Index des revues

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    La discothèque de Blois

    Par Anne-Marie Souberbielle

    C'est une évidence qui se vérifie chaque jour davantage que l'apparition du microsillon a donné au disque de telles possibilités éducatives qu'il vient prendre rang auprès du livre. Aussi les bibliothécaires ont-ils été amenés à envisager la création d'une section « Discothèque » dans le cadre de la Bibliothèque. Une réalisation récente, sans sortir de notre région, est celle de la Bibliothèque de Tours qui dans ses nouveaux locaux a prévu une installation pour ce service.

    Je ne m'étendrais pas sur les questions d'ordre général qui ont d'ailleurs été traitées dans le Bulletin des Bibliothèques de France par notre collègue Mlle Chassé, dont l'excellent article très documenté, a donné les base d'une organisation de Discothèque.

    Mon intention est très limitée : vous dire ce que j'ai pu réaliser à Blois. L'idée primordiale a été de participer à la culture musicale de notre petite ville à laquelle la Société des Amis de la Musique travaillait depuis plusieurs années, en organisant une série de quatre ou cinq concerts de haute tenue chaque saison.

    J'avais la chance de disposer à la Bibliothèque d'une très belle salle, aux boiseries Restauration (1827), de formes oblongues, dont les proportions, les rayonnages bien garnis de collections de Revues anciennes, pour la plupart habillées de reliures, devaient à priori assurer une acoustique excellente. De plus, cette salle étant d'accès facile mais un peu en retrait, les auditions ne gêneraient pas les lecteurs et usagers de la Bibliothèque.

    De là, naquit tout naturellement l'idée d'une discothèque d'audition, et d'audition dans un cadre reposant, dans une ambiance recueillie, exaltant toute la valeur et la beauté de la musique. C'était d'autant plus tentant que sous cet angle l'entreprise demandait un financement très réduit : très peu de disques au départ, et pas d'installation matérielle en dehors de l'appareil.

    En 1956, un crédit spécialement destiné à la discothèque m'était ouvert au budget de la bibliothèque : 500.000 francs. L'achat de l'appareil était le point délicat, car il fallait une chaîne pour obtenir l'audition parfaite. J'eus la chance de me trouver en rapports avec la maison FILM ET RADIO, et d'obtenir un excellent électrophone muni d'une platine GARRARD, d'un bras et d'une tête de lecture ultra-sensible. Pour le haut-parleur, la conque Film et Radio, spécialement fabriquée par cette maison, pouvait donner l'ampleur nécessaire pour des auditions de grand orchestre que permettaient les dimensions de la salle. Ainsi rien ne se perdait des possibilités qu'offrait le microsillon, et l'illusion de l'audition directe était atteinte.

    L'appareil acheté, il me restait de quoi me procurer les 150 disques qui me paraissaient suffisants mais indispensables pour un modeste départ. De quels disques munir cette discothèque ?... Choisir, un peu pour toutes les époques, un éventail de très bons enregistrements des oeuvres primordiales, mais aussi d'oeuvres moins connues qui méritent cependant une plus large audience. Le choix est souvent délicat entre plusieurs excellents enregistrements de la même oeuvre, tandis que d'autres sont bien défavorisées.

    Cette discothèque est encore pour la presque totalité composée de musique classique, mais dès le début, j'ai cependant jeté les bases d'un fonds folklorique, et d'un fonds littéraire, ce dernier en particulier pour les séances scolaires. Quelques disques pour enfants aussi pour notre section de Bibliothèque enfantine.

    La question se pose : quel classement adopter ?...

    C'est à la solution la plus simple que je me suis arrêtée après avoir étudié bien des possibilités. Disques classés dans l'ordre du catalogue des entrées, en séparant simplement les 25 cm. des 30 cm. Classement vertical, qui se révèle excellent à une condition : que les disques soient assez serrés pour être strictement en position verticale ; pour cela les cases doivent être prévues pour 15 disques environ (10 cm.). Le catalogue alphabétique des auteurs et compositeurs indique le numéro du disque et des repères sur les casiers permettent immédiatement de retirer le disque cherché. Un fichier par interprètes double le fichier par compositeurs.

