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    Araxie Torrossian

    Par Madeleine Laforet

    Araxie Torossian n'est plus.

    Nous, les anciennes de son service, l'Inventaire général de la Bibliothèque de la Sorbonne, avons peine à l'admettre. Nous nous rappelons cette forte vitalité qui semblait indestructible. Chargée dans les années quarante de la catalographie d'anciens fonds d'histoire, de théologie et autres, elle prit goût à la rédaction de fiches de catalogues. Sa science précise trouva là, semble-t-il, son épanouissement. Pour nous, Araxie Torossian, ce fut avant tout le professeur de catalographie. Rien n'était laissé au hasard, tout était justifié par les bonnes règles. Prolongement de la catalographie, l'ensemble du catalogue auteurs et anonymes lui fut confié. D'où le nom de son service, « l'inventaire général ». Elle vit plus loin que la simple énumération catalographique. A partir du fonds de la Sorbonne, elle établit des bibliographies spécialisées en regroupant sous une même vedette les chansons de gestes, le Coran, l'Imitation de Jésus-Christ, les Upanishads, etc. Elle accepta et assuma la tâche ingrate de collationner et de répartir les thèses françaises, elle dirigea le service des entrées, des dons, des échanges universitaires. Devant une telle ardeur au travail, devant un tel dynamisme, qui dépeignent bien Araxie Torossian, faut-il s'étonner que, lorsqu'il s'est agi de mettre à jour le fichier des périodiques, de rattraper le retard des collections, le conservateur en chef se soit adressé à elle, sachant qu'il trouverait à la fois compétence et passion du travail.

    On ne peut oublier aussi l'ambiance qui régnait dans son service. Enjouée, dynamique, Araxie Torossian entretint toujours une atmosphère d'entrain, de gaîté, de jeunesse, choses rares dans le métier, assez austère, de bibliothécaire. Sollicitée mille fois, jamais lassée, elle répondait aux multiples questions de nos jeunes esprits critiques de débutants. Par ses qualités pédagogiques remarquables, elle savait former son personnel de tout âge avec tact et persévérance. Ainsi pendant vingt ans elle conduisit avec un dévouement total, avec une bonne humeur constante, son service où s'épanouissait le rayonnement de sa personnalité. Un pareil reflet se retrouvait dans son action envers les étudiants malchanceux ou malades. Elle était ainsi la grande animatrice et organisatrice du festival estudiantin « Les peuples qui chantent » dont les recettes étaient remises au Sanatorium des étudiants de Saint-Hilaire du Touvet.

    A côté de ses tâches de conservateur, elle mena à bon terme des travaux bibliothéconomiques divers, dont le « Catalogue des thèses de sciences physiques » édité en 1964. Elle consacra ses loisirs et sa profonde culture à jeter un pont entre les civilisations française et arménienne en entreprenant un lexique français-arménien et une thèse sur l'influence de la littérature française sur la littérature arménienne, thèse qu'elle devait soutenir cette année.

    L'honorariat de son grade de conservateur et la croix de Chevalier de l'Ordre national du Mérite furent les derniers hommages rendus à son travail et à sa très grande valeur. La robustesse de sa santé laissait espérer de belles années. Elles furent très courtes. Elle mourut subitement en présence de ses soeurs le 4 mars 1969, à Paris.

    Araxie Torossian laisse un souvenir inoubliable. Nous perdons en elle une excellente collègue, une aînée qui fut et restera une amie vraie.