Index des revues

  • Index des revues

L'accès du public à l'information gourvernementale

1980
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    L'accès du public à l'information gourvernementale

    La situation en France en 1979

    Par Geneviève Boisard

    Introduction :

    Le besoin du public d'accéder à l'information gouvernementale est aujourd'hui universellement ressenti. Exprimé ouvertement dans les démocraties, il existe de façon plus ou moins larvée dans les régimes autoritaires. En effet l'autorité et la compétence de l'Etat s'exercent dans des domaines sans cesse élargis et seul le contrôle exercé par les citoyens grâce à l'accès à l'information gouvernementale peut leur permettre de ne pas se sentir les jouets d'une administration tentaculaire.

    En fait l'information du public a commencé par être un devoir : « nul n'est censé ignorer la loi », puis un droit de regard et enfin un moyen de partager le pouvoir.

    En France, sous l'Ancien Régime, l'information a d'abord été limitée aux textes qui obligeaient les sujets. Bien avant d'être écrite cette information était orale. Dès le XIVe siècle les ordonnances et lettres royales devaient être lues dans les assises des sénéchaux et des baillis. A la fin du XVe siècle les Etats généraux de 1483 demandent que les ordonnances des rois de France soient lues et publiées dans chaque baillage et sénéchaussée et en 1490 un texte prévoit qu'elles seront lues deux fois par an. Il faut signaler en passant que cette proclamation verbale n'a cessé que récemment puisque quelques années après la Seconde Guerre mondiale le garde-champêtre des communes rurales annonçait encore les avis du maire au son du tambour. Encore maintenant, et bien qu'elle n'ait plus la même valeur, la diffusion orale connaît un regain de faveur grâce à la radio et à la télévision qui répandent immédiatement dans le grand public les décisions gouvernementales ou la conclusion des grands rapports et enquêtes.

    Cette promulgation des textes ayant force de loi, de verbale est devenue écrite, et adonné naissance à nombre de journaux et de bulletins officiels.

    De l'idée de promulgation, c'est-à-dire de la proclamation des textes obligatoires, on est arrivé dans un second stade à l'idée de contrôle, l'article 15 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 indiquait tout net : « la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Cette information pour contrôle s'exerce d'abord par le moyen d'intermédiaires qui sont les représentants élus du peuple. Devant le Parlement les ministres viennent s'expliquer, rendre compte de leur administration, présenter leur budget, répondre aux questions écrites ou orales des députés et sénateurs. Dans de nombreuses démocraties l'institution, sous des noms divers (« ombudsman », « parliamentary commissioner », médiateur), d'un intermédiaire entre le public et l'administration, chargé d'instruire et de résoudre les querelles entre l'administration et ses administrés, répond au même objectif.

    Enfin l'information est également considérée comme un instrument de puissance ou d'efficacité. Il faut pouvoir accéder à la documentation réunie par l'administration aussi bien sur le plan pratique, pour les démarches de la vie quotidienne ou les décisions à prendre en matière économique ou sociale, que sur le plan de recherches scientifiques.

    L'accès à l'information gouvernementale peut se faire suivant des moyens divers, par des publications, par la consultation d'archives, l'assistance aux réunions de travail de l'administration ou la consultation de ses documents. Ces différentes voies vont être étudiées successivement.

    LES MOYENS TRADITIONNELS

    La publication des documents administratifs

    Origine de la publication :

    C'est le moyen le plus répandu, sinon le plus ancien, et aussi le plus commode de permettre au public d'accéder à l'information officielle.

    Il faut noter en passant qu'en France tout au moins, avant la Révolution, la publication des actes royaux n'a pas été faite à l'initiative de la monarchie. Les rois qui avaient rendu leurs arrêts se souciaient assez peu de la façon dont ceux-ci seraient connus de leurs sujets. Les nombreux recueils d'actes et d'ordonnances des rois de France ont tous été rassemblés sur initiative privée et les arrêts isolés publiés par des libraires privés.

    Ces publications avaient un objectif essentiellement juridique. Il s'agissait de rassembler les fondements du droit.

    Les premières publications régulières ont eu pour objectif de faire connaître aux citoyens les obligations auxquelles ils étaient assujettis et si la publication du bail des gabelles de France, sur la perception des impôts indirects, remonte au XVIIe siècle, il faut attendre le siècle suivant, les dernières années avant la Révolution, pour voir paraître, à Bâle ou à Lausanne par précaution, des recueils privés de pièces concernant l'administration des finances.

