Index des revues

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    Les bibliothèques de Hambourg

    Par Françoise Buisson

    En 1960, ville libre hanséatique et Land, Hambourg, couvre 747 kilomètres carrés, possède 1.807.000 habitants et est administrée par deux bourgmestres et treize sénateurs. Elle est riche de 53 bibliothèques communales dispersées dans les faubourgs, sans compter les quatre qui devaient entrer en service au cours de 1965. Un organisme central se charge de certaines tâches communes à l'ensemble de ces bibliothèques publiques. Il n'y a pas de bibliothèque d'études, ni de salle de lecture proprement dites pour les habitants de Hambourg. Il y a une bibliothèque universitaire. Mais bibliothèques publiques et bibliothèque universitaire ne dépendent pas du même Ministère et elles n'ont aucun contact entre elles.

    IMPLANTATION ET LOCAUX

    D'une façon générale, les bibliothèques que nous avons vues sont fort bien situées : par exemple, eu égard à un noeud de transports ferroviaire et routier (Barmbek) ou au milieu d'un ensemble de collectifs, à côté du commerce, sur une large surface, de plain-pied, éclairées par de nombreuses vitres donnant sur l'extérieur, etc. Elles ont toutes une entrée bien conçue, dotée d'un vestiaire plus ou moins important et de cases fermant à clé où les lecteurs peuvent entreposer leurs sacs ; pour cela aussi, les enfants ne sont pas oubliés, avec porte-manteaux et cases à leur hauteur. Dans les bibliothèques importantes, vu l'importance des vestiaires, une personne y est attachée : ainsi de 14 à 18 heures à Barmbek. Ces bibliothèques ont, très souvent, une fort plaisante cour intérieure fleurie ou garnie de verdure, voire d'un jet d'eau, et parfois des fauteuils de jardin sont prévus. En dehors des blocs sanitaires, les coins pour enfants disposent de petits lavabos à la taille du jeune public. Par ailleurs, près des bureaux du personnel, on trouve en général une petite « cuisine-salle de séjour » parfaitement équipée qui permet au personnel de se détendre et de se restaurer.

    Le mobilier, qu'il s'agisse des tables, des rayonnages ou des fichiers, offre de la variété quant aux formes, à la disposition et aux tons. Il est, la plupart du temps, en bois. Certains rayonnages centraux sont « ambulants », les roues étant d'ailleurs parfaitement invisibles. Ils peuvent n'être pas en épi ni installés spécialement pour permettre la surveillance : visiblement on fait confiance au lecteur au lieu de le garder à vue ! Parfois, les rayonnages ont été encastrés dans les murs de briques (Berne). Les lecteurs circulent aisément entre les rayonnages et, étant donné la lumière qui pénètre à flots par toutes les fenêtres, ils lisent facilement les titres. Les fichiers s'étalent souvent sur de larges surfaces avec un unique rang de tiroirs, ce qui permet leur consultation sans gêne mutuelle. Bref, au total, le cadre offre un aspect humain, donne une impression d'espace. Les tons sont chauds. Les livres en parfait état et bon ordre. Les plantes vertes abondent dans tous les coins, angles, bords de fenêtres et l'ensemble est fort plaisant. Les coins enfants, dotés du mobilier adéquat et de tables encastrées de cases pour les albums, sont en général très décorés sur les vitres et les murs, et grâce aussi à des mobiles (personnages ou animaux) qui descendent du plafond et dont nous rencontrerons maints exemples dans le Schleswig-Holstein. Cette dernière forme de décoration est particulièrement développée dans le Nord. En général les décorations sont faites avec les enfants par les bibliothécaires. Parfois même elles organisent pour les enfants de petits concours de décoration sur un thème (ex. : Hohenhorst).

    FONCTIONNEMENT

    Ouverture :

    Les bibliothèques de Hambourg sont ouvertes de midi à 19 heures. Elles sont toutes fermées le mercredi et le samedi après-midi, le mercredi, pour permettre aux bibliothécaires de se rendre aux conférences et réunions administratives organisées à la centrale et aux Commissions d'achat ; le samedi après-midi, suivant la coutume puisqu'en Allemagne, tout est fermé le samedi après-midi, même les commerçants. Le samedi matin, elles sont ouvertes de 10 à 12 heures. Dans l'avenir, les bibliothèques seraient malgré tout ouvertes le samedi après-midi grâce à un personnel plus nombreux. Un conseil de 10 bibliothécaires de Hambourg a édité un livre destiné à rationaliser l'ensemble de l'organisation. Il y est dit qu'une bibliothèque de 26.000 ouvrages doit ouvrir 30 heures par semaine, le nombre d'heures étant fonction du nombre de livres. Des tests ont été faits au sujet de la fermeture du samedi. Ils prouveraient que l'ouverture en matinée suffit, d'autant qu'il faut penser aux loisirs du personnel et en particulier aux femmes qui ne manquent pas de travail chez elles !

