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    En souvenir de Myriem Foncin (1893-1976)

    Par Jacques Lethève

    La mort de Mlle Myriem Foncin, survenue le 5 janvier 1976, n'a pas produit dans nos milieux professionnels un écho proportionné au rôle que cette éminente collègue avait joué dans les bibliothèques françaises. Il est vrai qu'elle avait pris sa retraite le 31 mars 1964 et que, désormais, pendant les douze ans qui lui restaient à vivre, elle vécut. dIus souvent qu'à Paris, dans la propriété familiale, admirablement située au milieu des pins sur un promontoire de la côte varoise (1) .

    Ceux qui n'ont pas oublié la carrière de Myriem Foncin à la Bibliothèque Nationale, voient surtout en elle le Conservateur en chef du département des Cartes et Plans. Née à Paris en 1893, deux fois licenciée, ès lettres (histoire et géographie) et ès sciences (géographie physique, botanique, mathématiques générales), diplômée d'études supérieures d'histoire et géographie, elle commença sa carrière à la Bibliothèque Nationale le 1er juin 1920 comme bibliothécaire stagiaire. Etant une des premières femmes à entrer dans cette grande maison, elle devait être la première placée à la tête d'un département, celui des Cartes et Plans, devenu autonome en 1942. D'autres diront ce que furent ses réalisations d'organisatrice et de savante (2) . Rappelons seulement qu'elle créa, en 1936, la Bibliographie cartographique de la France, devenue par étapes la Bibliographie cartographique internationale en 1948, qu'elle fut longtemps déléguée par le Comité national de Géographie aux Congrès internationaux de cette discipline et qu'en 1956, on la nomma secrétaire de la Section de Géographie du Comité des travaux historiques et scientifiques. Parallèlement, elle prépararit les travaux d'aménagement du nouveau département installé de façon rationnelle dans l'Hôtel Tubeuf, inauguré en 1954 et dont elle devait, pendant dix ans encore, diriger le fonctionnement.

    Rien en apparence dans ces divers travaux et dans cette activité n'a de rapport direct avec les problèmes généraux des bibliothèques et encore moins avec ceux de la lecture publique. Il faut sans doute, pour comprendre ce qui attira Myriem Foncin dans cette direction, évoquer des traits de caractère plus personnels, qualités de coeur et générosité. On voit que, dès l'époque de ses études à la Sorbonne, elle participe, aux côtés de Robert Garric, à la création des Equipes sociales. Aider à s'instruire ceux qui n'en ont pas les moyens, débouche très vite et tout naturellement sur le livre et l'encouragement à la lecture. La voie amorcée ne fut jamais abandonnée par celle qui l'avait ainsi découverte et qui, à ses fonctions de bibliothécaire hautement spécialisée, ne cessa d'ajouter son concours à la lutte pour le développement des bibliotèques publiques

    Elle s'était très vite inscrite à notre Association : on la voit déjà figurer à VAnnuaire de l'A.B.F. de 1926. Dix ans plus tard, malgré la dispersion des efforts que pouvait représenter cette initiative, elle n'hésite pas à prendre part aux réunions de la très éphémère « Association pour la défense de la lecture publique », créée en 1936 par Claude Bellanger, Vidalenc et quelques autres. Au début de la guerre, en octobre 1939. elle est encore présente pour la création d'« Art, lecture, loisir et sports aux armées» que préside Georges Duhamel. Elle fait partie ensuite des Comités d'assistance aux prisonniers de guerre.

    Toutes ces activités, dans lesquelles les livres tenaient la place essentielle, nécessitaient un tri parmi les publications nouvelles et des choix adaptés aux différentes catégories de lecteurs intéressées. L'ayant compris, elle organisa un comité destiné à examiner les nouveautés et à établir des listes avec analyse indicative des ouvrages retenus. De telles listes étaient d'ailleurs réclamées par différents organismes. N'oublions pas qu'en France, avant la création de la Direction des bibliothèques en 1945, les seules réalisations vraiment actives dans le domaine de la lecture publique étaient dues - à de rares exceptions près - à des initiatives individuelles ou à des organisations privées. La création du Comité de lecture de l'A.B.F. correspondait donc à une demande.

    C'est pour satisfaire des besoins du même ordre que furent organisés par l'A.B.F. à partir de juillet 1938, des petits cours de formation destinés à donner aux responsables de petites bibliothèques un minimum de connaissances techniques, ils ont continué jusqu'à nos jours, démontrant ainsi l'utilité de cette qualification. La création ultérieure du C.A.F.B., appelé depuis à un développement qui en a modifié le niveau, a été en grande partie inspirée par le diplôme de notre Association.