    Comme le dit l'introduction d'un de ces recueils : « Lorsqu'on renonce volontairement à l'approbation publique, pour se mettre en même temps à l'abri de toute censure, il est bien à craindre que l'on ne mérite plus de blâme que d'éloge » (1) .

    Ces idées largement répandues furent mises en pratique par l'Assemblée convoquée en 1789 qui décida de rendre public le procès-verbal de ses séances, qui était vendu par souscription et disponible dès le surlendemain.

    A la même époque remonte la Gazette nationale ou Moniteur universel dont l'avis introductif fait expressément référence à la tradition anglaise de publier les journaux des deux chambres du Parlement : « Nous croyons donc faire une chose très agréable au public dans les circonstances actuelles, en lui proposant et en publiant les premiers une Gazette et papiers nouvelles à la manière angloise, qui paroîtra tous les jours... Nous devons croire que la lecture de ces papiers deviendra générale, la Nation française devant sentir la nécessité de se mettre au courant de tous les événements de l'administration et du gouvernement ».

    A partir de 1793 le Bulletin des lois publiera les délibérations des assemblées législatives et les décisions du gouvernement.

    A partir de la Révolution se multiplient les rapports des comités des assemblées puis les rapports des administrations, dont les grandes séries remontent au milieu du XIXe siècle.

    L'édition

    A l'heure actuelle, si on examine la façon dont les grands Etats assurent la diffusion de l'information gouvernementale par le moyen des publications, on constate des différences très importantes, qui ont été soulignées par Monsieur Cherns (2) l'année dernière à Strbské Pleso.

    Il n'y a pas en France, comme en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis par exemple, de centralisation de l'édition des publications officielles. Plusieurs maisons d'éditions officielles coexistent, dont chacune a sa physionomie propre, et de nombreux ministères ou font appel à des imprimeurs privés ou publient eux-mêmes grâce aux ateliers intégrés.

    Le monopole de l'Imprimerie nationale, qui n'a jamais vraiment existé dans les faits, n'est plus qu'une survivance et souffre des dérogations qui sont quasi la règle. L'Imprimerie nationale ne l'exerce plus guère que pour les publications des ministères de l'Economie et du Budget, autrefois réunis en ministère des Finances, et à un moindre titre pour les ministères de l'Agriculture, de la Défense et de l'Industrie.

    Par ailleurs, vis-à-vis de ses clients, l'Imprimerie nationale peut jouer simplement le rôle d'imprimeur, et dans ce cas elle leur retourne le stock des publications pour diffusion après leur avoir facturé ses services, ou elle peut se comporter comme un éditeur véritable et assurer elle-même la vente des publications à un prix qui tient compte du prix de revient.

    Tout autre est la politique suivie par la Direction des Journaux officiels. Ceux-ci assurent non seulement la publication quotidienne du Journal officiel de la République française dans ses diverses éditions : lois et décrets, débats parlementaires, documents administratifs... mais aussi celles des documents parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat, de diverses brochures, tirés à part, codes, qui sont tous des reprises en format in-8° de textes parus au Journal officiel, et d'un certain nombre de bulletins officiels de ministères.

    Toutes ces publications doivent être accessibles à chaque citoyen pour un prix modique. Il en résulte que les prix pratiqués par la Direction des journaux officiels n'ont aucun rapport avec les prix de revient et que les publications sont vendues à perte. Les journaux officiels remplissent à cet égard une mission de service public. Toute leur production se caractérise par un aspect utilitaire particulièrement terne, compensé par un maniement pratique et des prix très bas.

    La production de la Documentation française au contraire a une présentation attrayante et variée. Elle met à la disposition du grand public universitaire et cultivé les principaux rapports du Gouvernement, les textes récents de politique intérieure ou étrangère et des notes de synthèse sur les principaux événements politiques ou sociaux d'actualité.

    Comme l'Imprimerie nationale, et à la différence des journaux officiels, la Documentation française cherche à équilibrer son budget et, si ses publications sont vendues au plus juste prix, elle tient cependant compte des prix de revient.

    Si l'administration française publie en abondance, l'information du citoyen est loin d'être toujours assurée dans des conditions satisfaisantes. En effet un point très faible du système est celui de la diffusion tant par la vente ou la distribution gratuite que par la mise à la disposition du public dans les bibliothèques et centres de documentation.

