La Bibliothèque Forney est enfin installée à l'Hôtel de Sens ((*)) et ce local plus vaste peut lui permettre d'assumer des tâches nouvelles. Il faut comme toujours, rendre hommage à M. Gabriel Henriot qui, bien avant 1939, avait envisagé de faire de Forney une centrale de prêt pour les livres de techniques et d'art décoratif.
Le local de la rue Titon rendait absolument impossible cette extension. Il a fallu attendre près de vingt ans pour pouvoir envisager la réalisation de ce projet. C'est de cet essai, encore timide, que nous voulons d'abord vous parler.
Dès 1961 la Bibliothèque centrale du VIe arrondissement a mis à la disposition de ses lecteurs un fichier signalant les livres récemment acquis par la Bibliothèque Forney que les usagers du VIe arrondissement purent obtenir en communication dans un délai de huit jours.
Voici dans la pratique comment a été conçue cette première opération :
Forney multigraphie ses fiches et peut donc, sans difficulté, envoyer deux fiches : auteur et matières à la Bibliothèque du VIe arrondissement au fur et à mesure du tirage. Pour éviter l'encombrement et pour ne pas « noyer » ses lecteurs, la bibliothécaire fait un choix parmi les fiches qui lui sont adressées. Ce système du choix, si arbitraire soit-il, semble ne présenter que des avantages, car si pour une raison quelconque, tel ou tel sujet devient d'actualité, la bibliothécaire de la municipale peut toujours demander à Forney une nouvelle série de fiches.
Le prêt se fait très simplement : le lecteur du VIe arrondissement remplit un bulletin de demande comparable à celui que l'on utilise à la Bibliothèque Forney et ce bulletin est envoyé par la poste ; Forney envoie le livre par le même moyen - la franchise postale existant entre les divers organismes de la Préfecture de la Seine.
Nous ne pouvons pas entrer dans tous les détails, mais nous avons naturellement rencontré toutes les difficultés inhérentes à un service de prêt : livres en cours de reliure, livres déjà empruntés, livres exclus du prêt. A mesure que le système a fonctionné, nous avons résolu tous ces petits problèmes assez facilement.
Une deuxième expérience a été tentée en 1962 avec la Bibliothèque du XVIIe arrondissement. Les résultats ont été tout aussi encourageants. Par l'intermédiaire de la Bibliothèque municipale, 149 livres de Forney ont été prêtés aux habitants du XVIP arrondissement de janvier à juillet 1962.
Actuellement, nous sommes en train d'organiser le prêt avec la Bibliothèque centrale du XIe arrondissement.
Le système doit être extrêmement souple et la Bibliothèque Forney doit s'adapter aux demandes des bibliothèques municipales. Par exemple, la Bibliothèque du VIe arrondissement a un fichier auteurs et un fichier systématique ; la Bibliothèque du XVIIe arrondissement ne prend qu'une seule fiche et les classe systématiquement. Il semble que la Bibliothèque du XIe arrondissement fera de même. Nous pourrions aussi bien envisager de créer un fichier alphabétique matières avec les fiches de Forney.
Pour encourager les lecteurs à utiliser les fonds de la Bibliothèque Forney par l'intermédiaire de la Bibliothèque municipale, il a été nécessaire de faire une petite exposition de livres. Là aussi, les méthodes ont différé.
Le VIe arrondissement a demandé une cinquantaine d'ouvrages et de périodiques représentatifs des principaux fonds de la Bibliothèque en insistant particulièrement sur l'art décoratif ; a priori, les techniques ne devaient pas intéresser les lecteurs du VIe arrondissement ; par contre, au XVIP arrondissement la Bibliothèque Forney a prêté des ensembles homogènes, une quarantaine de livres sur un même sujet ; quatre séries se sont succédées : céramique, électricité, plastiques, Paris. Dans ces séries, il a été possible de communiquer pour les consulter sur place des livres exclus du prêt.
