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    Congrès des bibliothèques allemandes

    Stuttgart, 16-20 mai 1978

    Par Etienne Geiss

    Pendant près d'une semaine, du 16 au 20 mai 1978, Stuttgart était devenu le centre de ralliement de 2.000 bibliothécaires allemands. Leur congrès était suivi également par 80 collègues d'autres nations qui représentaient seize pays différents. Chacune des six Associations de bibliothécaires allemands tient séparément son congrès annuel, mais une réunion plus générale comme celle de Stuttgart, n'a lieu que tous les cinq ans. Elle est organisée par la Deutsche Bibliothekskonferenz qui regroupe toutes ces Associations. Elle permet aux participants de confronter leurs expériences professionnelles et contribuer ainsi à la mise en place d'un réseau de bibliothèques bien structuré. Le dernier congrès commun à toutes les Associations s'était tenu à Hambourg en 1973. A cette occasion avait été publié le « Plan 1973 pour les bibliothèques » qui prévoyait notamment que « tout lecteur peut consulter tout ouvrage à n'importe quel endroit ».

    Plusieurs raisons ont incité les Associations à choisir Stuttgart pour ce congrès ; l'une d'entre elles est la grande concentration des bibliothèques dans cette ville. Dans ce domaine, elle comporte une cinquantaine d'établissements importants et certains d'entre eux jouissent, grâce à leurs fonds, d'un grand renom. Une conférence, donnant un aperçu de leur fonctionnement, des visites commentées et un guide des bibliothèques de Stuttgart, édité spécialement pour le congrès, ont permis aux participants de prendre connaissance de ce réseau documentaire. Le centre du réseau est certainement la Württembergische Landesbibliothek avec ses 12.000 manuscrits, ses 7.000 incunables, ses 45.000 acquisitions annuelles et sa prestigieuse collection de 10.000 bibles dont la Bible de Gutenberg acquise tout récemment, en avril 1978, pour la somme de 2 millions de dollars. Siège du catalogue collectif du Bade-Wurtemberg, et d'une Ecole de bibliothécaires, cette bibliothèque reste de loin la plus considérable du sud-ouest allemand. Citons aussi l'importante Bibliothèque universitaire avec ses deux grandes sections :celle des sciences humaines au centre de la ville et celle des sciences et techniques à l'extérieur. Avec ses fonds étendus, elle est l'un des établissements universitaires les plus dynamiques d'Allemagne. Citons aussi la Bibliothèque de l'Université agronomique de Hohenheim et la Bibliothèque municipale de Stuttgart.

    La séance d'ouverture officielle s'est tenue comme de coutume le deuxième jour du congrès, laissant ainsi aux participants l'occasion de prendre contact la veille. Dans son allocution d'ouverture, le Dr Hans-Peter Geh, Directeur de la Landesbibliothek du Wurtemberg et Président du Comité local d'organisation souhaite la bienvenue à l'assistance et la remercie d'être venue si nombreuse. Le Professeur Joseph Daum, Directeur de la Bibliothèque universitaire de Brunswick et Président de la Bibliothekskonferenz insiste sur l'importance des Bibliothèques dans une société moderne et dynamique. Il observe que leur développement est tributaire de la vie conjoncturelle, mais ceci ne doit pas conduire les pouvoirs publics à céder à la tentation de le restreindre. C'est l'avis du Ministre de la Culture du Bade-Wurtemberg, le Dr Herzog qui ne craint pas d'affirmer qu'en période de crise et de récession, les possibilités d'achat des Bibliothèques doivent encore être accrues. M. Sander, Adjoint au Maire, développe aussi cet aspect de l'évolution des bibliothèques, tandis que M. Stahl, Secrétaire d'Etat à la Recherche, insiste sur la formation commune que devraient avoir bibliothécaires et documentalistes. Ces deux carrières étaient en effet, longtemps considérées comme rivales, mais elles deviennent complémentaires avec l'accroissement de la production de documents de toute nature et celui du nombre des prêts. Le Président de la Conférence permanente des Ministres de la Culture, le Professeur Braun, attire l'attention sur les relations qui doivent exister entre les bibliothèques. Il salue toute initiative favorisant la rationalisation ou la coopération. M. Stingl, Président de l'Office fédéral du travail, parle de la spécificité du métier de bilbiothécaire. Il rappelle aux participants du congrès l'importance de la formation permanente dans cette profession en pleine évolution. M. Kirkegaard, Président de l'IFLA, présente les bibliothèques allemandes dans le contexte international. Il montre leur rayonnement, et l'impact de la bibliothéconomie allemande sur le monde du livre.

