Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Madeleine Horn Monval (1885-1972)

    Par André Veinstein

    Plus de trente années consacrées au Fonds théâtral Auguste Rondel de la Bibliothèque de l'Arsenal rendent désormais indissociable le nom de Madeleine Horn-Monval de cette collection incomparable.

    Travaillant aux côtés de son donateur dès l'arrivée de la collection en 1920 à la Comédie-Française, puis après son transfert en 1925 à la Bibliothèque de l'Arsenal, Madeleine Horn-Monval a pu, selon le même esprit et les mêmes méthodes, entreprendre de front les différentes tâches ingrates et souvent contradictoires que supposent classement et catalogage, acquisitions et communications. Après le décès d'Auguste Rondel, en 1934, Madeleine Horn-Monval s'attacha le concours de sa soeur, Mlle Marcelle Mondain-Monval. A peu près seules, elles furent appelées à faire face aux multiples difficultés qui procédaient de la richesse même de la collection et de la pauvreté des moyens qui leur étaient accordés.

    Cette richesse tenait, pour les livres, à leur nombre mais aussi à leur valeur bibliophilique, à leur provenance, française mais aussi étrangère, à leur contenu : répertoire mais aussi études. Mais les livres ne constituaient qu'une partie de ce fonds : manuscrits, documents iconographiques les plus variés, recueils de presse, collection de périodiques, programmes de théâtre, affiches, objets (peintures, masques, reliques) faisaient de ce fonds à la fois une bibliothèque, un musée et un centre de documentation. Ces livres, ces documents et ces objets ne concernent pas seulement le théâtre mais tous les arts du spectacle et certains d'entre eux : les fêtes, le cinéma, le mime, la radio, se trouvaient représentés par des ensembles uniques au monde. Enfin, le classement méthodique adopté, tout en permettant une communication immédiate, offrait à tous les aspects de la recherche (historique, esthétique, technique, sociologique, psychologique, juridique, économique), des éléments d'information d'une valeur souvent exceptionnelle.

    Les spécialistes du théâtre : universitaires, théoriciens, metteurs en scène, acteurs, costumiers, journalistes français et étrangers, découvrirent peu à peu les ressources de ce fonds. L'accueil que leur réservait Mme Horn- Monval fut déterminant. Ses préoccupations familiales, les tâches techniques quotidiennes étaient pour elle largement compensées par la joie qu'elle éprouvait à découvrir et à communiquer. Après un premier entretien, le visiteur voyait « tomber» miraculeusement à sa place livres et documents que « Madame Horn » - sans compter ses pas et les marches d'escalier - allait elle-même dénicher aux quatre coins des magasins.

    Le rayonnement de ce fonds - le nombre de ses visiteurs mais aussi les dons que ce rayonnement a suscités - est dû à ce travail obstiné et à cet amour profond d'un art dont le passé et l'avenir se trouvaient, en quelque sorte, se prolonger l'un l'autre dans cette collection qu'elle contribua à faire l'un des plus grand foyers de recherche théâtrale du monde.

    Fille du moliériste Georges Monval, archiviste-bibliothécaire de la Comédie-Française, petite-fille par sa mère du peintre d'histoire et d'intérieurs Prosper Lafaye qui eut sa notoriété à l'époque romantique, petitenièce du poète François Coppée, Madeleine Horn-Monval, après de brillantes études au Collège Sévigné, épousa Charles Horn, conseiller du Commerce extérieur de la France, représentant d'une importante maison française d'imprimerie à Leipzig. Rentrée en France avec ses trois enfants à la déclaration de guerre de 1914, elle perdit son mari, tué au front en 1915. Pour faire face aux difficultés matérielles, elle devint professeur au Collège Sévigné, passa avec succès ses examens de licence, puis quitta l'enseignement pour prendre ses fonctions de bibliothécaire à la Comédie- Française.

    Sa carrière, particulièrement remplie des tâches que nous avons évoquées plus haut, n'empêcha pas Madeleine Horn-Monval d'entreprendre des activités et travaux dont les principaux reflètent le souci qui n'a cessé d'animer toute sa carrière de bibliothécaire : offrir aux chercheurs des moyens de travail. A partir de 1928, elle choisira et réunira pour l'Histoire générale illustrée du théâtre de Lucien Dubech, l'immense iconographie qui demeure une base de référence utilisée par les spécialistes du monde entier. En 1945, elle publiera, chez Marval, une nouvelle édition du Neveu de Rameau de Diderot, d'après l'édition de 1891 publiée par son père George Monval, qui avait retrouvé, en 18S0, le manuscrit original disparu et recherché pendant plus d'un siècle.

    En 1948, elle est nommée membre du Comité directeur de la Société d'Histoire du théâtre, puis est élue vice-présidente de cette Société le 12 mars 1855. Elle prendra sa retraite en 1951 et se consacrera désormais aux recherches nécessitées par l'élaboration de son Répertoire bibliographique des traductions et adaptations françaises du théâtre étranger du XVe siècle à nos jours, édité en 8 volumes par le C.N.R.S., de 1958 à 1963. Cet ouvrage sera couronné par l'Académie française en 1965.

    Madeleine Horn-Monval était chevalier de la Légion d'honneur.

    Décédée à Herblay (Val-d'Oise), le 3 février 1972, elle restera pour les historiens de théâtre français et étrangers, un guide et un exemple.