Joseph BILLIOUD, Archiviste en Chef de la Ville de Marseille, ancien Directeur de la Bibliothèque municipale et du Cabinet des Médailles de la Cité n'est plus. Ceux qui l'ont connu sont en deuil : en sa personne, ils ont perdu un grand savant et une attachante figure.
Ce chartiste, d'origine Bressane (il était né dans l'Ain en 1888), devenu Marseillais d'adoption et de coeur, allait voir toute sa carrière ancrée aux rives du Vieux Port.
Après la guerre de 1914, où sa conduite lui valut une Croix de guerre bien méritée, il fut nommé Bibliothécaire en Chef de la Ville de Marseille. Il obtint ensuite la direction du très riche Cabinet des Médailles de cette cité, et, en hommage aux éminents services qu'il rendit dans cette charge, une salle porte désormais son nom. En 1946, il devint Archiviste en Chef de la Ville de Marseille et la mort, seule, hélas ! devait mettre un terme à un labeur que sa dernière maladie n'avait même pas interrompu.
Quand les innombrables articles, communications et études qu'il prodiguait en des revues érudites ou à l'occasion de réunions savantes seront rassemblés - comme nous devons tous le souhaiter - alors seulement il sera possible de mesurer avec exactitude l'ampleur de son travail et l'importance de son apport à la science. On verra quel esprit curieux, avide d'approfondir toute chose, vient de nous quitter ; on saura les multiples domaines qui bénéficièrent de ses études et de ses découvertes.
Deux branches de l'histoire, assez rarement associées, celle de l'art et de l'économie, ont été particulièrement enrichies par les recherches de Joseph BILLIOUD et ce fait prouve assez l'éclectisme de cet homme.
Conservateur des objets d'art du département des Bouches-du-Rhône, nombre de tableaux et de pièces d'orfèvrerie ou de sculpture lui doivent d'avoir été sauvées d'une irrémédiable destruction ; les manuscrits provençaux enluminés furent l'objet de sa part d'une étude si claire et si ocmplète que l'on peut toujours la considérer comme un modèle ; deux portraitistes oubliés, mais de grand talent. Pierre Bernard et Françoise Duparc, lui ont dû de revivre sous sa plume et de voir plusieurs de leurs oeuvres identifiées avec certitude ; l'histoire des vieilles demeures marseillaises ou des anciennes bastides du département lui a procuré l'occasion d'innombrables articles dans lesquels l'érudit le disputait au lettré.
Son vaste savoir, la sûreté de son goût lui permirent d'organiser d'intéressantes expositions, telles celles consacrées au « Centenaire de la Révolution de 1848 » à Marseille ou à « Marseille au temps de Pierre Puget ».
Bibliophile averti, épris d'éditions rares ou d'ouvrages curieux, c'était aussi un grand connaisseur en objets anciens. Le style baroque, à une époque où cet art n'avait pas encore retrouvé la faveur dont il jouit aujourd'hui, lui était infiniment cher et n'avait pas de secrets pour lui.
Une partie des études conduites dans les divers domaines que nous venons d'indiquer devait lui permettre de fournir une participation importante à Provence historique, la savante revue dont il était le Directeur, et à Marseille, la revue municipale, dont il était le rédacteur en chef. Joseph BILLIOUD devait faire de cette dernière publication une manière de chef d'oeuvre : la haute tenue des articles pouvant convenir aux érudits les plus exigeants, s'allie à une présentation luxueuse et attachante, le texte et l'image s'entendent à merveille pour que le sujet traité séduise et retienne le lecteur et pour exalter les gloires passées et présentes de la cité phocéenne. En ce domaine comme en bien d'autres, la succession du disparu sera lourde à porter pour celui qui aura la charge de continuer à publier cette belle revue.
La collaboration de Joseph BILLIOUD à ces deux monuments de l'histoire provençale : L'Encyclopédie des Bouches-du-Rhône et L'Histoire du Commerce de Marseille firent de lui l'une des éminentes figures de cette étonnante équipe d'historiens, groupée depuis une quarantaine d'années autour de P. Masson, R. Busquet et G. Rambert. En s'attaquant à la si difficile histoire économique marseillaise au cours du 16e siècle, Joseph BILLIOUD, tout en défrichant ce domaine mal connu, parvint à traiter cet aride sujet de main de maître, renouvelant même sur de nombreux points des connaissances que l'on croyait acquises.
Voilà pour le savant. Et voici pour l'homme. Sa gravité naturelle, sa simplicité, sa courtoisie, sa générosité, son indulgence, et sa bonté étaient les traits marquants de sa belle nature. Le visiteur recevait de lui toutes les informations que sa vaste érudition lui permettaient de prodiguer avec une patience infinie. Dans ses propos, pas un mot de trop, certes, mais pas un mot qui ne fut utile à l'historien novice comme au savant chevronné. L'un et l'autre recevaient le même accueil et bénéficiaient des conseils les plus judicieux. Heureux ceux qui eurent le privilège d'avoir Joseph BILLIOUD pour mentor et qui découvrirent sous son égide, les trésors accumulés sous les combles vermoulus de la Mairie de Pierre Puget, face à cette ville qu'il a tant aimée et si excellement servie.
Que l'Institut de France lui ait décerné plusieurs prix, que la Légion d'Honneur et la rosette de l'Instruction publique soient venues récompenser ses mérites, ce ne fut que justice.
Mais il y a plus précieux encore : c'est le souvenir, la gratitude que ses amis et ses disciples lui garderont dans leur coeur ; c'est son message humain et scientifique qu'ils ne pourront oublier et qu'ils devront s'efforcer de transmettre à leur tour.
A Madame BILLIOUD, à ses enfants, instamment à notre excellent confrère, M. Jacques BILLIOUD, Bibliothécaire en Chef de la Faculté des Sciences de l'Université d'Aix-Marseille, nous voulons dire ici notre émotion, notre peine, notre profonde sympathie.