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Du catalogage en coopération au contrôle bibliographique universel

1972

    Du catalogage en coopération au contrôle bibliographique universel

    Quelques suggestions dans le cadre de LIBER

    Par Suzanne Honoré
    Document présenté au Colloque organisé par le Conseil de l'Europe à Strasbourg, sur l'initiative de LIBER, du 6 au 8 juin 1972, sur le thème : « Le catalogage en coopération ».

    Le catalogage en coopération, tel que nos collègues américains l'ont mis en oeuvre à partir de 1966, a montré tout l'intérêt d'une coopération dans le catalogage ; il est alors apparu qu'un ouvrage catalogué dans la bibliographie nationale de son pays n'avait pas besoin d'être entièrement recatalogué dans chacun des autres pays ; la notice parue dans la bibliographie nationale pouvait, avec quelques changements, servir à tous les catalogues de bibliothèque. Un réseau de communication de notices - soit sur bande magnétique, comme celles de la BNB, soit par envoi de fiches ou de placards des bibliographies nationales - a donc été mis en place au bénéfice de la Library of Congress et de son National Program for Acquisition and Cataloguing. Cependant, l'établissement d'un réseau au seul bénéfice de la Library of Congress - alors que les fiches de la Lïbrary of Congress ne peuvent convenir telles quelles qu'aux pays de langue anglaise suivant le code de l'ALA (American Lïbrary Association) - ne pouvait être qu'un début en matière de coopération internationale.

    Cette première expérience a toutefois servi de support à l'idée d'un réseau bibliographique universel où tous les centres nationaux de description bibliographique se communiqueraient leurs notices, de façon à éviter que le même travail de catalogage soit refait dans chaque pays. Le catalogage en coopération devient, comme l'idée en avait été lancée dès la Réunion d'experts de Copenhague (1) , le projet de réseau bibliographique exposé par M. Kaltwasser au nom de la FIAB dans l'article publié par l'Unesco sous le titre : « Le contrôle bibliographique universel » (2) .

    L'idée de réseau est déjà bien connue des documentalistes depuis que les progrès de l'informatique ont familiarisé les esprits avec cette notion ; des réseaux bibliographiques dans des domaines spécialisés, tels que MEDLARS, existent depuis de nombreuses années et ont rendu tangibles les bienfaits de la copération. Il s'agit donc d'organiser un réseau d'échange de données bibliographiques entre centres nationaux (ou régionaux ou multinationaux, selon les contrées et les possibilités). Certes, un tel réseau ne pourra être mis en place immédiatement, il suppose un degré d'organisation nationale qui est loin d'être atteint par tous les pays, notamment dans le Tiers Monde et les nouveaux Etats issus de la décolonisation.

    Mais dans le cadre du Contrôle bibliographique universel, nous nous proposons, en reprenant le plan tracé par M. Kaltwasser dans son article, de voir quelle pourrait être la contribution propre de LIBER aux études très nombreuses qui restent à mener. L'Europe occidentale, domaine de LIBER, représente un champ où le niveau atteint par les bibliothèques dans leurs activités bibliographiques est particulièrement élevé ; mais c'est aussi un domaine où les disparités dues à la diversité des langues et au poids de l'histoire sont très importantes. La coopération qui s'établira entre ces pays peut s'avérer déterminante pour l'avenir du Contrôle bibliographique universel.

    1. ELABORATION DES DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

    Contenu des Bibliographies nationales

    Une étude comparée du contenu des bibliographies nationales est au programme de la Conférence d'experts prévue à Londres pour le mois de novembre 1972 (3) . La plupart des bibliographies nationales, mais non toutes, sont basées sur le dépôt légal, c'est-à-dire sur une législation qui varie beaucoup de pays à pays. Les types de documents qui peuvent être ainsi recensés sont très nombreux : livres et périodiques, publications officielles, thèses, musique, affiches et documents graphiques, cartes et plans, disques et autres documents sonores, diapositives, films et autres documents audio-visuels (vidéocassettes, vidéodisques par exemple), livres et périodiques en microédition, etc...

    Il semble qu'une première étape doive se tenir au recensement des documents qui sont du domaine traditionnel des bibliothèques : livres et périodiques ; mais les bibliographies nationales devraient alors couvrir le plus largement possible tout le domaine défini comme étant celui du livre et du périodique d'après la Recommandation de l'Unesco sur les statistiques de l'édition (4) : elles devraient donc comprendre les publications officielles, les manuels scolaires, les thèses imprimées, les tirages à part constituant un ouvrage distinct, par le titre et la pagination, de la série dont ils sont tirés, les albums et recueils d'images comportant un texte explicatif, même sommaire ; il faudrait y ajouter les microéditions de livres et de périodiques, non mentionnés dans la Recommandation. Enfin, les périodiques nouveaux devraient faire l'objet d'une annonce dans la bibliographie nationale.