Ce n'est pas seulement avec les Bibliothèques de la Ville de Paris qu'un effort a été entrepris. L'Ecole professionnelle de la Régie Renault a utilisé le fonds de la Bibliothèque Forney à deux reprises. D'abord pour un prêt de livres en vue d'une exposition sur les applications industrielles de l'énergie atomique ; le deuxième prêt a été fait à l'occasion des classes de neige et Forney a pu prêter des livres concernant la montagne (sa faune, sa flore) et l'alpinisme, le ski, les expéditions himalayennes.
Ces prêts peuvent être très largement développés car Forney possède actuellement 100.000 volumes et reçoit 500 titres de périodiques. Depuis quelques années des achats importants ont été faits pour acquérir des ouvrages d'art décoratif étrangers et pour doubler les exemplaires des livres les plus demandés. Dans ce dernier cas, il est intéressant de signaler l'aide apportée par de nombreux donateurs. D'autre part, cet assai de prêt a été limité aux livres et il serait souhaitable que les documents iconographiques constituant l'un des fonds spéciaux les plus importants soient également mis à la disposition des autres bibliothèques. 250.000 reproductions peuvent être prêtées à domicile. Pourquoi les petites bibliothèques qui n'ont aucune documentation de ce genre n'auraient-elles pas recours à Forney quand il leur est nécessaire d'illustrer un centre d'intérêt ?
Prenons un exemple : à la période des vacances un bibliothécaire veut insister auprès de ses lecteurs sur les livres de récits de voyages ; pour attirer l'attention de son public, il pourrait emprunter à Forney des reproductions : moyens de transport (Montgolfière, diligence, locomotive...), costumes (touristes ou baigneurs 1900, alpinistes au XIXe siècle...)
Une très brève communication a été faite à la réunion de l'A.B.F. organisée pour les moyennes et petites bibliothèques en mai 1962 et nous espérons qu'une réunion d'information pour cette section de l'A.B.F. aura lieu à Forney même où il sera plus facile d'expliquer d'une manière vivante à nos collègues les ressources très variées qu'ils pourraient y trouver (1) .
Nous ne nous dissimulons pas que les difficultés résident moins dans les modalités de prêt que dans l'information. On ne peut pas penser que des petites bibliothèques puissent établir comme les centrales de prêt de Paris un fichier Forney. Nous disposons de listes des nouvelles acquisitions qui peuvent être largement diffusées, mais qui ne peuvent donner une information précise. Sur l'initiative des bibliothécaires repose alors la réussite de cette extension que nous souhaitons très vivement. Nous ne pourrons atteindre le public de la région parisienne que si nos collègues veulent bien attirer l'attention de leurs propres lecteurs (techniciens, artisans, professeurs et élèves des écoles professionnelles) sur les grands services que Forney peut leur rendre.
En définitive, tout habitant de la région parisienne doit connaître l'existence d'une bibliothèque centrale de prêt de livres techniques et d'art décoratif qui diffuse largement ses collections et doit savoir que, si, pour une question de temps, il ne peut se rendre lui-même rue du Figuier, la bibliothèque la plus proche de son domicile peut lui obtenir le prêt des livres qui lui sont nécessaires pour son travail.
Forney dispose maintenant de locaux assez vastes pour accueillir un public nombreux (deux salles de lecture, 200 places environ), mais par contre, la question du personnel est angoissante. L'Hôtel de Sens nécessite qu'aux heures d'ouverture, la plupart des agents remplissent un service public et, de plus, étant donnée la rémunération que la Ville de Paris accorde au personnel d'encadrement, les responsables des différents services changent continuellement.
On est habitué, dans les bibliothèques municipales, à faire beaucoup avec rien ; une fois de plus, en dépit de la surcharge de travail, nous ne voulons pas renoncer à entreprendre ce que la lecture publique attend de nous depuis plus de trente ans.