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    Quelques réflexions sur la classification Dewey

    Par Geneviève Guillien

    Au cours d'une réunion organisée le 12 février dernier, le Groupe d'Ilede France a bien voulu nous inviter à présenter à nos collègues le travail du Groupe Lyonnais de traduction française de la Classification Décimale de Dewey.

    Il s'agit d'une oeuvre collective, entreprise avec l'aide des bibliothécaires du Collège de Sainte-Anne-de-La-Pocatière, au Québec. C'est un travail auquel auront collaboré une vingtaine de bibliothécaires de la région lyonnaise, dans le cadre de l'A.B.F.

    La version française ainsi établie peu à peu, à partir de la 17e édition de la Classification Décimale de Dewey (DDC), est élaborée à l'intention des bibliothèques de culture générale de langue française dans lesquelles les livres sont placés en libre accès.

    Le but de cette version est de faciliter l'utilisation de la DDC et par suite d'améliorer dans ces bibliothèques le classement des ouvrages grâce à une cotation plus précise de chacun d'eux.

    C'est pourquoi il n'est peut-être pas intile d'évoquer ici les possibilités que le système Dewey met à notre disposition pour l'établissement de ces cotations.

    Nous demandons aux bibliothécaires pour qui les développements qui suivent pourraient paraître superflus de bien vouloir nous en excuser. Mais, sans ces développements, il eût été difficile d'analyser certains aspects de la DDC.

    CONSTRUCTION D'ENSEMBLE DU SYSTEME DEWEY

    Le système Dewey repose sur une unité symbolique qui représente l'ensemble des connaissances et des activités de l'homme. Cette unité n'apparaît jamais dans la Table.

    Elle est divisée en dix classes : 000, 100, 200, 300, 400, 500, 600, 700, 800, 900, l'indice de chaque classe étant formé d'un chiffre suivi de deux zéros. C'est ce premier chiffre qui caractérise chacune d'elles.

    La classe des généralités (000) mise à part, les neuf autres correspondent à ce que les éditeurs de la DDC ont appelé des « disciplines » ou des « groupes de disciplines ».

    Cette précision est très importante parce qu'elle prépare, dès l'abord, à un éparpillement des grands sujets qu'il faudra classer là ou là, suivant l'angle sous lequel ils sont envisagés dans les ouvrages à indexer.

    Chaque classe est ensuite fractionnée à son tour en dix divisions :

    • 010, 020, 030, ...
    • 110, 120, 130, etc...

    dont les indices sont composés de deux chiffres suivis d'un zéro.

    Puis, chaque division est à son tour fractionnée en dix. On aboutit ainsi aux mille sections dont les indices sont encore des nombres de trois chiffres :

    • 001, 002, 003, ...
    • 101, 102, 103, etc...

    Ce sont ces nombres de trois chiffres qui constituent la base du système Dewey.

    Et c'est parce qu'ils constituent la base du système qu'ils sont obligatoirement suivis d'un point dans toute cotation.

    Ce n'est qu'à partir de ce point que l'indexation va faire apparaître les précisions relatives au contenu de l'ouvrage indexé.

    Ces précisions se traduisent, dans les indices, par des chiffres complémentaires dont la valeur hiérarchique est déterminée par leur rang décimal.

    En voici des exemples :

    Premier exemple pris dans la classe 000 : généralités :

    • 001 Le savoir
    • 001.5 Communication du savoir
    • 001.55 Communication du savoir au moyen de documents
    • 001.552 Communication du savoir au moyen de documents écrits et imprimés
    • 001.552 2 Communication du savoir au moyen de documents écrits et imprimés de dimension courante : le livre.

    De cet exemple précis il résulte qu'il ne serait pas possible de classer une étude sur le livre (moyen de communication) dans une table abrégée.

    Deuxième exemple pris dans la classe 600 : sciences appliquées :

    • 631 Exploitation agricole
    • 631.5 Culture
    • 631.58 Méthode de culture
    • 631.587 Irrigation dans l'exploitation agricole
    • 631.587 2 Irrigation par rigoles.

