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La bibliothèque des Nations Unies à Genève : Centre international de documentation

1958

    La Bibliothèque des Nations Unies à Genève : Centre international de documentation

    Par A.C. Breycha-Vauthier, Bibliothécaire des Nations Unies à Genève ; Secrétaire-adjoint de la F.I.A.B.

    La Bibliothèque des Nations Unies de Genève se propose un double but et assume une double tâche. Elle joue en premier lieu le rôle de bibliothèque centrale pour l'Organisation des Nations Unies et les institutions spécialisées ainsi que pour les délégations, les experts et les journalistes, en mettant à leur disposition la documentation nécessaire à leurs travaux. De plus, grâce au don fait en 1927 par M. John D. Rockefeller Jr., cette bibliothèque, réservée jusqu'alors à l'usage officiel est devenue, selon les paroles gravées sur sa plaque commémorative, une institution qui doit « servir de centre de recherches internationales et d'instrument d'entente entre les peuples ». Elle est ainsi appelée à rendre service à un nombre important d'organisations, aux spécialistes, professeurs et étudiants, à tous ceux enfin qui viennent à elle, certains d'y trouver réunis de précieux éléments d'information. Aussi, la proximité de Genève de grands centres français amène-t-elle un nombre croissant de juristes et d'économistes français notamment à s'y documenter.

    Créée à Londres en 1919, la Bibliothèque fut transférée à Genève en 1920 en même temps que le Secrétariat de la Société des Nations. Chargée de rassembler toutes les publications nécessaires, elle occupa la salle du restaurant et les caves de l'ancien hôtel National, sur le quai Wilson, où se concentra la vie de la Société des Nations durant les quinze premières années de son existence.

    La Bibliothèque ne tarda pas à y jouer son rôle. Dès 1923, un comité d'experts institué par l'Assemblée de la Société des Nations attirait l'attention sur l'intérêt qu'il y aurait à créer, au siège de cette Société, un centre mondial d'étude des affaires internationales. Peu après, lorsque la Société des Nations eut décidé de bâtir son propre édifice, elle reçut de M. John D. Rockefeller Jr., en septembre 1927, un don généreux de deux millions de dollars pour la construction et la dotation d'une bibliothèque. Comme le soulignait alors le président du Conseil de la Société des Nations, il ne s'agissait pas seulement là d'une donation matérielle importante, il fallait voir aussi dans ce geste d'un citoyen américain un acte d'une portée sociale et morale considérable. Un comité d'experts, composé d'hommes d'Etat et de bibliothécaires et présidé par le grand juriste international Vittorio Scialoja, établit les lignes directrices du projet. La France était représentée dans ce comité par M. Roland-Marcel d'abord et M. Julien Cain en suite, et à l'automne 1936 la bibliothèque put être transférée dans le bâtiment qui lui avait été réservé dans le nouveau palais des Nations.

    Une réduction très sensible de l'effectif de son personnel et du montant des fonds destinés aux achats a, pendant la guerre, contraint la bibliothèque à se limiter aux tâches essentielles ; elle a néanmoins réussi à tenir à jour ses collections de séries et de périodiques qu'il aurait été très difficile de compléter plus tard. Aussi, les conditions normales une fois revenues, a-t-elle pu offrir dans de nombreux domaines des facilités de travail exceptionnelles. En 1946, la bibliothèque a été reprise par les Nations Unies, qui lui ont donné un nouvel essor.

    La documentation réunie à la Bibliothèque des Nations Unies de Genève, qui compte aujourd'hui plus d'un demi-million de volumes, est composée. de collections rassemblées dans le but de fournir le matériel nécessaire au travail courant de l'institution et en même temps indispensable à tout travail dans ce domaine sur le plan international. C'est ainsi que la bibliothèque abrite actuellement des séries, parmi les plus complètes qui soient en Europe, de publications statistiques et de textes législatifs de tous les pays du monde, ainsi que des collections importantes et véritablement internationales d'ouvrages de droit international, constitutionnel et administratif, de codes de divers pays ainsi que d'ouvrages généraux de référence (encyclopédies, dictionnaires, annuaires, etc.) et d'ouvrages traitant des questions économiques, financières et sociales ; il faut encore mentionner une collection complète des documents des Nations Unies, la seule collection du monde vraiment complète, c'est-à-dire comprenant aussi les documents à distribution restreinte de la Société des Nations et une collection aussi complète que possible de la documentation des institutions spécialisées ; enfin un grand nombre de cartes et d'ouvrages géographiques. A ses 160.000 volumes environ de publications gouvernementales s'ajoutent annuellement 5.000 à 6.000 volumes, tandis que ses collections de livres s'enrichissent d'environ 8.000 volumes par an et que le service régulier de plus de 6.000 publications périodiques lui est assuré. Plus de 70 % de ces publications sont reçues à titre d'échanges et de dons ; les périodiques lui sont envoyés le plus souvent en contrepartie de sa Liste mensuelle d'articles sélectionnés qui est reçue par un grand nombre de bibliothèques et institutions de recherches en France.