    Conditions de prêt :

    Ces bibliothèques font le prêt de livres au dehors et non la lecture sur place. Elles permettent seulement, en sus du prêt à l'extérieur, de venir s'informer et, à cet effet, elles disposent d'une place de lecteur par 1.000 livres. Il n'y a pas de prêt gratuit. Actuellement, la location se pratique de la façon suivante :

    • Enfants jusqu'à 14 ans : 20 Pfg seulement à l'inscription, une fois pour toutes.
    • Jeunes 14 à 16 ans : 20 Pfg par mois.
    • Etudiants : 30 Pfg par mois.
    • Adultes : 2 DM pour trois mois, soit 60 Pfg par mois environ.

    Aux dires des bibliothécaires allemands, la location payante offre un certain intérêt pédagogique. Cependant, on prévoit d'instaurer peu à peu la gratuité. Chacun peut revenir emprunter des livres tous les jours à la bibliothèque et en emporter chaque fois autant qu'il veut : fréquence des venues et nombre de livres ne sont pas limités.

    Instruments de recherche à la disposition des lecteurs :

    chaque bibliothèque de Hambourg possède les catalogues suivants :

    • 1) un catalogue général alphabétique auteurs ;
    • 2) un catalogue général alphabétique, par sujets ;
    • 3) un catalogue titres ;
    • 4) un catalogue systématique qui figure dans chaque section parmi les livres auxquels il correspond, dans de petits tiroirs fixés sur les rayonnages : ce qui est très pratique pour le lecteur.

    En sus de ces catalogues, on voit fréquemment sur les tables de petites bibliographies dactylographiées par sujets. Dans la section enfantine, on trouve souvent des catalogues sous forme de grands livres illustrés fort attrayants (Barmbek par exemple).

    Budget de la bibliothèque :

    1) Crédits de fonctionnement :

    Les livres sont achetés avec l'argent issu des locations mensuelles et avec les crédits donnés par la commune.

    2) Traitement du personnel :

    Le « Land » ne participe qu'au traitement des bibliothécaires de bibliothèque universitaire. Le traitement du personnel des bibliothèques publiques est payé par la ville de Hambourg. Le traitement des bibliothécaires va de 700 à 1.500 DM par mois.

    Achats des livres :

    La bibliothèque centrale a été créée en 1899.

    A la bibliothèque centrale, à l'aide des critiques parues dans les journaux et les revues, et de celles entendues à la radio, six bibliothécaires spécialisés en diverses matières font un choix de livres. Ces livres sont alors empruntés au libraire pour six à dix semaines. Ils sont répartis entre tous les bibliothécaires des bibliothèques communales qui ont chacune, inclues dans leur horaire de travail, six heures de lecture par semaine, à faire chez elle, de façon à faire et envoyer au moins deux critiques par mois à la centrale. Pour les livres très spécialisés, les bibliothécaires spécialisés cités plus haut s'en chargent. Les livres non retenus sont rendus dans le mois au libraire avec l'analyse établie. La bibliothèque centrale rassemble les critiques reçues, fait les stencils et envoie à chaque bibliothécaire la liste critique - ou pro-tokoll - de ces livres analysés en indiquant les livres achetables, les livres qui ne seront pas achetés (parce que trop chers, ou trop vieux, ou trop spécialisés, ou considérés comme mauvais), et les livres à discuter lors de la conférence qui aura lieu un mercredi, quatorze jours après l'envoi des listes. Chaque bibliothécaire compulse alors ces listes et les catalogues de sa bibliothèque et voit dans quelle mesure elle veut ou non les livres (selon ses finances, les demandes des lecteurs, les livres déjà possédés sur le sujet, etc.). Puis vient la conférence. Les livres litigieux ou obscurs sont discutés ensemble, et les listes définitives sont établies, puis éditées. Il y aura deux listes :

    • A - les ouvrages à acheter avec analyses très courtes ;
    • B - les ouvrages à ne pas acheter et le motif.

