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La deuxième journée d'études de la section des Bibliothèques-Musées des Arts du Spectacle

1963

    La deuxième journée d'études de la section des Bibliothèques-Musées des Arts du Spectacle

    Par Cécile Giteau

    Lors de sa création en mars 1960, la Section des Bibliothèques-Musées des Arts du Spectacle avait inscrit au programme de ses activités, outre ses réunions ordinaires, une journée d'études tous les deux ans. La deuxième journée d'études de la Section s'est tenue au C.N.R.S., 15, Quai Anatole-France, le mardi 27 novembre 1962, sous la présidence de M. Henriot Marty, Président de l'Association des Bibliothécaires français.

    Le programme de la journée comportait trois thèmes de travail :

    • - le document de théâtre et l'enseignement télévisé ;
    • - le document de théâtre et l'enseignement télévisé ;
    • - éclairage scénique et documents.

    Avant que soient abordés ces sujets d'études, M. André Veinstein, Président de la Section, donna un aperçu des travaux en cours intéressant la documentation relative aux arts du spectacle en France et dans le monde, rappelant à ce propos les activités de la Section internationale des Bibliothèques-Musées des Arts du spectacle de la F.I.A.B. :

    1 ) Activités permanentes :

    • a) constitution d'un fichier de recensement des bibliothèques et musées des arts du spectacle destiné à servir de complément à Bibliothèques et Musées des Arts du spectacle dans le monde, publié en 1961 aux éditions du C.N.R.S.
    • b) publication de l'organe de liaison et d'informations : Spectacles-Documents, inséré dans Recherches théâtrales, revue publiée par la Fédération internationale pour la recherche théâtrale.
    • c) collaboration régulière à la Bibliographie internationale du théâtre publiée dans la Revue d'histoire du théâtre.

    2) Travaux en cours :

    • a) enquête internationale sur les fonds d'archives des photographes professionnels de théâtre déjà en partie publiée pour la Belgique, la France, les Pays-Bas et la Yougoslavie.
    • b) concours à l'élaboration d'un catalogue international des films documentaires sur le théâtre entrepris par l'Unesco.
    • c) préparation d'un vocabulaire technique multilingue des termes employés en matière de documentation théâtrale.
    • d) publication des Actes du V Congrès international des Bibliothèques-Musée des Arts du Spectacle tenu à Paris les 23, 24, 25 juin 1961 (1) .

    La première des résolutions adoptées par ce Congrès avait été de déposer une demande d'affiliation à l'I.C.O.M. Cette affiliation de la Section internationale des Bibliothèques-Musées des Arts du spectacle ayant été approuvée par décision du Comité exécutif du Conseil international des Musées, M. Veinstein se félicita de voir ainsi consommé le lien entre bibliothèques et musées dans le domaine des arts du spectacle.

    I. - LE DOCUMENT DE THEATRE ET L'ENSEIGNEMENT TELEVISE

    Résumé de la communication de M. Jean FRAPAT, auteur d'émissions de la Télévision scolaire à l'Institut Pédagogique National.

    L'enseignement télévisé cherche le plus souvent à grouper les documents de théâtre autour d'un thème (le quiproquo dans la tragédie et la comédie, la satire des médecins, l'emploi du valet, etc.), et, à partir des grands auteurs au programme (Molière, Marivaux, Beaumarchais, etc.).

    Les émissions doivent être conçues pour trente minutes et s'astreindre aux exigences d'un budget limité. Elles cherchent à tirer parti aussi bien des documents inanimés (archives, manuscrits, maquettes, gravures, etc.) que des documents vivants (scènes filmées, enregistrements sonores, etc.) : aux uns et aux autres, la télévision scolaire impose ses servitudes et ses lois.

    a) le document est inéluctablement présenté sous un « état contingenté » par le format de l'écran, l'élimination de la couleur, la transmission électronique (qui crée une déperdition de qualité), la limitation de la durée de diffusion (dans l'Affaire Tartuffe, trente-quatre documents en trois minutes et trente secondes, soit trois à six secondes par document). Interviennent aussi les exigences des techniciens en ce qui concerne l'esthétique du document ou la musique qui doit l'accompagner.

    b) le document « vivant » est le plus souvent spécialement créé ou recréé pour l'émission. Le jeu de l'acteur au théâtre passe difficilement tel quel à la télévision parce que l'optique y est différente : l'intimité du téléspectateur avec l'écran, de l'acteur avec la caméra déterminent une modification des mimiques et du volume vocal conçus sur la scène en vertu de l'éloignement du spectateur.

    c) les exigences pédagogiques conditionnent très étroitement l'orientation des enquêtes (Le Paradoxe du comédien) ou la présentation d'une reconstitution historique (La Querelle du Cid, par exemple).