    La diffusion

    Que ce soit pour l'Imprimerie nationale, les journaux officiels ou la Documentation française, la diffusion se fait par correspondance. A moins d'habiter Paris et de se rendre aux points de vente de ces trois maisons d'édition, il n'est point d'autre ressource. Encore ces trois administrations ont-elles des catalogues de vente fort bien faits qui permettent aux clients possibles de repérer ce qui peut leur être utile.

    Très rares sont les publications officielles à entrer dans le circuit commercial de l'édition. Elles ignorent la publicité, à part la publicité interne à une même administration d'une publication à l'autre.

    Le Journal officiel cependant ouvre ses colonnes à la publicité pour les publications de la Direction des journaux officiels, annonce une fois par semaine les dernières productions de la Documentation française et signale les documents parlementaires mis en distribution. Mais bien rares sont les administrations qui annoncent leur publication à la partie « annonces » de la Bibliographie de la France, seuls font parfois exception la Documentation française et l'Institut national de la statistique des études économiques.

    L'INSEE, grâce à ses observatoires économiques régionaux, possède un réseau de distribution de ses publications à travers la France. De même le ministère de l'Education peut répandre largement les siennes grâce au Centre national de documentation pédagogique qui se ramifie en centres régionaux, départementaux et locaux. Ce sont les deux seuls exemples de réseaux de distribution administratifs.

    Quant aux ministères qui publient eux-mêmes, ils assurent le plus souvent la distribution de leurs publications à titre gratuit d'après des listes de destinataires établies à priori. En règle générale, ils ne se soucient guère de savoir si leurs publications atteignent ou non leur but et répondent aux besoins des lecteurs supposés.

    Ces lacunes ont été perçues. En 1971, le Premier ministre créait une commission de coordination de la documentation administrative, qui devait étudier tous les problèmes relatifs à l'édition et à la diffusion des publications des administrations centrales, et promouvoir une meilleure utilisation de la documentation administrative. En même temps qu'elle contrôlait la diffusion gratuite des publications, la commission a mis en place des points de diffusion des catalogues de vente des administrations, appelés « points bleus », à cause de l'affiche qui les signalait au public. Ces lieux de consultations ont été implantés dans des centres de documentation d'archives, mairies, préfectures, services recevant du public, dans l'espoir de mieux faire connaître la production des administrations.

    Quand les publications de l'administration sont bien présentées et accessibles le succès est certain. La librairie de la Documentation française, où sont disponibles non seulement les productions de la maison, mais un choix des publications d'autres administrations, connaît un grand succès et ne désemplit pas. La Documentation française vient d'ouvrir à Lyon une autre librairie du même genre pour permettre au public de province un meilleur accès à ses publications.

    Un effort de diffusion a été fait pour le Guide de vos droits et de vos démarches publié en 1978 par le Service d'information et de diffusion, dépendant du Premier ministre. Il avait été mis en vente chez les libraires, et dans les kiosques de gare et du métro. Ce guide a connu un grand succès et vient d'être réédité.

    Depuis quelques temps l'administration, animée d'un esprit nouveau, cherche par tous les moyens à atteindre le public là où il se trouve. Elle a pensé à utiliser les bureaux de poste, qui existent dans les plus petits villages, pour servir de relais afin de diffuser des renseignements administratifs ou des guides d'usagers; des publications très largement répandues comme les annuaires du téléphone ont été utilisées pour servir de support à des renseignements administratifs de tous ordres.

    A l'initiative de la Commission de coordination de la documentation administrative un répertoire des Centres de documentation de l'administration a été publié en 1978. Un répertoire des guides d'usagers est sous presse.

    Collections gouvernementales dans les bibliothèques

    La mise en vente ou en distribution des publications gouvernementales n'est pas le seul moyen de faire accéder le citoyen à l'information officielle. Certains pays, tels les Etats-Unis, ont tout un réseau de bibliothèques dépositaires, qui reçoivent du Superintendent of documents une partie importante des publications fédérales et doivent les mettre à la disposition de leurs lecteurs. D'autres pays reçoivent un dépôt légal en multiples exemplaires qui leur permettent d'alimenter de nombreuses collections officielles dans des bibliothèques publiques.

