? Des nouvelles idées sont, dans la plupart du temps, « dans l'air » et germent fréquemment et simultanément, dans divers cerveaux. Ainsi, il est souvent impossible d'établir une priorité incontestable de ladite pensée. L'homme, même génial, s'appuie, sciemment ou inconsciemment, sur les épaules de ses prédécesseurs spirituels. Donc, l'attitude dénoncée plus haut comme étant du défaitisme et contre laquelle nous nous défendons, s'avère impossible à adopter aussi bien au point de vue pratique que moral (5) .

    Qu'on le veuille on non, on est alors obligé de s'occuper du problème relatif aux périodiques, d'y chercher des remèdes et de trouver des solutions à cette question. Il va de soi que la fonction de la presse périodique se pose de différentes manières, selon les exigences des catégories respectives et conformément aux disciplines ainsi qu'au champ d'action des intéressés. Il est évident que la nécessité d'être documenté revêt un tout autre caractère lorsqu'il s'agit d'un professeur d'agriculture ou, si la personne intéressée est un conseiller du département d'agriculture, ou bien, un fonctionnaire d'une chambre agricole ou, encore, un spécialiste très qualifié. Le problème se présente sous un autre aspect, lorsqu'il faut se prononcer sur la valeur d'une publication d'un professeur d'une école supérieure, ou, sur celle d'un savant, ou bien, de son adjoint. L'étendue et l'abondance de publications varient aussi dans les diverses branches de l'agriculture. A ceci s'ajoute encore l'obligation impérieuse et différemment ressentie, d'avoir recours à la bibliographie étrangère, quand il s'agit des plantes cultivées locales, des animaux domestiques, des diverses formes d'exploitation, etc... Quelquefois les résultats de recherches du pays suffisent. Dans bien d'autres cas, et tout particulièrement, dans l'étude des éléments de base, en pathologie végétale, dans la protection des plantes contre les déprédateurs, dans les industries agricoles et dans le machinisme, pour ne citer que quelques-uns, les recherches scientifiques faites à l'étranger ont une importance pratique aussi grande que les résultats d'études faites dans le pays même.

    Dès lors, quelle attitude adopte la presse périodique spécialisée à l'égard de tous ces besoins tellement différents ? On peut dire que l'on est arrivé, grosso modo, par le jeu de l'offre et de la demande, à établir un certain équilibre et une certaine adaptation, selon les catégories d'usagers. Certes, il y a lieu de constater, dans des cas particuliers, de nombreuses et importantes lacunes. Une surproduction des périodiques est à noter, c'est incontestable. De nombreux organes de la pensée écrite se contredisent ; les auteurs se répètent, sciemment ou inconsciemment ; un gaspillage de forces est à souligner, ce qui se répercute sur la qualité des organes particuliers. Il arrive souvent que des articles et des travaux scientifiques paraissent simultanément dans diverses feuilles, sous des formes légèrement modifiées. C'est vrai, il y a des périodiques, qui généralement dépourvus d'une véritable individualité, vivent comme des parasites, se nourrissent des idées qui appartiennent à autrui. Les bibliothécaires, conscients de leur responsabilité, ne doivent pas craindre de refuser (à de tels pirates de la presse) l'accès hospitalier de leurs ports. A proprement parler, il est à peine compréhensible que l'existence de 14.000 périodiques (paraissant actuellement, d'après les sources américaines, dans le monde entier) corresponde à un besoin réel. Il nous semble que les objectifs de la presse agricole, à savoir, l'extension de la science agricole dans la pratique et les comptes-rendus des résultats de recherches scientifiques sont susceptibles d'être acquis à moins de frais. La rationalisation et la planification doivent intervenir ici pour contenir la marée montante de la littérature.

    Il faut tenir compte, précisément, de l'existence d'une quantité démesurée de journaux professionnels, vraisemblablement encore en voie de perpétuel développement. Il est évident qu'une appréciation sérieuse de cette source de matériaux dépasse les possibilités des usagers particuliers. Cette mise en valeur ne peut se faire que sur la base d'une coopération. Ce sont justement les bibliothèques, les services de documentation, les bibliographies, les périodiques de référence et les services de cartographie, donc, les moyens auxiliaires, qui rendent cette tâche possible. Mais dans ce domaine, les activités et les dispositions ne sont nullement coordonnées, ni ici, en Autriche, ni dans la plupart des autres pays.

    1. Die deutsche Presse 1954. Berlin : Duncker u. Humboldt 1954. retour au texte

    2. Die Fach Presse der Land - und Ernàhrungswirtschaft. Hamburg/Agrarwer-bung 1954. retour au texte

    3. Le catalogue des périodiques de la même bibliothèque (Catalogue of Périodi-. cals owned by Library. Rome : Int. Inst. of Agr. 1946) publié en 1946, relève 5.572 titres ; il s'agit, assurément, aussi des périodiques disparus depuis. retour au texte

    4. List of Sériais currently received in the Library of the U. S. Département of Agriculture. Nov. 1 1949. Washington 1950. retour au texte

    5. Cf. : S. v. Frauendorfer - Gegenwart und Zukunft der internationalen landwirtschaftlichen Bibliographie : In Ber. ü. Landwirtschaft N. F., Bd 14, Heft 1, S. 140-155 (1930). retour au texte