    C'est le document authentique qui intéresse le spécialiste, l'exploitation qu'en fait la télévision scolaire risque donc de le décevoir. Telle est la modeste conclusion de M. Frapat. Comment ne pas conclure pourtant que ces réalisations constituent elles-mêmes de nouveaux documents pleins d'intérêt ? On ne peut qu'être séduit par la qualité des séquences projetées : extraits de l'Affaire Tartuffe (panorama des interprètes du rôle de Tartuffe depuis Du Croisy jusqu'à Louis Jouvet), du Valet de comédie (excellente interprétation - et émouvante évocation - de Daniel Sorano dans Les Fourberies de Scapin) ou de En direct du Conservatoire (interview fort animée de Fernand Ledoux).

    II. - LES FILMS DOCUMENTAIRES CONCERNANT LE THEATRE

    Résumé de la communication de M. André VEINSTEIN.

    La préparation d'un catalogue de films documentaires concernant le théâtre a été décidée au Cinquième Congrès international des Bibliothèques-Musées des arts du spectacle en juin 1961. Cette publiciation entre dans le cadre des travaux de l'Unesco qui a déjà édité, dans la même série, un rénertoire des films documentaires sur l'architecture et un répertoire des films documentaires sur l'enseignement de la musique et le théâtre lyrique.

    Un Comité international a été chargé à Paris de l'examen des films : pièces filmées ou extraits filmés (mimodrames y compris), biographies filmées d'hommes de théâtre (acteurs, metteurs en scène, décorateurs, architectes de scène, etc.), monographies de troupes ou de théâtres, documents concernant la technique du théâtre (éclairage, appareillage, jeu des acteurs, riaquillage), problèmes esthétiques et sociologiques concernant le théâtre, rapports de l'art du théâtre et du mime avec les autres arts.

    Plus de quatre-cents films venus d'une vingtaine de pays ont été examinés et ont fait chacun l'objet d'une notice. A cela s'ajoute environ quatre-vingt notices de films soviétiques et américains, résultat d'enquêtes nationales faites en U.R.S.S. et aux Etats-Unis. Seuls ont été retenus les films commu-nicables dans le secteur culturel ou dans le secteur commercial sur le plan international. Sont donc exclus les films existant en un exemplaire unique, les films de certaines stations de télévision qui, telle la B.B.C., n'ont pas encore envisagé de diffuser leur production en dehors de leur propre réseau d'émission. Enfin, quelques films se sont trouvés exclus par les difficultés matérielles : impossibilité temporaire de communication ou inextricables problèmes de douane.

    Le schéma des notices est le suivant :

    • - année de tournage.
    • - nom et adresse du producteur.
    • - caractéristiques techniques du film, (format, durée, noir et blanc ou couleurs).
    • - générique.
    • - versions.
    • - nom du distributeur du film
    • pour le réseau culturel,
    • pour le réseau commercial.
    • - noms des propriétaires des droits concernant le film.
    • - caractère d'utilisation des films (enseignement, spécialistes, etc.).
    • - analyse de leur contenu.
    • Ces notices se compléteront de nombreux index.

    Ce recensement a révélé l'existence d'un certain nombre de films d'un intérêt exceptionnel tels une interview de Paul Claudel, un documentaire sur les cours d'art dramatique de Charles Dullin et de Jean-Paul Sartre, un reportage d'actualité en Espagne concernant les spectacles de plein air. Soixante-dix pour cent des films retenus sont des pièces et mimodrames filmés. Parmi les meilleures pièces : Don Carlos st Marie-Stuart de Schiller au Burgtheater de Vienne, Le Bourgeois gentilhomme à la Comédie française, Electre au théâtre d'Epidaure par le Théâtre national grec, film dont M. Veinstein fit projeter un extrait remarquable. Parmi les mimodrames : pantomimes de Marcel Marceau et aussi Les Arbres, mimodrame d'Etienne Decroux, puissante évocation poétique qui parut sur l'écran.