    L'intérêt de ses collections de publications gouvernementales provient notamment du fait que celles-ci ne se trouvent réunies d'une façon aussi complète dans aucune autre bibliothèque en dehors de leur pays d'origine. C'est ainsi que la Bibliothèque des Nations Unies possède par exemple la plus importante collection de publications gouvernementales américaines existant en Europe et qu'elle a réuni ce qui est probablement la collection la plus complète de publications officielles françaises en dehors de la France. D'autre part, l'élaboration récente du catalogue collectif des périodiques étrangers reçus dans les bibliothèques suisses a permis de constater que 1.500 environ des périodiques qui lui parviennent ne sont reçus par aucune autre bibliothèque en Suisse.

    Siège de la Fédération internationale des Associations de Bibliothécaires depuis 1929, elle reçoit de ce fait de nombreuses informations en matière de bibliographie et de bibliothéconomie, ce qui lui permet de mettre à la disposition de ses usagers une documentation souvent encore inédite et qui sert utilement aux travaux de la F.I.A.B. et notamment à l'élaboration de ses Actes.

    La bibliothèque possède également une importante collection de manuscrits et de lettres autographes de personnalités de nombreux pays, qui ont travaillé à développer l'idée d'organisation internationale ; elle a rassemblé dans une salle d'exposition des objets d'un grand intérêt, comprenant également des pièces officielles, des portraits, et a créé le premier musée international d'histoire diplomatique (1)

    Livres et documents officiels sont rendus accessibles par deux catalogues. Le catalogue dit « dictionnaire » classe en un seul ordre alphabétique les fiches d'auteurs, de matières et, si utile, de titres. Notons à ce sujet le travail d'analyse effectué dans ce catalogue. C'est ainsi par exemple que le contenu de recueils comprenant plusieurs chapitres relevant d'auteurs différents est catalogué indépendamment pour rendre ce matériel plus accessible.

    Un deuxième catalogue, topographique celui-là, reproduit la classification et l'arrangement des livres sur les rayons des magasins et des salles de lecture. Il se compose d'une unité pour les livres et d'une autre pour les publications officielles ; de plus, cinq des sept salles de lecture possèdent des catalogues topographiques de leurs usuels. Comme les livres sont disposés sur les rayons selon la classification décimale, donc par sujet, ce catalogue constitue en même temps un catalogue systématique. Tandis que le catalogue dit dictionnaire, avec ses vedettes en anglais, facilite la consultations par les lecteurs de cette langue, le catalogue topographique avec les vedettes décimales en français rend d'utiles services aux lecteurs, dont le français est, la langue de travail. Ces deux catalogues comprennent à présent plus d'un million de fiches.

    Les nouvelles acquisitions sont répertoriées dans la « Liste mensuelle d'ouvrages catalogués à la Bibliothèque des Nations Unies » (31e année, 1958), périodique distribué à plus de 1.000 exemplaires dans le monde entier et tiré aussi sur papier pelure, imprimé d'un seul côté, pour permettre à d'autres institutions d'établir des catalogues spécialisés sur fiches. Un index très détaillé est publié chaque année.

    L'accès aux périodiques est facilité par un fichier alphabétique, un fichier topographique et un fichier méthodique. De plus, une nouvelle édition de la liste alphabétique des revues reçues à la Bibliothèque, dont la dernière édition remonte à 1938, est en préparation. Plus de 2.000 des périodiques reçus régulièrement sont analysés dans la « Liste mensuelle d'articles sélectionnés » qui, en 1958 est dans sa 30e année de publication et constitue de ce fait avec la liste d'ouvrages la plus ancienne des publications des Nations Unies, puisqu'elle continue une publication éditée par la Bibliothèque alors que celle-ci dépendait encore de la Société des Nations. Paraissant depuis 1929, cette liste fait suite à diverses listes ronéographiées et au dépouillement d'articles de périodiques entrepris depuis 1920. Chaque numéro de décembre donne la « Liste des publications dans lesquelles les articles ont été sélectionnés pendant l'année » que beaucoup de bibliothèques considèrent comme une source utile de renseignements concernant les titres de périodiques courants dans les domaines des sciences sociales.

