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Le répertoire International des Sources pour l'Étude des Mouvements Sociaux aux XIXe et XXe siècles

1964

    Le répertoire International des Sources pour l'Étude des Mouvements Sociaux aux XIXe et XXe siècles

    Par Denise Fauvel-Rouif

    Convaincu que les travaux collectifs étaient possibles et pouvaient aboutir à l'élaboration d'instruments de travail qui ne peuvent résulter que de la coordination d'une documentation fournie par de multiples collaborateurs d'après un plan précis de recherche, voyant là, d'autre part, le moyen de rapprocher ceux qui s'intéressent aux mêmes questions, M. Georges Bourgin, alors Directeur honoraire des Archives de France, Président et Fondateur de la Commission internationale d'histoire des mouvements sociaux et des structures sociales, suggéra, dès 1955, d'entreprendre le Répertoire International des sources pour l'étude des mouvements sociaux aux XIXe et XXe siècles.

    L'idée de préparer un répertoire de sources qui serait en même temps une sorte de catalogue collectif puisqu'on ne se bornerait pas à énumérer les documents, mais que l'on s'efforcerait d'indiquer où ils pouvaient être consultés, cette idée une fois admise, il fallait décider sur quelle catégorie de sources les recherches devraient porter.

    C'est depuis une époque récente que des Instituts ont été créés pour rechercher et conserver les archives manuscrites et imprimées se rapportant à l'histoire sociale.

    Il y a actuellement à peine une dizaine d'institutions qui se consacrent à cette tâche, parmi lesquelles il faut citer l'Institut de Marxisme-Léninisme de Moscou, l'Institut International d'Histoire Sociale d'Amsterdam, l'Institut Feltrinelli de Milan, les Archives du Mouvement ouvrier suédois de Stockholm, les Archives sociales suisses de Zurich, l'Institut Français d'Histoire Sociale enfin, fondé en 1948 par Georges Bourgin et Edouard Dolléans et qui a son siège à Paris, aux Archives Nationales. Toutes ces organisations adhèrent à la Commission internationale en qualité de membres collectifs.

    Les ressources de ces institutions étant encore très peu connues, la question s'était posée de savoir si le Répertoire que nous voulions publier ne pourrait pas être simplement celui de tous ces fonds. Mais les méthodes selon lesquelles ils sont classés étant très variables, ceci ne sembla guère réalisable.

    Les experts consultés - historiens, sociologues, archivistes, bibliographes, bibliothécaires - furent d'avis qu'il était préférable d'organiser les recherches autour d'un thème déterminé si l'on voulait faire oeuvre utile.

    Après mûre réflexion, il fut décidé de choisir comme thème l'Association Internationale des Travailleurs. Le sujet se prêtait tout particulièrement à un travail collectif et international et pouvait intéresser la plupart des membres de la Commission, la Première Internationale ayant eu des retentissements dans un grand nombre de pays et ayant été à l'origine de multiples mouvements sociaux.

    Un tel Répertoire, pensa-t-on, pourrait, de plus, faciliter l'étude synthétique sur la Première Internationale que souhaitait M. Bourgin. En outre, les grands Instituts auxquels il vient d'être fait allusion possédaient déjà une assez large documentation sur la Première Internationale, documentation qui pourrait servir de point de départ au Répertoire.

    Cependant, en regard de ces divers avantages, le regroupement des sources - même en se limitant aux sources imprimées - relatives à la Première Internationale, présentait d'immenses difficultés car, en dépit des efforts tentés pour les réunir, ces documents (comptes rendus de Congrès, tracts, brochures de propagande, journaux), rédigés le plus souvent dans la clandestinité, distribués uniquement aux membres de l'Internationale, restent très dispersés.

    Il fut décidé que la description des sources pour l'étude de l'A.I.T. ferait l'objet de plusieurs volumes, afin de mettre à la disposition des chercheurs aussi vite que possible, le résultat des investigations.

    Une Liste provisoire, avec un modèle de fiche, fut préparée sur la base de ce que possédaient les Instituts membres de la Commission en vue de l'élaboration du Volume I. Cette Liste, relative aux périodiques publiés par l'A.I.T. ou par des organisations sympathisantes, fut adressée à une centaine de bibliothèques et institutions réparties dans vingt-deux pays, qui furent priées de la renvoyer dans un délai déterminé, munie de leurs addenda et corrections éventuels.

    La plupart des organismes touchés renvoyèrent la Liste et apportèrent une utile contribution au Répertoire. Après la Bibliothèque Nationale, les bibliothèques de Paris dont l'apport a été le plus important, pour le Volume I comme pour les suivants, sont celles du Musée Social, de la Sorbonne, de la Documentation Internationale Contemporaine, de l'Institut Français d'Histoire Sociale, de la Préfecture de Police, de l'Arsenal, de la Fondation Thiers, de la Ville de Paris, de l'Institut d'Etudes Slaves. En province, ce sont les Services des Archives départementales de Marseille et de Rouen, ceux des Archives Municipales de Lyon, qui ont fourni la documentation.