    Il reste beaucoup d'efforts à faire en France en ce domaine. Bien que la loi française sur le dépôt légal remonte à l'ordonnance de Montpellier de 1537 et que les publications administratives y aient toujours été soumises, la loi n'a pas toujours été respectée, loin de là. Les collections d'actes de l'Ancien régime qu'on peut trouver aujourd'hui à la Bibliothèque nationale ont été réunies par des collectionneurs privés qui en ont fait don à la bibliothèque du roi. De multiples textes ont tenté de réaffirmer l'obligation de dépôt à la Bibliothèque nationale des publications de l'administration centrale, sans grand succès.

    L'article 35 de la loi des finances du 29 juillet 1881 stipule que :

    • « A dater du 1er janvier 1882, les ministères et les administrations publiques, tant de Paris que des départements, seront tenus d'envoyer un exemplaire de tous les documents qu'ils feront imprimer ou des publications auxquelles ils souscriront :
      • 1) A la Bibliothèque nationale.
      • 2) A la Bibliothèque du Sénat.
      • 3) A la Bibliothèque de la Chambre des députés. »

    Cette mesure propre aux publications administratives, se superposait à la loi sur la presse, de la même année qui réglementait le dépôt légal des publications périodiques. Elle était destinée à alimenter trois grandes collections publiques où les citoyens pourraient venir consulter les publications administratives. Elle n'a jamais été abrogée et un dépôt continue à être fait à l'Assemblée nationale et au Sénat.

    En ce qui concerne la Bibliothèque nationale le dépôt prévu se confond avec le dépôt légal général régi par la loi du 21 juin 1943 toujours en vigueur. Cette loi prévoit que :

    • «... Les imprimés de toutes natures... les revues musicales, photographiques, cinématographiques, phonographiques, mises publiquement en vente, en distribution ou en location ou cédées pour la reproduction sont soumis à la formalité du dépôt légal ».

    L'article 8 de la loi qui énumère les personnes physiques ou morales assujetties au dépôt mentionne les administrations publiques au même titre que les imprimeurs, éditeurs, associations ou syndicats.

    Une lettre du chef du Gouvernement aux ministres et secrétaires d'Etat en date du 4 novembre 1943 donne même à ce texte une interprétation extensive :

    • « Les administrations publiques sont tenues... d'effectuer le dépôt de tous les ouvrages édités ou publiés par elles... ».

    D'une façon générale toute publication, qu'elle soit destinée à être mise en vente dans le public ou diffusée seulement à l'intérieur des services administratifs ou semi-administratifs, doit faire l'objet d'un dépôt, à l'exception bien entendu des circulaires ou instructions de service ».

    Ces dispositions ne sont pas toujours respectées pour deux raisons principales :

    • - La première est l'ignorance des administrations. Les fonctionnaires qui à un moment ou à l'autre de leur carrière se trouvent amenés à publier n'ont pas été formés pour cette tâche. Ils n'ont bien souvent jamais entendu parler du dépôt légal et ignorent qu'ils y sont soumis. C'est pourquoi les publications qui ne sont pas éditées par une des maisons d'édition officielles : Imprimerie nationale. Journaux officiels ou Documentation française, ne sont pas toujours déposées.
    • - D'autre part il n'est pas toujours facile de distinguer ce qui est réellement soumis au dépôt. Le caractère de publicité semble en faire une obligation, mais que dire de multiples documents, de caractère interne et cependant parfois largement distribués à la presse ou aux parlementaires. D'autant plus qu'il est précisé que le mode de reproduction ou d'impression, multi-graphie, offset, ne peut servir de critère. Il est bien évident que dans le doute l'administration a tendance à trancher par la négative et à s'abstenir du dépôt.

    Une solution empirique a pu être trouvée pour résoudre des cas de ce genre. Quand les services acceptent de déposer à la Bibliothèque nationale des documents qu'ils ne souhaitent pas voir divulgués immédiatement, ces documents sont mis « en réserve » et ne sont pas catalogués, ce qui les soustrait par là-même à la connaissance des lecteurs. Ils ne seront traités et communiqués qu'au bout d'un laps de temps déterminé en accord avec l'administration.

    Il est paradoxal d'évoquer cette procédure dans un rapport sur l'accès du public à l'information gouvernementale, mais c'est encore un moyen de permettre la conservation et la communication au public en la différant.

    Comme nous l'avons vu plus haut, la Bibliothèque nationale par le dépôt légal, les bibliothèques de l'Assemblée nationale et du Sénat par le dépôt propre aux publications officielles, sont régulièrement alimentées en collections gouvernementales. Mais il faut bien noter que les bibliothèques de l'Assemblée et du Sénat sont loin d'être publiques et sont réservées en principe aux parlementaires. Pour les autres bibliothèques on constate une disproportion flagrante entre les moyens offerts aux lecteurs de Paris et de province.