    Chaque bibliothécaire passe alors commande à la centrale, étant entendu qu'il est impossible d'acheter un livre de la liste prohibée. Parfois, un livre sera à nouveau discuté. Pendant que le libraire fournit les livres, la centrale fait les fiches à partir du premier exemplaire. Fiches faites à raison de cinq pour chaque bibliothèque pour les divers catalogues et une fiche en sus qui sera retournée à la centrale pour attester la réception du livre. La centrale fait aussi des fiches de réserve pour les futures nouvelles bibliothèques et une fiche pour son propre catalogue collectif, fiche sur laquelle seront inscrites la ou les bibliothèques possédant le livre. Les livres empruntés au libraire et retenus sont donc gardés ; à tour de rôle, une bibliothèque se dévouera pour acheter tout ou partie du fonds, y compris ceux auxquels individuellement nul n'avait souscrit, mais qui ont été considérés comme devant figurer dans le fonds général, et donc dans l'une d'entre elles.

    Nos collègues allemands apprécient à sa juste valeur cette organisation du travail très centralisée qui épargne du temps et de l'ouvrage à chaque bibliothécaire : fiches, commande aux éditeurs, équipement des livres sont faits à la Centrale (et la plupart des livres sont reliés par l'organisme EKZ auquel la moitié des commandes est adressée). Par ailleurs, ils estiment que cette centralisation respecte la liberté de chacun en lui laissant constituer librement le fonds de sa bibliothèque en fonction de son caractère propre et de ses lecteurs. Mais ce choix est circonscrit à la limite des listes d'ouvrages retenus comme achetables, ce qui nous parut matière à discussion et liberté un peu trop contrôlée.

    Par contre, la centralisation des tâches telles que confection des fiches ou équipement des livres permet au bibliothécaire de gagner un temps précieux qu'il consacrera à ses lecteurs : il pourra être véritablement à l'écoute de leurs recherches et s'employer à les guider efficacement.

    Normes générales qui régissent la création et le développement des bibliothèques de Hambourg :

    x habitants = x livres = x m de rayonnages = x m2 = x créditet la règle d'or est la suivante : 1 hab. = 1 livre = 2,50 DM.

    On aura donc: 30.000 hab. = 30 000 ouvrages : 600 m250.000 hab. = 50 000 ouvrages : 900 m2.

    Certes, ces équations ne sont pas encore atteintes partout, mais l'on y tend ; actuellement, la réalisation d'un premier plan étalé sur sept ans est en cours, et ce plan vise à ce qu'un jour chaque habitant ait un livre dans une bibliothèque communale. Dans le deuxième plan, à 12.000 habitants correspondront une bibliothèque communale et deux écoles normales.

    Autre norme capitale : x prêts = x bibliothécaires et x assistants ; 45.000 prêts = 1 bibliothécaire et 2 assistants.

    Cinq bibliothèques ont été visitées dans des quartiers fort divers. Tout en allant à travers les rayonnages et les fichiers et en jouissant des atriums fleuris, un ensemble de chiffres fut recueilli : ils corroborent les normes données comme présidant à l'organisation générale des bibliothèques de Hambourg ; le tableau suivant en témoigne :

    Vignette de l'image.Illustration
    Organisation générale des bibliothèques de Hambourg

    Cet ensemble de bibliothèques réparties dans Hambourg et ses quartiers est complété par deux bibliobus urbains. Ils desservent les quartiers éloignés de toute bibliothèque fixe. Chaque bibliobus peut contenir 3.500 livres ; un total de 20.000 ouvrages est en permanence disponible à la centrale de ces deux bibliobus. Un catalogue systématique figure dans chaque bibliobus. L'une et l'autre voiture circulent de midi à 19 heures avec un chauffeur et un des bibliothécaires. Ils ont totalisé à eux deux, en 1964, 120.000 prêts. Le personnel comprenait, au départ, deux bibliothécaires et trois assistants, dont les deux chauffeurs. Mais vu les normes en usage et le nombre de prêts, ce personnel a pu être porté à deux bibliothécaires et cinq assistants, dont les chauffeurs.

    Quatre bibliobus sont inscrits au programme de développement.

    En sus de ces bibliothèques communales, les bibliothèques scolaires de l'agglomération de Hambourg représentent à elles toutes 500.000 volumes. On envisagerait de créer un circuit d'échanges périodiques. Par ailleurs, existent des bibliothèques d'usines qui n'ont pas de bibliothécaire diplômé. Une secrétaire peut la tenir. Le directeur choisit les livres spécialisés. La ville de Hambourg a aussi ses maisons de jeunes. Une disposition législative oblige les communes à en créer. Certaines ont leur bibliothèque, d'autres envoient les jeunes à la Bibliothèque municipale proche.

    Les maisons de jeunes dépendent d'un Ministère social. Les bibliothèques dépendent d'un Ministère de la Culture. Les écoles dépendent d'un Ministère de l'Education nationale. Cette dispersion du problème éducatif entre plusieurs ministères entraîne malheureusement un manque de coordination entre ces divers aspects du problème culturel.