    Une seconde Liste provisoire fut préparée pour les deux Volumes suivants. Mais le second Volume, qui se rapporte au Conseil Général de l'A.I.T. et aux Congrès et Conférences organisés par celui-ci, est dû en majeure partie à l'apport de l'Institut de Marxisme-Léninisme de Moscou qui possède la plupart des documents dont il est fait mention.

    Par contre, la réalisation du troisième Volume, qui a trait aux Fédérations et Sections nationales de la Première Internationale, présentait tant de difficultés qu'il fallut nommer des responsables de la préparation du manuscrit dans huit pays. Ces responsables recherchèrent les documents puis, d'après l'ordre chronologique des événements ayant marqué l'histoire de la Première Internationale dans leur pays - ordre qu'ils avaient reconstitué - ils datèrent ces documents (qui ne portent pas de date la plupart du temps) avant de les ranger chronologiquement et d'ajouter un bref commentaire à propos de chacun d'eux.

    Plusieurs réunions des principaux collaborateurs furent nécessaires pour trouver une solution à tous les problèmes qui se posaient : homogénéité de la description des documents malgré leur très grande diversité ; nombre et nature des Index ; contenu des différents chapitres, l'organisation des Fédérations et Sections de la Première Internationale présentant d'énormes différences d'un pays à l'autre ; genre de documents à mentionner ou à éliminer à partir du Congrès de La Haye, tenu en 1872, et après lequel l'Association Internationale des Travailleurs fut partagée entre deux tendances essentielles, la tendance marxiste et la tendance bakouniniste, cette dernière étant considérée comme dissidente par le Conseil Général, etc...

    A la réception des différentes parties du manuscrit, un gros travail de coordination, d'unification et de révision restait encore à faire, notamment à l'égard de la rédaction en français des commentaires.

    Quels enseignements applicables à la préparation des catalogues collectifs ou des répertoires peut-on tirer de l'expérience dont il vient d'être question ?

    On peut les énoncer de la façon suivante :

    • - il semble préférable, aussi bien du point de vue des rédacteurs que de celui des utilisateurs, que les catalogues collectifs ou répertoires, se réfèrent sinon à un seul thème, du moins à un nombre limité de sujets voisins ;
    • -- le groupe des collaborateurs doit comporter à la fois des bibliographes et des spécialistes de l'étude des sujets choisis ;
    • - le modèle de fiche doit être mis au point en commun ;
    • - il est essentiel qu'une liste de base soit établie par la ou les bibliothèques possédant un fonds sur le thème choisi ;
    • - le titre des documents étant donné dans la langue originale, il est d'autant plus nécessaire que celui-ci soit suivi d'une note indiquant très succinctement, dans une langue de grande diffusion, à quoi il se rapporte ;
    • - des échanges de vues entre les rédacteurs sont indispensables pour faire les mises au point définitives et prendre les décisions qui s'imposent au cours du travail ;
    • - la coordination des manuscrits doit être confiée à un très petit nombre de personnes, éventuellement à une seule ;
    • - la révision de l'ensemble du manuscrit, du point de vue de la forme, doit être effectuée par une seule personne de préférence. Dans le cas contraire, les corrections doivent être confrontées ;
    • - autant que possible, les documents mentionnés doivent être groupés dans des parties correspondant aux divers aspects du sujet et classés chronologiquement à l'intérieur de ces parties plutôt qu'alphabétiquement, un répertoire ne devant pas être conçu comme une simple énumération, mais devant déjà constituer un guide pour les chercheurs.

    Ce sont là les conclusions que je puis dégager des observations qu'il m'a été donné de faire, au cours des années pendant lesquelles se sont élaborés les trois volumes du Répertoire pour l'étude de la Première Internationale, dont j'ai été chargée de diriger la préparation et la publication. On peut voir dans cette publication une nouvelle preuve de l'utilité de la collaboration internationale. On y peut voir aussi la preuve que, malgré la divergence des méthodes, le travail fait en commun peut être à l'origine de liens durables. Tous les historiens qui ont travaillé au Répertoire ont accepté de continuer à participer aux activités de la Commission Internationale. Celles-ci portent actuellement :

    • 1) sur la Première Internationale encore, puisqu'un Colloque, qui se tiendra sous les auspices du Centre National de la Recherche Scientifique en novembre 1964, a pour objet de réunir les principaux historiens de la Première Internationale et de poser les jalons d'une étude de synthèse ;
    • 2) les recherches de la Commission portent, d'autre part, sur la participation des classes populaires aux mouvements nationaux d'indépendance aux XIXe et XXe siècles dans les différentes parties du monde. Un Colloque vient d'avoir lieu sur ce thème à Tunis et un autre se tiendra à Vienne, à l'occasion du XIIe Congrès International des Sciences Historiques, en 1965.

    Il a été demandé aux différents rapporteurs désignés pour ces réunions, de joindre à leurs études une liste de sources et il se peut qu'un nouveau volume du Répertoire puisse être publié.

    Mais il semble très désirable que la préparation de répertoires ou de catalogues collectifs soit entreprise par quelques grandes bibliothèques, qui disposent des sources et d'un personnel dont la participation à de multiples ouvrages n'est pas toujours mise assez en lumière et dont l'action conjuguée avec des chercheurs et des érudits s'avère chaque jour plus nécessaire.