    Signalons comme innovation que le contenu si riche des journaux officiels, dont près de 200 parviennent régulièrement à la Bibliothèque de toutes les parties du monde, est rendu plus accessible par un système d'indexage effectué sur cartes perforées : statistiques commerciales, précisions sur les prix, la finance ou l'évolution démographique peuvent être facilement retrouvées grâce à ce procédé. Un « Répertoire des données publiées régulièrement dans les journaux officiels » (listes bibliographiques - nouvelle série - N° 1, 1958) permet aussi à d'autres bibliothèques de bénéficier de ce travail.

    La Bibliothèque est ouverte aux délégués, aux membres du Secrétariat, au personnel des autres organisations des Nations Unies, aux journalistes, ainsi qu'à toute personne s'intéressant aux problèmes internationaux. Plus de 900 cartes sont délivrées chaque année à de nouveaux lecteurs. Ce chiffre est établi sans tenir compte des délégués et fonctionnaires des Nations Unies et de leurs organisations, lesquels ont accès à la Bibliothèque sans formalité. Au cours de 1957, le nombre des entrées aux salles de lecture a été de plus de 30.000 tandis que plus de 70.000 livres, publications officielles et périodiques étaient prêtés et dès pages de texte mises à la.disposition des intéressés sous forme de copies photostatiques ou de microfilm. Les salles de lecture sont ouvertes tous les jours (sauf le samedi et le dimanche) de 8 h. 45 à 18 h. 15.

    L'accès aux collections des salles de lecture est libre ; ces collections comprennent environ 20.000 volumes spécialement choisis en raison de leurimportance ou de leur caractère d'actualité. L'autorisation d'accéder aux magasins peut être obtenue pour la consultation des grandes séries (lois. statistiques, périodiques, quotidiens, etc.). En ce qui concerne l'accès aux autres matériaux, de plus grandes facilités sont réservées aux membres du Secrétariat. La salle de lecture des périodiques est ouverte aux fumeurs afin de leur permettre de se sentir à l'aise au cours de leur travail et d'attirer les lecteurs à la Bibliothèque pendant leurs heures de loisir.

    Le personnel de la Bibliothèque compte 23 personnes représentant 10 nationalités et pouvant travailler en 14 langues. Des stagiaires bénévoles - appartenant notamment à l'Ecole des Bibliothécaires de Genève avec laquelle elle est en étroite relation - sont acceptés par la Bibliothèque, qui les initie aux méthodes de travail d'une grande bibliothèque internationale et reçoit d'eux, en échange, d'utiles services. Un nombre considérable des travaux de diplôme de l'Ecole est aussi basé sur des collections de notre bibliothèque.

    Soulignons, puisqu'il ne s'agit pas seulement dans notre profession d'éléments d'organisation, mais aussi de facteurs personnels, l'importance qu'a pour cet effort commun, la solidarité professionnelle ; l'Ecole des Bibliothécaires de Genève tient là un rôle important et rappelons ici aussi la participation active de la Bibliothèque et de ses membres dans le travail de leurs collègues réunis dans l'Association des Bibliothécaires Suisses et dans leurs associations nationales de bibliothécaires respectives comme élément et lien agissant à la fois entre la jeune et l'ancienne génération et entre les bibliothécaires genevois et internationaux. Notons aussi dans le même esprit à côté de notre participation aux activités de la Fédération internationale des Associations des bibliothécaires notre collaboration avec le Comité international pour la documentation des sciences sociales, car notre Bibliothèque doit beaucoup aussi à l'efficace collaboration avec d'autres bibliothèques, notamment avec la Bibliothèque des Nations Unies à New- York, dont fait partie la Bibliothèque de Genève. Il y a maintenant plus d'un quart de siècle que M. Sevensma a décrit, sous les auspices de l'Association des Bibliothécaires français, le fonctionnement de notre Bibliothèque et ses plans d'avenir (2) . Beaucoup de choses ont changé depuis à travers le monde et dans l'organisation internationale, mais il est réjouissant de constater que la Bibliothèque s'est développée selon les grandes lignes esquissées alors, tout en apportant un nombre d'innovations utiles. C'est à présent au service des Nations Unies et de ses usagers du monde entier qu'elle s'efforce de faciliter le labeur international dont Genève est un des grands centres.

    1. Voir : Collection historique. Guide annoté du visiteur, Genève, 1947, 38 p. ; Guide de la collection historique de la Société des Nations p. 8 et, pour un aperçu de ses collections spéciales « La Bibliothèque des Nations Unies de Genève, centre international de documentation en sciences sociales » dans Revue de la Documentation, 1957, n° 2. retour au texte

    2. Dans la Bévue des Bibliothèques, 1930. retour au texte