    LIBER pourrait entreprendre une étude comparative des bibliographies nationales des pays intéressés, en s'attachant si possible au degré d'exhaustivité des annonces de livres et périodiques.

    2. NORMALISATION DES INFORMATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

    Aspects techniques

    La normalisation technique, qu'il s'agisse des programmes, de la structure des bandes d'échange, etc., est étudiée, d'une part par un souscomité du Comité technique ISO « Documentation» (ISO/TC 46), d'autre part par la Commission de mécanisation de la FIAB. Il n'y a donc pas lieu de s'étendre ici sur ces problèmes, tout en notant qu'ils exigeront encore beaucoup de travail. Le colloque de Berlin de juin 1971 en a fait une étude approfondie (5) .

    Normalisation du catalogage

    C'est le domaine de la Commission de catalogage de la FIAB, et des progrès considérables sont en voie d'être obtenus. L'adoption de l'ISBD (International Standard Bibliographie Description) dans les bibliographies nationales est déjà un fait acquis pour la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France. Il semble que, sans gros problèmes, les autres bibliographies nationales de l'Europe occidentale pourraient suivre le mouvement, quitte à améliorer la norme au fur et à mesure que le besoin s'en fera sentir. On sait que l'ISBD fixe, d'une part la liste des éléments à inclure dans une notice bibliographique complète telle qu'on la peut souhaiter dans une bibliographie nationale ; d'autre part, l'ordre dans lequel doivent être fournis ces éléments, en précisant même les signes de ponctuation (qui sont en fait des codages) permettant leur reconnaissance en machine.

    Tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Même pour la notice, chaque pays souhaitera certainement garder à ses fiches une description correspondant à sa langue ; il faudra donc envisager de traduire les indications figurant à la collation (telles que pages, cartes, broché, relié, etc.) ou dans les notes. Il serait certainement possible à chaque bibliographie nationale de fournir une liste des abréviations employées par elle dans les notices bibliographiques, pour faciliter une conversion en machine aux autres pays.

    L'ISBDS (International Standard Bibliographie Description for Serials) est en cours d'étude dans le cadre de la Commission des publications en série et de la Commission de catalogage de la FIAB. Son adoption aidera à résoudre le problème du catalogage des périodiques, qui n'a jamais encore été étudié sur le plan international.

    Il reste que le problème des vedettes n'est pas résolu et demande encore un gros travail. Si la forme des noms d'auteurs, basée sur la forme nationale, pose peu de problèmes (sauf pour les auteurs étrangers très connus sous une transcription donnée, mais non scientifique, dans chaque pays, par exemple Mao Tse Toung ou Avicenne), les vedettes de collectivités, notamment internationales (organisations internationales, congrès, colloques, etc.) sont généralement prises dans une langue donnée qui est celle du pays de catalogage. Une traduction sera donc nécessaire. Il appartiendra certainement aux centres bibliographiques exploitant les bandes étrangères d'y procéder. Les bibliothèques regroupées par LIBER pourraient entreprendre sur ce point particulier rétablissement de listes d'équivalences de vedettes.

    Il est très intéressant d'apprendre qu'une étude est actuellement en cours en Allemagne fédérale, sur la différence précise entre quelques milliers de notices de la Library of Congress et celles établies selon les nouvelles règles allemandes (6) . Une étude parallèle pourrait sans doute être menée utilement sur les mêmes notices en France et dans d'autres pays, de préférence de langues différentes.

    Les numérotations internationales normalisées

    Le système de l'ISBN (International Standard Book Number) est en cours d'adoption à l'ISO. Bien qu'il ait été conçu principalement pour les besoins des éditeurs, il résoudra bien des problèmes d'identification pour les bibliothécaires.

    L'ISSN (International Standard Serial Number) est également en cours d'adoption à l'ISO ; un groupe de travail de l'ISO/TC 46 s'en occupe. Mais tous les problèmes soulevés par un numéro d'identification des titres de périodiques sont encore loin d'être résolus.

    Rappelons enfin que d'autres codages intéressant les bibliothèques sont en cours d'étude à l'ISO/TC 46 : le codage des noms de pays, par exemple. Un accord sur le codage des langues devrait également être rapidement mis à l'étude sur le plan international.

    Catalogage matières

    Le « catalogage matières » risque de poser de grands problèmes, et pas uniquement en raison de son aspect linguistique. L'étude est très complexe. Il faudra évaluer un jour sur le plan international l'utilité des vedettes-matières en usage dans les bibliothèques, comparée à celle des descripteurs employés pour la recherche de l'information, l'idéal étant d'aboutir à un macrothesaurus encyclopédique qui pourrait être traduit dans toutes les langues. Nous n'en sommes pas là, et l'on peut même se demander si la sagesse n'est pas d'attendre que les études menées un peu partout à travers le monde par les centres de documentation spécialisés aient permis d'aboutir à des conclusions pratiques.