    III. - ECLAIRAGE SCENIQUE ET DOCUMENTS.

    Compte-rendu du colloque dirigé par M. LEBLANC, dipl. E.S.A., expert du Comité E. 3.1.9.2 (Eclairage des scènes de théâtre) de la Commission internationale de l'Eclairage.

    Compte-rendu du colloque dirigé par M. LEBLANC, dipl. E.S.A., expert du Comité E. 3.1.9.2 (Eclairage des scènes de théâtre) de la Commission internationale de l'Eclairage.

    Une conduite de lumière est un document souvent difficile à interpréter après coup. Les indications du metteur en scène sont d'une part conditionnés par un appareillage déterminé, fixe ou mobile, propre à un théâtre particulier à un moment donné, et, d'autre part, fonctions d'éléments extérieurs (lumière d'ambiance de la salle, couleur et matière des costumes, du décor) dont les caractéristiques n'ont pas toujours été notées. De plus, des éléments subjectifs entrent en jeu pour la dénomination des couleurs par exemple (le fameux « clair de lune » de Baty) ou encore pour la définition d'une variation d'intensité (des expressions telles que « monter lentement » ou « rapidement » donnent une idée assez vague de l'effet souhaité par la manipulation du levier du jeu d'orgue).

    Les maquettes de décors donnent parfois une idée sur les effets de lumière souhaités : il serait hasardeux d'en déduire les moyens qui auraient pu être utilisés pour leur réalisation.

    Des photographies en noir ou en couleurs prises en cours de jeu des coulisses ou de la scène arrivent à lui donner des indications sur la situation des différentes sources de lumière, sur l'orientation des faisceaux, sur les effets réalisés.

    Ces documents traditionnels sont dans l'ensemble aussi imprécis que difficiles à interpréter, chaque metteur en scène, chaque théâtre ayant son langage particulier que seul peut déchiffrer le technicien attaché à son service. C'est ainsi que la présence de M. Guillaume, chef-électricien de Gaston Baty au Théâtre Montparnasse pendant quinze ans, permit d'avoir des éclaircissements sur la signification de certaines notations relevées dans les mises en scène de Baty conservées à la Bibliothèque de l'Arsenal et à la Bibliothèque de l'Association des régisseurs. Mme Herlin-Besson, directeur de scène de Louis Jouvet, commenta grâce à ses souvenirs personnels quelques photos de scènes qui rendaient compte de l'éclairage. M. Pascal, directeur de scène de la Comédie française, exposa quel est le système de notation de ce théâtre dont les problèmes sont d'autant plus complexes que le spectacle se renouvelle chaque jour et mit en valeur l'évolution constante vers la complexité : en 1938, il y avait dans la salle sept projecteurs fixes, actuellement il y en a quarante et quatorze spots au manteau d'Arlequin contre neuf antérieurement.

    Une normalisation des méthodes de notation apparaît souhaitable aux personnes chargées de la conservation et de l'exploitation des documents. M. Leblanc, en tant que technicien de l'électricité, estime qu'elle pourrait être prise en mains par le Comité d'étude de la Commission internationale de l'éclairage et par l'Association internationale des techniciens de théâtre et qu'elle devrait commencer par une unification de la graduation des appareils au stade de la fabrication. N'est-il pas anormal qu'actuellement, suivant les types d'appareils, le plein feu se définisse de zéro à cent ou de cent à zéro ? L'interprétation d'un document peut alors conduire à un contresens total sur la signification du terme « monter » ou « descendre ». L'échelle des graduations d'intensité serait aussi à déterminer et la valeur d'éclairement devrait obligatoirement s'exprimer en lux. La chromaticité peut, théoriquement du moins, dès maintenant se définir plus aisément, la numérotation des filtres étant internationalisée selon leur correspondance dans le triangle des couleurs.

    A l'issue de cet exposé illustré de projections, d'interviews et de démonstrations pratiques, les hommes de théâtre exprimèrent leur méfiance à l'égard d'une telle normalisation, l'oeil du technicien, son sens inné ou acquis de 1' « effet » paraissant être pour eux le seul garant d'une oeuvre de qualité. En revanche, elle simplifierait singulièrement la tâche des documentalistes...

    1. La parution de ce volume est annoncée dans la partie bibliographique de ce même Bulletin, page retour au texte