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L'organisation des bibliothèques en Allemagne fédérale : le rôle de la Deutsche Forschungsgemeinschaft

1966

    L'organisation des bibliothèques en Allemagne fédérale : le rôle de la Deutsche Forschungsgemeinschaft

    Par Suzanne Honoré

    Avant de parler des bibliothèques allemandes, il est tout d'abord nécessaire de rappeler que l'Allemagne est une fédération de onze Länder, et que le gouvernement fédéral n'a aucune compétence en matière d'éducation et de culture. En fait, chaque Land a son propre Ministère de l'éducation et ses corps de fonctionnaires. C'est extrêmement important parce qu'il nous est difficile, à nous, Français habitués à une administration très centralisée, d'imaginer toutes les conséquences d'un tel état de fait. Il n'y a donc aucune administration sur le plan fédéral pour mener une politique nationale. Cependant, les ministres de l'éducation des Länder se réunissent périodiquement à Bonn en conférence. Et deux organismes ont été créés qui jouent un rôle à l'échelle nationale : d'une part le Conseil scientifique (Wissenschaftsrat), qui a procédé à une enquête d'ensemble sur les besoins des bibliothèques universitaires, et formulé des recommandations qui commencent à porter leurs fruits ; nous renvoyons sur ce point à l'article de M. Lethève paru ici même il y a un an (1) . D'autre part, la Deutsche Forschungsgemeinschaft (que nous désignerons dans la suite de cet article par les initiales D.F.) est un orga- nisme indépendant financé à la fois par le gouvernement fédéral, les Länder et l'industrie, et destiné à promouvoir la recherche scientifique. La D.F. a une division des bibliothèques, assistée d'une Commission composée de douze personnes : huit directeurs de bibliothèques, trois professeurs et le Directeur de l'Institut de documentation. C'est cet organisme qui assure la coordination des tâches et finance les entreprises décidées en vue de l'intérêt national. La D.F. est située à Bad Godesberg, dans les faubours de Bonn, et Mme von Busse nous a fait, lors de notre visite, un exposé magistral de ses tâches.

    La première, entreprise dès 1949, concerne l'acquisition de livres étrangers. Les bibliothèques allemandes, à la fin de la guerre, étaient dans une situation difficile. Le but recherché était de s'assurer qu'un exemplaire au moins de tout ouvrage étranger considéré comme indispensable à la recherche figurerait dans une bibliothèque allemande et serait à la disposition du prêt inter-bibliothèques. Plusieurs solutions auraient pu être envisagées : la constitution d'une ou plusieurs bibliothèques centrales de prêt, par exemple. Mais déjà entre les deux guerres avait fonctionné en Allemagne un système coopératif d'achat par répartition des disciplines entre les bibliothèques. C'est ce système qui fut retenu ; 24 bibliothèques scientifiques, dont 22 universitaires, reçoivent de la D.F. des crédits pour l'acquisition de revues et de monographies étrangères nouvelles. Chaque bibliothèque est responsable d'une ou de plusieurs spécialités choisies parmi la centaine de subdivisions entre lesquelles se partage le plan de répartition. Seules, de grandes bibliothèques ont été retenues, d'une part parce que ces bibliothèques doivent avoir un fonds général important pour que les livres des spécialités assumées demeurent constamment accessibles au prêt, d'autre part parce que le traitement et la conservation des ouvrages incombe entièrement aux bibliothèques participantes. L'achat des monographies n'est pas contrôlé ; seul le choix des périodiques étrangers nouveaux est soumis au contrôle de la D.F. La confiance faite aux bibliothèques participantes est donc très grande.

    Ce système fonctionne depuis seize ans, semble-t-il, à la satisfaction générale ; pour plus de détails, nous renvoyons à un article de Dieter Oertel, qui vient de succéder à Mme von Busse à la division des bibliothèques de la D.F. (2) . Le crédit alloué pour le financement de ce plan de répartition d'acquisitions étrangères est d'un million de DM (le Dm = 1,20 F).

    Si d'ailleurs les recommandations du Conseil scientifique concernant l'augmentation massive des budgets et du personnel des bibliothèques scientifiques sont suivies, la D.F. envisage de réduire ses subventions à partir de 1967.

    Cependant, les bibliothèques spécialisées s'étant multipliées depuis 1949, la D.F. se tourne maintenant vers une solution différente, qui consiste à soutenir des bibliothèques particulières : ainsi la Bibliothèque d'information technique de Hanovre est spécialisée dans la « report literature » (rapports techniques hors commerce des organismes de recherche) et les publications de l'U.R.S.S., la Bibliothèque centrale d'agronomie de Bonn pour l'agriculture. Des pourparlers sont en cours pour conférer un rôle semblable dans le domaine de l'économie à la bibliothèque de l'Institut d'économie mondiale de Kiel (Weltwirtschaftsinstitut), et l'on envisage de faire de même pour la médecine. Ces bibliothèques acceptent donc une fonction suprarégionale, les Länder pouvant d'ailleurs contribuer aussi à leur financement.

