L'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes n'est pas une bibliothèque, il n'est pas non plus un centre de documentation. C'est un « laboratoire » de recherche comme le Centre National de la Recherche Scientifique en compte un grand nombre dans le domaine des sciences exactes et comme il en compte peu dans celui des sciences humaines.
Toutefois, il possède une importante bibliothèque de consultation ou plutôt il en possède plusieurs, correspondant aux différentes branches de son activité et qui sont conservées dans chacune de ses sections. S'il n'est pas non plus un centre de documentation à proprement parler, il rassemble pour-tant une très importante documentation, fruit de ses recherches et il la met à la disposition du public érudit.
Voici brièvement quelle est son histoire : le 7 mai 1937, Jean Perrin, alors sous-secrétaire d'Etat à la Recherche Scientifique, réunissait un certain nombre de personnalités pour discuter d'un projet tendant à la création d'un Institut d'histoire des textes. Le projet émanait de Félix Grat, chargé de cours a la Faculté des Lettres de Nancy et au surplus député de la Mayenne. A la suite de recherches faites au Vatican et en Espagne, il avait été frappé du fait que beaucoup de manuscrits des auteurs classiques latins étaient restés inconnus ; leur étude confrontée avec les éditions, même les plus savantes, l'avait amené à conclure que notre connaissance des textes classiques serait grandement améliorée si les manuscrits qui nous les ont transmis étaient tous connus et utilisés.
L'expérience fut jugée digne d'être tentée et des crédits furent mis à la disposition de Félix Grat pour entreprendre les recherches envisagées.
Une première mission fut envoyée à Vienne (Autriche), bientôt suivie d'autres dans divers pays ; elles eurent plein succès. Une délégation permanente s'établit auprès de la Bibliothèque Vaticane, une autre au British Museum ; les bibliothèques de Belgique et de Suisse furent explorées ; une collaboratrice traversant les pays balkaniques poussa jusqu'à Istanboul où elle trouva des manuscrits latins dans la bibliothèque du Vieux Sérail.
C'est alors qu'éclata la guerre de 1939 : replié en province, coupé des autres pays, l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes se livra au travail sédentaire qu'était la mise en oeuvre de la documentation rassemblée : microfilm et notices descriptives des manuscrits.
Tandis que se poursuivaient ces travaux, les événements tragiques du printemps 1940 vinrent jeter la consternation dans les esprits quand on apprit que Félix Grat, parti comme volontaire, avait été tué à la tète de sa compagnie.
L'entreprise n'en continua pas moins, le Centre National de la Recherche Scientifique ayant bien voulu accorder sa confiance à Mlle Jeanne Vielliard et même lui fournir les moyens de lui donner un plus grand développement. Installé aux Archives Nationales (1) , l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes élargit son programme ; à la section latine s'adjoignit une section d'ancien français, une section grecque, une section orientale (arabe et hébreu).
Toutes ces sections s'oc.cupent de rechercher les manuscrits qui nous font, connaître les oeuvres rédigées dans ces différentes langues, de les étudier, de les faire reproduire sur microfilm.
Le champ d'investigation s'arrête à l'invention de l'imprimerie ; les oeuvres éditées du vivant de l'auteur et sous sa responsabilité restent en dehors des préoccupations de l'Institut ; pour lui elles n'ont pas d'histoire. Le but, c'est, au moyen de témoins d'âges divers qui nous ont transmis l'oeuvre d'un Sophocle, d'un Cicéron ou d'un Isidore de Séville, d'essayer de reconstituer le texte tel que l'auteur l'a conçu et de pénétrer sa pensée, mais aussi en redescendant à travers le temps d'apprendre à connaître comment, au cours des ans, cette pensée a été comprise et interprétée par des générations de lecteurs.
Pour arriver à connaître cette « histoire des textes », il ne faut négliger aucun des aspects du manuscrit en tant que véhicule de la pensée humaine ; de là sont nées les sections secondaires de l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes : section de codicologie toute consacrée à l'histoire du livre manuscrit (paléographie, scriptoria, copistes, bibliothèques anciennes, etc.), section de recherches sur les humanistes qui s'attachèrent à la découverte des manuscrits et à la diffusion des oeuvres de l'Antiquité ; section d'héraldique qui s'applique à nous faire connaître ceux qui jadis constituaient des bibliothèques en faisant faire des copies à leurs armes.
Une autre section, celle de diplomatique, donne dans l'Institut une place à l'histoire de notre pays et de ses institutions ; les cartulaires de l'ancienne France sont analysés avec précision et la documentation qu'ils fournissent constitue pour le Moyen Age une précieuse source d'information.
La besogne réalisée par toutes ces sections se matérialise dans la constitution de dossiers considérables, de descriptions de manuscrits nombreuses et approfondies, de catalogues et de répertoires variés dont des fichiers facilitent la consultation.
Toute cette documentation n'est consultable que sur place mais des renseignements sont fournis bénévolement par lettres aux correspondants lointains.
Par contre, toute la documentation photographique (microfilm et agrandissements) est envoyée en prêt dans le monde entier.
E n ce qui concerne les bibliothécaires, ce sont surtout ceux qui ont la charge de collections de manuscrits et en rédigent les catalogues, qui ont grand intérêt à se mettre en rapport avec l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes car on y est en mesure de répondre aux questions suivantes :
L'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes publie, dans la mesure du possible, le résultat de ses travaux et de ses recherches.
Sa collection « Documents, études et répertoires » en est à son huitième volume et le bulletin d'information qu'il fait paraître chaque année donne des détails sur l'organisation et le travail des sections, les missions effectuées, ainsi que sur les recherches en cours et les projets d'éditions par les étudiants ou érudits qui se sont adressés à ses services, ce qui évite bien des doubles emplois.
Telle est l'oeuvre accomplie actuellement, par l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, mais elle est appelée à s'élargir ; nous aimerions voir notre section d'ancien français et provençal s'adjoindre des sous-sections consacrées à d'autres langues romanes : italien, espagnol, portugais... ; nous souhaiterions voir notre section grecque doublée de sous-sections copte, arménienne, syriaque...
Nous souhaiterions également voir se développer les recherches déjà entreprises dans le domaine de la liturgie (enquête sur les rituels), le droit canon (recherches sur les statuts synodaux), sur l'histoire du droit, etc...
Dans un autre ordre d'idées, il serait à désirer que nous puissions nou attacher à l'étude de l'illustration des manuscrits en tant qu'elle peut servir à l'interprétation du texte.
Tout cela, et bien d'autres choses encore, devrait faire partie de notre programme, mais cela suppose une augmentation de personnel, une extension des locaux, une augmentation de crédits. Le personnel actuel qui compte une cinquantaine de contractuels et presque autant de vacataires, suffit à peine à poursuivre les tâches commencées et à mettre à la disposition des lecteurs et correspondants le fruit de nos recherches.