    Sélection

    Mais nous croyons que, si l'on veut utiliser les bibliographies étrangères à d'autres fins que le catalogage, et notamment pour le choix des livres et les acquisitions, il serait fort utile que le « niveau fonctionnel » fasse l'objet d'un codage international. Il ne s'agit pas ici du « niveau bibliographique » (bibliographical level) prévu dans le format MARC et qui indique simplement s'il s'agit d'un livre, d'un article de périodique, d'un périodique ou d'une collection. Ce qu'il serait utile d'indiquer, c'est d'une part la « fonction » du livre, d'autre part le « niveau » des lecteurs auxquels le livre est destiné. Il ne saurait être question de porter, dans une notice bibliographique, un jugement de valeur sur un ouvrage ; mais il serait possible d'indiquer à quelle fonction il répond et pour quel public.

    Voici, à titre d'exemple, un classement qui avait été envisagé en France dans des réunions communes d'éditeurs scientifiques et de savants tenues sous l'égide de la Direction générale à la recherche scientifique et technique.

    Trois fonctions :

    • 1. fonction Loisirs
      • 1.1. adulte
      • 1.2. enfant
    • 2. fonction Enseignement
      • 2.1. enseignement supérieur
      • 2.2. enseignement primaire et secondaire
    • 3. fonction Information
      • 3.1. recherche
      • 3.2. développement, mise au point
      • 3.3. vulgarisation tous publics

    Une indication de cette nature aiderait grandement les bibliothécaires chargés du choix des ouvrages, qui n'ont pas toujours la connaissance suffisante des auteurs et des maisons d'édition d'un pays donné pour procéder, d'après le seul nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage, à une sélection valable.

    LIBER s'honorerait en mettant à l'étude une question aussi importante.

    3. QUESTIONS D'ORGANISATION

    Le point qui nous paraît le plus important à étudier dans nos contrées est celui de l'établissement de centres bibliographiques régionaux pour la révision et la diffusion de données bibliographiques lisibles par machine et provenant d'autres pays. Comme l'explique très bien M. Kaltwasser, ces centres sont indispensables, car on ne saurait envisager que chaque bibliothèque, à supposer qu'elle en ait les moyens en personnel et en matériel, se livre à l'exploitation des bandes étrangères, à l'extraction et à l'adaptation des notices bibliographiques qui l'intéressent. Il faut donc prévoir des centres qui seront chargés de ce travail.

    Or, à notre connaissance, aucun centre de cette nature n'existe encore en Europe. Il est évidemment difficile de prévoir en détail leur organisation, mais une discussion sur ce point montrerait où en sont les projets dans les différents pays. Il serait bon que par la suite ces centres se tiennent en contact très étroit, de façon que chacun puisse profiter du travail fait dans les autres centres.

    Constitution d'une banque de données pour les titres anciens

    Ce projet pourrait être rapproché de la proposition, formulée par A.J. Wells, d'attribuer des ISBN ayant pour indicatif X aux ouvrages anciens conservés dans les bibliothèques.

    Si l'on veut éviter les doubles emplois, l'étude de cette question me paraît relever tout d'abord d'une large discussion au sein de la FIAB. En effet, chaque pays devrait d'abord se charger de constituer une banque de données des titres publiés à toute époque dans son pays, la diffuserait et recevrait à son tour les notices des livres étrangers ; ceux pour lesquels il sera impossible de décider de leur lieu d'impression pourraient être attribués à un centre particulier ou traités par le centre qui en possède un exemplaire.

    Voilà quelques-uns des problèmes à la solution desquels LIBER pourrait apporter une importante contribution. Ce sont ici des suggestions à replacer dans un plan d'ensemble qui reste à définir sur le plan international, mais il est permis de souhaiter que des solutions régionales, plus faciles à chercher, soient institués dans le cadre de LIBER.

    1. HONORÉ (Suzanne), « Les Implications futures de l'automatisation sur le catalogage », Libri, vol. 20, 1970, n° 1/2, pp. 125-132. retour au texte

    2. KALTWASSER (Franz Georg), « Le Contrôle bibliographique universel », Bull. Unesco Bibl., vol. XXV, n° 5, sept.-oct. 1971, pp. 268-276. retour au texte

    3. Cette conférence a été reportée à l'année 1973. retour au texte

    4. Recommandation concernant la normalisation internationale des statistiques de l'édition, adoptée par la Conférence générale à sa 13e session, Paris, 19 novembre 1964. retour au texte

    5. « The Exchange of bibliographie data and the MARC format. Austauch bibliographischer Daten und das MARC Format. Proceedings of the International Seminar on the MARC format and the exchange of bibliographical data in machine readable form, sponsored by the Volkswagen Foundation, Berlin, June 14th-16th 1971 ». - Munchen-Pullach, Berlin, Verlag Dokumentation, 1972, 196 p. (Bibliothekspraxis. 6.) retour au texte

    6. KALTWASSER, op. cit., p. 273. retour au texte