    Le programme du congrès tel qu'il avait été prévu par les organisateurs, offrait un grand choix de thèmes de travail :

    • - plus de 25 commissions étaient consacrées à des thèmes classiques de bibliothéconomie. C'est ainsi que des commissions se sont réunies autour des sujets suivants : les manuscrits, les incunables, l'acquisition, le catalogage, les constructions, l'utilisation des supports nouveaux, etc... Une attention particulière est portée à la nouvelle réglementation du prêt entre bibliothèques, qui prévoit des procédures simplifiées et une localisation plus rapide d'un document grâce à l'élaboration de catalogues collectifs régionaux et à l'utilisation de l'informatique ;
    • - une série de conférences avait pour thème central la vie des bibliothèques dans la conjoncture actuelle. L'économie étant en récession, leur pouvoir d'achat diminue notablement. A la longue, la continuité des collections ne pourra plus être assurée. Un seuil sera bien vite atteint, en dessous duquel les bibliothèques ne rempliront plus leur fonction normal : les bibliothèques municipales ne jouent plus leur rôle dans la vie culturelle et l'absence du renouvellement des collections dans les bibliothèques d'étude provoque la stérilisation de la recherche. A ces cris d'alarme, plusieurs orateurs, représentant les pouvoirs publics, ont manifesté l'intention de l'Etat de ne pas tolérer qu'une telle situation s'instaure au cours des prochaines années ;
    • - la formation professionnelle était cette année encore au centre des débats avec la question d'une éventuelle formation commune des bibliothécaires et des documentalistes. Le programme « I et D » (information et documentation) prévoit une intégration complète des deux carrières. Plusieurs tentatives allant dans ce sens se sont avérées des réussites. Si pour l'instant, elles ne peuvent pas être confondues, il reste cependant indispensable que les deux carrières de bibliothécaires et de documentalistes se rapprochent considérablement. En tout état de cause, on estime généralement qu'un tronc commun de l'enseignement peut être une formule heureuse. Cette formation commune pourrait même être étendue aux archives dont la profession est concernée par de nombreuses disciplines des sciences de l'information. On peut donc imaginer une formation commune encore plus étendue. Comme chaque année, des collègues représentant plusieurs pays donnent des informations sur la formation professionnelle dans leur pays ; c'est ainsi que les systèmes Scandinave et bulgare ont fait l'objet de deux communications très écoutées ;
    • - un congrès aussi important que celui de Stuttgart ne pouvait passer sous silence les problèmes posés par l'utilisation de l'ordinateur. En effet, le catalogue collectif des périodiques de la Staatsbibliothek de Berlin comporte déjà 500.000 références représentant 130.000 titres différents. Ce catalogue est automatisé et pourrait être exploité en conversationnel, dès que l'utilité s'en fera sentir. Grâce à trois terminaux installés à Stuttgart dans une salle du congrès, il était possible de communiquer en conversaitonnel avec l'ordinateur de la Staatsbibliothek. Quelle bibliothèque possède telle année d'une telle revue ? Quel est l'état exact d'une revue dans telle bibliothèque ? Le temps de dactylographier la question sur le clavier du terminal et, quelques fractions de secondes après, apparaît la réponse sur l'écran ;
    • - une conférence-débat sur la censure en bibliothéconomie avait réuni des hommes politiques, des écrivains et des bibliothécaires. Le bibliothécaire doit-il acquérir toute littérature ? A-t-il le droit ou le devoir de tout prêter et à tous ? Tel était le problème au centre des débats. L'unanimité s'est faite sur la liberté qui doit régner dans les bibliothèques, liberté dans les acquisitions et liberté dans les prêts. De même qu'aucune force ne peut empêcher un auteur d'écrire et de publier, aucune force ne peut empêcher le bibliothécaire de communiquer les documents dont il assure la conservation. Et les intervenants étaient d'accord pour qu'on dénonce tout mouvement qui empiéterait sur la liberté d'action du bibliothécaire.

    En marge de ces nombreuses réunions de travail, le Congrès offrait une gamme assez étendue de manifestations à caractère amical ou culturel. En plus de quelques réceptions, dont celle du Gouvernement du Land et de la Municipalité, les congressistes avaient la possibilité d'assister à un concert où étaient exécutées des oeuvres de Debussy, Gesualdo et Strawinsky. En outre, ils étaient conviés à une visite guidée de la ville, du jardin exotique et à une démonstration au planétarium récemment inauguré. La Galerie nationale avait organisé une exposition, et plusieurs entreprises présentaient leur centre de documentation.

    Le dernier jour enfin était consacré à des excursions. Six circuits différents avaient été organisés, dont celui qui amena une centaine de collègues à Strasbourg, ville jumelée avec Stuttgart, où avait été prévue une présentation de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, de la Bibliothèque municipale ainsi qu'une visite guidée de la Cathédrale.

    Accueillir, informer, documenter, faire visiter bibliothèques et centre de documentation, mais aussi procurer des moments de détente, tels avaient été les objectifs des organisateurs de ce congrès. Il est certainement difficile de présenter un programme qui donne satisfaction à 2.000 bibliothécaires. Mais le comité d'organisation y est parvenu tout au long de cette semaine de travail en commun.