    Une table abrégée ne permettrait pas d'indexer un ouvrage relatif à un réseau d'irrigation, par rigoles, des cultures. Cet ouvrage se trouverait confondu, sous 631, avec tout ce qui concerne l'exploitation agricole (bâtiments, instruments agraires, engrais, techniques, etc...).

    ROLES DU ZERO

    Dans ce système décimal, le zéro joue des rôles importants et divers.

    1°) Reprenons, dans la Table générale de Dewey, le premier sommaire, celui des classes (17e édition, 1er volume).

    Les dix indices rassemblés dans ce sommaire

    000, 100, 200, ...

    correspondent aux généralités de chaque discipline.

    Ils se terminent tous par deux zéros.

    De même, les indices des cent divisions (deuxième sommaire de la Table générale) qui représentent les généralités des sections se terminant par un zéro :

    • 010, 020, 030, ...
    • 110, 120, 130, etc...

    On peut donc considérer que le zéro, dans la partie de l'indice qui est à gauche du point, indique qu'il s'agit de généralités concernant le sujet indexé.

    C'est là son premier rôle.

    2°) Les éditeurs de la DDC disent volontiers que le zéro « remplace un chiffre absent ».

    Il nous paraîtrait un peu plus exact de dire que le zéro, lorsqu'il est à droite du point, réserve la place d'un chiffre à venir.

    Exemple pris dans la classe 400 Langage :

    • 447 Formes particulières du français
    • 447.09 Variantes modernes ne tenant pas au lieu.

    On peut considérer que le zéro réserve la place de l'un des chiffres, 1 à 9, qui se trouvent, dans la Table, immédiatement après, dans les indices :

    447.1 à 447.9 Formes particulières tenant au lieu.

    A la vérité, il semble plutôt que dans 447.09 le rôle du zéro soit de rapprocher le complément d'indice qui se trouve à sa droite de la partie essentielle de la cotation qui se trouve à sa gauche.

    Reprenons l'exemple ci-dessus :

    • 447 Formes particulières du français
    • 447.01 Ancien français - 1400
    • 447.02 Moyen français - 1400-1600
    • 447.09 Variantes modernes ne tenant pas au lieu : argot, expressions à la mode, pittoresques ou excessives.

    Il est manifeste que ces indices 447.01, 447.02, 447.09 sont en relation directe et étroite avec la signification de l'indice 447 auquel les chiffres 1, 2, 9 sont reliés par un zéro.

    On pourrait dire, en style imagé, « style décimal », que les « Formes particulières du français » sont ici poussées au 1/100e (deux chiffres après le point).

    Dans ce cas, le zéro ne réserve la place d'aucun autre chiffre. Il a permis d'approfondir le sujet avant qu'intervienne la notion, très différente, de lieu : « Variantes régionales des formes particulières du français » classées sous les indices 447.1 à 447.9.

    Reprenant le style décimal on dira que le développement de l'indice 447 n'est ici poussé qu'au 1/10e (1 chiffre après le point).

    En conclusion, dans ce deuxième rôle, le zéro permet une plus grande finesse d'analyse au cours de l'indexation.

    3") Le zéro va jouer un rôle très différent des précédents lorsqu'il s'agit d'introduire, dans la cotation, les subdivisions communes et les notations géographiques.

    Ces subdivisions sont, dans l'indexation, ce que sont les sous-vedettes dans le catalogue-matières.

    a) Elles permettent de préciser, par exemple, l'aspect du sujet traité.

    Ex. -01 Aspect philosophique

    (voir Table des subdivisions communes dans le 2e vol.)

    Si nous prenons dans

    • la classe 300 Sciences sociales
    • l'indice 311 Méthode statistique
    • la cotation 311.01 = Aspect philosophique de la méthode statistique.