    La disponibilité pour le prêt des ouvrages acquis grâce aux crédits de la D.F. suppose l'établissement de catalogues collectifs, qui ne pouvaient d'ailleurs se limiter aux acquisitions étrangères en raison des pertes dues à la guerre. C'est encore la D.F. qui a donné l'impulsion. Le catalogue des périodiques étrangers est fait sur le plan national et périodiquement publié sous sa direction. Le catalogue des fiches des ouvrages est fait par régions : un catalogue national a été jugé trop lourd, plus de la moitié des demandes pouvant être satisfaites par les catalogues régionaux ; les autres demandes circulent entre les différents catalogues régionaux. Le catalogue collectif des manuscrits, abandonné depuis 1900, va reprendre : on commencera par les manuscrits médiévaux d'une vingtaine de bibliothèques. Une commission d'experts a déjà fixé les directives qui seront appliquées à cette entreprise.

    Enfin, la D.F. encourage des recherches sur le plan technique, l'application de la mécanisation par exemple. Des expériences-pilotes d'utilisation des machines pour le prêt et le catalogage sont en cours, des bibliothécaires sont envoyés aux Etats-Unis, des experts étrangers aux bibliothèques engagés pour étudier certains problèmes. Des enquêtes sont actuellement menées dans cinq bibliothèques, dont quatre universitaires : les résultats, consignés par des spécialistes scientifiques et administratifs, seront publiés dans la courant de 1966. La xérocopie est encouragée : la D.F. alloue à trente grandes bibliothèques une aide financière pour la confection de 24 000 xérocopies annuelles. Gela évite de prêter des fascicules de périodiques ; la xérocopie de l'article est fournie à l'emprunteur pour le prix minime de 0,50 DM, quelle que soit la longueur de l'article. D'ailleurs, la création d'un Bureau de technique bibliothécaire est envisagée auprès de la Bibliothèque d'Etat (jusqu'à présent à Marburg) qui est en train de s'installer à Berlin.

    On voit que, sur le plan technique, la D.F. a été amenée à assumer le rôle que joue chez nous la Direction des bibliothèques. Toutefois, sur le plan administratif, chaque Land a son propre corps de fonctionnaires. L'organisation la plus semblable à celle que nous connaissons en France, nous l'avons trouvée en Bavière, qui a une Direction générale des bibliothèques et un système intégré, les bibliothèques d'étude et publiques étant confondues dans une même administration.

    Si le recrutement est local, les diplômes consacrant la formation professionnelle délivrés par les écoles régionales sont valables pour toute l'Allemagne fédérale. Il y a toujours un corps de bibliothécaires scientifiques (wissen-schaftliche Bibliothekare) ayant une formation universitaire : après l' Abitur, équivalent au baccalauréat, quatre ans d'études à l'Université, couronnés par un concours assorti d'un mémoire, donnent le titre de Referendar. C'est après cet examen que se placent les deux ans de formation professionnelle, dans une école pédagogique pour les futurs professeurs, dans l'une des deux écoles de Cologne et de Munich pour les futurs bibliothécaires. L'examen final donne le titre d'Assessor ; notons qu'on ne peut s'y présenter plus de deux fois. Le bibliothécaire prend le titre de Bibliotheksassessor ; au bout d'un temps plus ou moins long, selon les postes disponibles, il deviendra Biblio-theksrat, puis Oberbibliotheksrat. Le directeur de la bibliothèque universitaire est souvent assimilé au professeur d'Université, mais ce n'est pas automatique. Le nombre des bibliothécaires scientifiques pour l'Allemagne de l'ouest était de 427 en 1963 ; les recommandations du Conseil scientifique proposent de le porter à 656.

    Le corps des Diplom-Bibliothekare ne saurait sans injustice être assimilé à nos sous-bibliothécaires : si le niveau de recrutement est l'Abitur, la durée des études, assorties de stages, est de trois ans, de sorte que les Diplom-Bibliothekare représentent un niveau intermédiaire et forment le gros du personnel des bibliothèques, étant partout deux à trois fois plus nombreux que les bibliothécaires scientifiques, qui peuvent dès lors se consacrer aux tâches de direction, de choix des ouvrages, de réflexion pour lesquelles les désigne le haut niveau de leur formation.

    Jusqu'à présent, il n'y avait pas de formation pour le mittlere Dienst, ou service moyen (aides techniques, personnel de bureau) ; mais on est en train de l'organiser.

    Ces quelques considérations générales permettront, nous l'espérons, de mieux comprendre les articles suivants, que nos collègues ont bien voulu rédiger pour notre Bulletin

    1. LETHEVE (Jacques). - Les «Recommandations» du « Conseil scientifique » en Allemagne de l'Ouest. In : Association des bibliothécaires français. Bulletin d'informations, n° 45, novembre 1964, pp. 172-174. retour au texte

    2. OERTEL (Dieter). - Coordination des acquisitions des bibliothèques scientifiques dans la République fédérale d'Allemagne. In: Bull. de l'Unesco à l'intention des bibliothèques, vol. 17, n° 5, septembre-octobre 1963, pp. 306-311. Voir aussi : BUSSE (Gisela von).- Le Plan de coopération dans les acquisitions des bibliothèques scientifiques de la République fédérale allemande. In : Bulletin des bibliothèques de France, 7° année, n° 6, juin 1962, pp. 301-315. retour au texte