Index des revues

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    Marie-France Durozoy (1938-1970)


    Un deuil cruel a frappé, le 14 décembre 1970, la Bibliothèque de la Faculté de Médecine de Paris en la personne de Marie-France Durozoy, qui exerçait depuis six ans les fonctions de bibliothécaire.

    Mlle Durozoy a été abattue par une mort brutale sur les lieux mêmes de son travail, tout au soir d'une longue journée consacrée en partie à des visites de libraires pour le service des acquisitions dont elle avait la charge.

    Ce jeune conservateur de 32 ans a eu une carrière brève, mais sa forte personnalité avait déjà marqué les bibliothèques où elle avait été affectée. Née à Paris le 25 mai 1938, elle avait obtenu sa licence de lettres (histoire) en 1958 et déjà sa vocation de bibliothécaire s'affirmait : d'octobre 1959 à février 1960, elle avait fait un stage à la Bibliothèque de la Préfecture de la Seine, en septembre-décembre 1960 elle avait été chargée d'une mission de réorganisation auprès de la Bibliothèque municipale de Compiègne en vue de participer au travail de reclassement de son fonds ancien. En octobre 1961, elle passait le concours de bibliothécaire d'Etat ; aussitôt elle partait pour la Bibliothèque municipale de Nancy où elle devait obtenir un poste d'Etat le 1er avril 1962. Elle y resta jusqu'au 4 janvier 1963, date à laquelle elle dut prendre un long congé de quatorze mois, nécessité par une très grave opération au coeur ; épreuve qu'elle supporta avec ce courage qui devait faire notre admiration. Toujours elle resta attachée à la capitale lorraine, où elle avait suscité des amitiés à la mesure de celles qu'elle portait elle-même aux autres.

    Le 16 mars 1964, Marie-France Durozoy entrait à la Bibliothèque de la Faculté de Médecine de Paris. Elle fut tout de suite chargée des acquisitions, lourd service dont elle s'acquittait avec beaucoup d'initiative et d'intelligence. Toujours en éveil, on la voyait s'affairer partout et sa silhouette semble encore présente au milieu de nous.

    L'émotion intense qu'a provoquée parmi le personnel cette disparition soudaine, nous croyons pouvoir en donner l'écho en citant les quelques paroles d'adieu qui lui ont été adressées le jour même des obsèques par Mlle Paule Dumaître au nom de tout le personnel de la Bibliothèque de la Faculté de Médecine de Paris.

    « ... Depuis six ans, Marie-France Durozoy partageait notre travail à la Bibliothèque. Nous avons connu les mêmes joies, les mêmes inquiétudes, vecu la même vie quotidienne. Rien ne rapproche plus que cette fraternité humaine de tous les instants. Elle part au moment même où nous commencions tous à bien la connaître, à savoir ce qu'elle valait, non pas au point de vue professionnel car elle a toujours été d'une conscience rigide dans un travail qu'elle aimait passionnément, mais dans elle-même, dans son âme, dans ce qui est devenu ce en quoi l'éternité la change. Si Marie-France Durozoy paraissait avoir parfois un abord un peu abrupt, si elle pouvait sembler un peu dure - mais alors dure comme le diamant -, cela avait été pour nous réserver une surprise, celle d'une âme pure, droite, loyale, d'une loyauté absolue, fidèle à ses amitiés, d'une âme courageuse et je me demande si le courage n'était pas même sa vertu dominante. Les angoisses que lui donnaient un état de santé dont elle connaissait la précarité, elle les a toujours dissimulées derrière un rire clair, un humour qui mettait en joie ceux qui l'approchaient, ne voulant par ailleurs accepter aucun ménagement, se dépêchant seulement de vivre intensément, comme si elle savait que ses jours étaient comptés. Elle-même, quand elle nous a mieux connus, était devenue plus confiante, plus amicale, et nous pensions passer avec elle de longs jours de collaboration fructueuse et totale.

    « Sa jeunesse ne l'a pas préservée. Marie-France Durozoy est morte un peu comme un soldat, en service commandé. Mais nous pouvons dire à sa famille, moi et celles qui ont été à mes côtés les témoins de sa dernière heure, de sa mort, qu'elle est partie au terme d'une journée qui avait été pour elle une journée heureuse, que sa dernière heure - le hasard ayant voulu qu'elle la passe dans mon bureau avec deux de ses collègues - a été une heure heureuse et lorsque j'y repense je me souviens de son enjouement et j'entends toujours ses éclats de rire, car ce soir-là elle était joyeuse, comme si elle prenait tout légèrement et comme si elle avait mesuré les choses de ce monde au poids qu'elles ont réellement. Elle a été abattue comme un chêne foudroyé, sans une plainte, sans souffrance, elle est morte, le sourire aux lèvres, au milieu des livres qu'elle aimait, dans les bras d'amies qui l'aimaient. Je voudrais qu'il y ait pour sa famille une consolation et pour elle une espérance ».