    Ainsi dès la rentrée d'octobre 1956, il fut possible de fonctionner. Voici sous quelles formes : une carte d'abonnement donna droit à deux sortes d'auditions :

    • 1° Auditions au choix de l'abonné, deux après-midi par semaine de 5 à 8 heures ;
      • 2° Auditions d'un programme établi, avec conférence, une fois par mois en soirée, d'octobre à avril. Des séances gratuites furent aussi prévues et organisées en accord avec les professeurs des différents établissements d'enseignement, pour illustrer les sujets de tels ou tels cours.

    Que sont ces conférences commentées dont je vous parlais ? Eh bien, je dois dire que c'est grâce au dévouement amical de quelques musiciens et musicologues de mon entourage que j'ai pu organiser ces séances sans m'en-gager dans des dépenses impossibles. Tout en se voulant éducatives, ces soirées ne sont pas des cours que nous imposons aux auditeurs. Les sujets sont variés, au choix des conférenciers et selon leurs compétences, de façon aussi à toucher un peu tous les stades de formation musicale que l'on peut trouver parmi ces auditeurs. Comme il se devait au Château de Blois, « La Musique chorale française de la Renaissance » fut notre point de départ. « L'Influence des salons sur la musique des XVIIe et XVIIIe siècles», « La Musique religieuse réformée : Chorales et Psaumes », furent ensuite étudiées.

    Pour cette dernière saison, nous avons équilibré musique ancienne et musique moderne : débutant par l'audition intégrale de l'ORFEO de Monte-verdi, admirablement présenté, elle s'est continué par l'Histoire'du soldat de Strawinsky, le Magnificat de Bach, Vivaldi, Albert Roussel, Delalande, musicien de Louis XIV, pour se terminer avec Bêla Bartok. C'est vous dire notre éclectisme. Et les auditeurs sont venus régulièrement de 30 à 50 pour ces soirées que nous reprendrons en octobre. Nous possédons actuellement près de 400 disques (383). C'est sur le disque parlé, sur les textes littéraires que porteront une partie des prochains achats, cela pour répondre aux besoins exprimés par les professeurs. Il y a aussi l'équipement en stéréophonie auquel il faut songer pour être « à la page ». Disques de mars présentait avec faveur l'équipement stéréophonique de Film et Radio. La question de dépense reste à étudier pour cette année.

    Pour terminer, vous me demanderez : Comment les Blésois ont-ils accueilli cette Discothèque ? Avec beaucoup d'intérêt et de sympathie la première année, mais l'hiver 1957-1958, fut assez décevant, surtout pour les conférences : nous n'arrivions à réunir que 15 à 20 personnes. Aussi à la rentrée d'octobre 1958, chaque abonné (ils sont une cinquantaine) (1) reçut quelques jours avant la réunion, une circulaire indiquant le nom du conférencier et le sujet traité. Le nombre des auditeurs passa ainsi à 30 ou 50 personnes. Chaque abonné peut amener les personnes qu'il désire en faisant pointer sa carte en conséquence. Les auditeurs des séances d'après-midi sont peu nombreux, deux en moyenne par séance. Cela résout la difficulté qui pouvait s'élever et que l'on avait objecté : Desiderata divers et simultanés.

    Quant aux auditions demandées par les professeurs de musique des Lycées, Ecole Normale, etc., ou les professeurs de lettres et de langues vivantes, elles deviennent de plus en plus nombreuses, et dans ce sens, la discothèque se révèle une aide efficace, du moins pour cette période, peut-être transitoire, d'équipement insuffisant en matériel d'audition des établissements d'enseignement.

    La Discothèque est maintenant connue, et il semble que les possibilités qu'elle offre de s'instruire et de se distraire, doivent lui assurer un rôle non négligeable, en étroite liaison avec la Bibliothèque.