    Quant au Comité de lecture, éditeur à partir de 1945 de Listes et fiches critiques, précieuses pour les petites bibliothèques et d'ailleurs très imitées depuis, il a subsisté jusqu'à la retraite de Myriem Foncin en 1964 et même un peu au-delà (3) . Car c'est elle qui fut l'animatrice et l'âme de ces différentes initiatives pendant plus de vingt ans. Aussi, quand l'A.B.F., dès avant la guerre, mais suivant une structure mieux affirmée en 1941, établit en son sein une « Section de lecture publique », ce fut tout naturellement Myriem Foncin qu'on appela pour la présider (4) .

    En demi-someil pendant l'Occupation, l'A.B.F. ressurgit au grand jour en 1944, grâce principalement à deux hommes qui en avait alors la responsabilité : l'un comme président, M. Pierre Lelièvre, l'autre comme secrétaire général, M. Paul Poindron. Toutefois, la création de la Direction des bibliothèques, que l'A.B.F. avait appelé depuis longtemps de ses voeux, les amena à diriger leurs forces sur un autre plan et à abandonner leurs fonctions dans notre Association. Le choix de celle-ci se porta alors sur Myriem Foncin qui en devint ainsi la première femme présidente.

    Selon les statuts de cette époque, cette présidence dura deux ans, de 1945 à 1947, et elle correspondit à une période où le monde des bibliothèques françaises s'organisait en de nouveaux développements et cherchait un nouvel équilibre. La présidente contribua à affirmer la place de l'A.B.F., d'une part aux côtés des syndicats et l'autre en face de la Direction des bibliothèques, maintenant, dans un lieu de rencontres et de réflexion, l'unité de la profession sans oublier l'importance des bibliothèques privées.

    C'est elle aussi qui rétablit les relations internationales de notre Association, prenant la tête d'une petite délégation de bibliothécaires français à la première réunion tenue après-guerre par la F.I.A.B., en mai 1947, à Oslo.

    Ecoulée cette première période de présidence, l'activité de Myriem Foncin se concentre de nouveau sur les bibliothèques publiques, continuant à diriger l'organisation des « petits cours » et le Comité de lecture hebdomadaire. Aussi bien devait-elle favoriser en 1958-59 la création d'une nouvelle « Section des petites et moyennes bibliothèques à rôle éducatif » dont l'animateur était M. Jean Hassenforder. Mais, en mars 1959 la présidence de l'A.B.F. lui était de nouveau proposée.

    La disparition prématurée de Louis-Marie Michon, élu président en mars 1958 et décédé le 28 décembre de la même année, ouvrait en effet une succession difficile. Elle accepta, avec l'aide de M. Maurice Piquard qui, ancien président, voulu bien la seconder comme vice-président, dans ces nouvelles responsabilités. Restant dans cette charge jusqu'en mars 1961, elle contribua largement à la mise en place d'activités plus spécialisées au sein de l'A.B.F. C'est ainsi qu'une section des bibliothèques-musées des arts du spectacle, émanation française de la section créée à la F.I.A.B. par M. André Veinstein, fut organisée en 1960. Le besoin de faire participer plus étroitement les collègues de province à des travaux jusqu'alors un peu trop exclusivement parisiens, s'était souvent manifesté. Pour la première fois depuis la guerre des journées d'étude se tinrent à Lyon les 23 et 24 avril 1960. Elles furent le prélude à la création de groupes provinciaux - et le premier formé, celui de Lorraine se rattacha à l'A.B.F. en cette même année 1960 -, dont les présidences suivantes, celles d'Henriot Marty et de Mme Honoré devaient confirmer le développement.

    Retracer le rôle de Mlle Foncin à l'A.B.F. jusqu'à son départ des bibliothèques au début de 1964, c'est, on le voit, faire sur beaucoup de points l'histoire de notre Association. Il était donc indispensable d'évoquer ici cette remarquable figure des bibliothèques, dont la personnalité et les qualités humaines ne sont certes pas oubliées de ceux qui l'ont connue mais dont l'activité au sein de notre profession risque d'être un peu voilée, aux yeux des générations plus jeunes, par l'évidence des résultats acquis.

    1. Qu'on nous permette d'indiquer qu'en 1977, Mile Mireille Foncin, sa soeur qui fut souvent sa collaboratrice auprès des petites bibliothèques, a légué à l'Etat ce domaine pour qu'il soit utilisé dans le cadre de la protection de la nature. retour au texte

    2. On trouvera plus de précisions sur son activité scientifique dans les articles de M. de La Roncière à paraître dans :

    • - Les Annales de Géographie. 1er trlm. 1978
    • - IMAGO MUMDI : London. 1978, vol. XXX.
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    3. Cf. M. Foncin, le Comité de lecture de l'A.B.F., dans A.B.F. Bull, d'informations, février 1965, pp. 7-12. retour au texte

    4. Deux autres sections furent alors créées : bibliothèques d'études et de documentation, bibliophile et histoire du livre. retour au texte