    Ou encore, si nous prélevons dans

    • la classe 700 Art et loisirs
    • l'indice 791.43 Le Cinéma
    • la cotation 791.430 1 = Aspect moral du cinéma.

    b) Les subdivisions communes permettent également de préciser la forme de présentation de l'ouvrage.

    Ex. -020 2 Tableaux synoptiques, schémas, manuels. (Table des subdivisions communes).

    Prélevons dans

    • la division 720 Architecture
    • l'indice 729 Projets d'architecture
    • la cotation 729.020 2 = Manuel de projets d'architecture.

    c) Ces subdivisions peuvent également permettre de préciser la date, la période, la chronologie.

    Ex. -090 1 à -090 4 (Table des subdivisions communes).

    d) Ces subdivisions permettent encore de préciser le lieu :

    -093 à -099.

    En règle générale, les subdivisions communes sont ajoutées à l'indice du sujet au moyen d'un zéro (quelquefois de plusieurs zéros, lorsque la Table générale le précise).

    Le zéro, alors, joue un rôle de séparation, de rupture entre l'indice du sujet et les compléments de l'indice concernant l'aspect, la forme, la date, le lieu.

    LES SUBDIVISIONS COMMUNES

    Ces subdivisions peuvent, dans certains cas, être ajoutées les unes aux autres.

    L'ordre d'enchaînement est alors le suivant : aspect, lieu, date, forme (cf. Table Dewey 17e édition, vol. 1, p. 19) (*) .

    Au sujet de l'utilisation de ces subdivisions communes, il est indispensable - les éditeurs le recommandent - avant de les ajouter à l'indice du sujet, de vérifier dans la Table générale les conditions dans lesquelles elles peuvent être rattachées à cet indice.

    Précisément parce qu'elles constituent un élément ajouté, il faut s'assurer, dans chaque cas, qu'il n'y aura pas interférence entre la cotation ainsi composée et un indice développé.

    Ex. Prenons la division 780 La musique.

    Nous pouvons être tentés d'ajouter à cet indice la subdivision commune -01 Aspect philosophique, ce qui donnerait 780.01 Aspect philosophique de la musique.

    Or la Table générale de Dewey nous indique que 780.01 correspond à la recherche musicale.

    D'ailleurs, la Table le précise quelques lignes plus loin, la « philosophie de la musique » se classe à 780.1.

    C'est l'une des raisons essentielles de la recommandation qui est faite par ses éditeurs aux utilisateurs de la DDC, à propos de l'index.

    Le deuxième volume de la Table de Classification renferme un index alphabétique très développé qui a, d'ailleurs, fait l'objet de remaniements importants.

    Cet index donne un regroupement alphabétique des sujets, avec leur place dans chaque discipline.

    Les rubriques imprimées en caractères gras correspondent à des rubriques qui sont développées dans la Table et pour lesquelles, par conséquent, il faut redoubler d'attention si l'on veut les compléter.

    Cette brève analyse du système Dewey conduit à diverses conclusions.

    Tout d'abord la DDC, contrairement aux reproches qu'on lui a si souvent adressés, est une classification très développée, qui permet de coter avec une égale précision les ouvrages d'une bibliothèque de culture générale.

    Son utilisation, pour le classement des ouvrages, ne pose pas de problème. Nous voulons dire qu'il est aisé de ranger, sur les rayons, des livres cotés en DDC.

    La difficulté d'application de ce système est tout autre. Elle réside dans l'effort minutieux d'analyse qu'elle exige du bibliothécaire.

    Mais, en un sens, elle ne s'écarte pas de l'effort qu'exige l'établissement d'un catalogue-matières rigoureusement conçu.

    Ce sont des tâches complémentaires qui vont de pair.

    *. Ceci nous est confirmé par M. Réal-Léonce Lévesque, bibliothécaire du Collège de Sainte-Anne-de-La-Pocatière, dans son remarquable « Guide du classificateur » (La Pocatière, 1966). retour au texte