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La lecture des ouvrages politiques, économiques et sociaux dans les petites bibliothèques

1962

    La lecture des ouvrages politiques, économiques et sociaux dans les petites bibliothèques

    Coutrot, Attaché de recherches à la Fondation nationale des Sciences politiques.

    Il y a quelques mois, une réunion de la Section des petites et moyennes bibliothèques fournissait l'occasion de diffuser un questionnaire auprès des bibliothécaires. Ceux-ci étaient sollicités de citer les vingt ouvrages documentaires les plus propres à développer les connaissances du grand public dans le domaine politique, économique et social et d'indiquer leur expérience concernant la diffusion de ces lectures.

    Vingt-cinq questionnaires ont été retournés, émanant de bibliothèques municipales, d'entreprises, syndicales, etc..., les réponses provenant pour moitié de la région parisienne.

    Quelques réflexions viennent à l'esprit à la lecture de ces réponses :

    • 1) Les ouvrages cités sont tous d'une bonne tenue intellectuelle et émanent d'auteurs qualifiés. Leur lecture ne peut qu'être profitable à ceux à qui on propose ces titres. On remarque un souci évident d'offrir des lectures qui abordent tous les vrais problèmes de notre temps et élargissent le champ des connaissances aux dimensions du monde. On peut cependant regretter que les ouvrages politiques soient sous-représentés, particulièrement ceux qui concernent la vie politique française.
    • 2) Une ventilation des réponses fait apparaître les préférences suivantes :
      • Les ouvrages de M. AUMONT sont cités dans douze questionnaires, ceux d'A. SAUVY dans onze d'entre eux. Ensuite viennent M. DUVERGER, G. FRIEDMAN et le P. LEBRET, cités neuf fois, O. PHILIPPON citée six fois, T. MENDE et J. FOURASTIE cités cinq fois. L'importance attachée aux problèmes économiques et sociaux et aux problèmes économiques mondiaux est évidente, puisque seul un auteur « politique », M. Duverger, figure dans cette liste.
      • 3) Les lacunes décelées nous paraissent dans bien des cas inhérentes aux orientations de l'édition française et aux difficultés d'acquisition rapide de titres nouveaux :
        • - Les ouvrages cités sont souvent assez austères, tels ceux du P. LEBRET ou de G. FRIEDMAN, et on peut se demander si une lecture ardue ne décourage pas des lecteurs, avides cependant de s'informer sur les problèmes évoqués par ces auteurs.
        • - Les ouvrages plus accessibles, de vulgarisation intelligente apparaissent assez rarement (en particulier ceux publiés par Peuple et Culture ou Economie et Humaniste, ou encore F. BORELLA. Le gouvernement des Français). La difficulté réside sans doute dans le fait que ce sont des parutions récentes, puisque cet effort de vulgarisation ne date que de quelques années. En outre, on peut se demander si des bibliothécaires ne préfèrent pas acheter des « valeurs sûres », le nom de T. MENDE ou de SAUVY serait un label de qualité, plutôt que des ouvrages plus modestes qui peuvent être de valeur inégale. La publication fréquente de bibliographies appropriées devrait permettre de surmonter cet obstacle.
        • - Nous avons déjà déploré la relative carence des titres sur la vie politique française : il faut sans doute y voir la volonté de rester objectif et ne pas proposer d'ouvrages trop « orientés » surtout sur les sujets brûlants qui nous agitent actuellement, la question reste posée cependant et d'un point de vue éducatif, ne peut être résolue par l'abstention.
        • 4) Certaines réponses sont accompagnées de remarques fort judicieuses sur les moyens à employer pour favoriser la lecture d'ouvrages économiques politiques et sociaux et nous ne pouvons mieux faire que d'en citer quelques extraits :
          • « Il me semble, écrit l'un de nos correspondants, que le mieux est de donner au lecteur, en plus des romans généralement demandés, un ouvrage documentaire choisi avec discernement... c'est une question de tact, mais le principe du livre culturel donné en plus aide beaucoup ».

    Une autre réponse insiste à juste titre sur le caractère éducatif de certains romans ou récits de voyages : « Beaucoup de romans peuvent avoir une portée sociale..., les traités ne manquent pas non plus, mais sont plus difficiles à faire avaler... Certains livres d'histoire et de voyages ont aussi des renseignements d'ordre politique et social... ». Enfin, plusieurs réponses font état d'expositions dans des vitrines ou sur des tables, pour familiariser le lecteur avec certains centres d'intérêt et tenter sa curiosité : « Aucune pression n'est faite sur les lecteurs, précise une réponse, mais de temps en temps une exposition de livres traitant de ces sujets est organisée sur une des tables de la bibliothèque ; les lecteurs les choisissent donc librement... ».Ainsi il n'est pas question de considérer ces quelques réponses comme une enquête à caractère scientifique, vu leur petit nombre et le côté volontairement limité des questions posées, qui ne se référaient en principe qu'aux ouvrages de la classe 300. Voyons-y plutôt l'amorce d'un intéressant travail de coopération et de recherches bibliographiques, pour fournir une aide efficace à ceux qui, par les prêts de livres, participent à la grande tâche d'éducation populaire.