    A Paris toutes les grandes bibliothèques d'études comme la bibliothèque Cu-jas de Droit et de Sciences économiques, la Bibliothèque de la Fondation nationale des Sciences politiques, la Bibliothèque administrative de la ville de Paris ont de très belles collections de publications officielles. En province les grandes bibliothèques universitaires et municipales acquièrent les principales collections de l'INSEE et de la Documentation française, mais elles les achètent à titre onéreux et, étant donnée la modicité de leurs crédits, elles n'ont qu'un choix des publications les plus importantes. Les bibliothèques municipales reçoivent par dépôt légal d'imprimeur tout ce qui a été imprimé dans leur région et reçoivent de ce fait, ou devraient recevoir, les publications des administrations départementales et locales.

    En règle générale, et contrairement à ce qui se produit aux Etats-Unis, les publications officielles ne sont pas réunies en France en collections distinctes dans les bibliothèques, mais elles sont intégrées dans les séries générales. Il est donc particulièrement difficile, faute d'étude particulière, d'apprécier leur importance et leur utilisation dans les bibliothèques publiques. Il semble cependant que dans l'ensemble elles soient sous-utilisées aussi bien par le grand public que par les chercheurs, et ceci nous montre tout l'effort d'éducation et d'information qui reste à faire.

    Le contrôle bibliographique

    Le contrôle bibliographique des publications officielles est assuré grâce à la parution de la bibliographie nationale. Mais c'est un domaine particulièrement difficile, comme l'a montré Madame Sinnas-samy dans son enquête pour le Congrès international sur les Bibliographies nationales (3) .

    En France, c'est la Bibliothèque nationale, qui reçoit le dépôt légal, qui publie six fois par an le supplément II, Publications officielles à la Bibliographie de la France. Cette bibliographie signale toutes les monographies administratives reçues par dépôt légal, renvoie pour les monographies scientifiques à la partie Livres et pour les premiers numéros de séries au supplément I Publications en série.

    On peut reprocher à cette bibliographie des délais de publication qui sont en moyenne de six mois après la date de dépôt légal, dépôt qui est lui-même souvent tardif et effectué après réclamation.

    On peut lui reprocher également son manque d'exhaustivité, car toutes les publications sont loin d'être déposées. Mais elle n'a pas de concurrent, car les publications qu'elle annonce ne figurent pas dans la partie commerciale de la Bibliographie de la France.

    En fait, bien qu'elle jouisse d'une situation privilégiée du fait du dépôt légal, la Bibliothèque nationale a beaucoup de difficultés pour repérer ce qui est produit par les administrations. Elle ne peut compter, comme pour les publications commerciales, sur le contrôle du dépôt légal de l'éditeur par celui de l'imprimeur. Pour les publications officielles il n'y a souvent qu'un dépôt. Il faut scruter les publications elles-mêmes, éplucher les introductions, vérifier les listes de publications parues données en fin de volume, dépouiller les catalogues de vente ou les annonces parues dans la presse, les listes d'acquisitions de centres de documentation. La collaboration entre bibliothèques administratives est très fructueuse. C'est grâce à une collaboration entre bibliothèques parisiennes que paraît la Bibliographie sélective des publications officielles françaises. Cette bibliographie, qui paraît tous les quinze jours, est rédigée en commun par la Bibliothèque nationale, la Bibliothèque de la Documentation française, l'INSEE, la Fondation nationale des sciences politiques et la Bibliothèque administrative de la ville de Paris. Chaque bibliothèque a ses propres réseaux de relations et d'acquisitions.

    La Bibliothèque nationale peut ainsi vérifier que tout ce qui a été annoncé a bien fait l'objet du dépôt légal.

    La Commission de coordination de la documentation administrative a publié en 1973 le Répertoire des publications périodiques et de série de l'administration française. Ce répertoire est le fruit d'une enquête menée par questionnaires auprès des administrations. Il doit faire l'objet d'une réédition prochaine considérablement augmentée.

    En dehors de ces bibliographies on peut citer la Bibliographie internationale de science administrative.

    Cette bibliographie trimestrielle publiée par le CNRS a des objectifs différents des deux autres, puisqu'elle recense toutes les publications concernant l'administration. Cependant elle les complète en dépouillant le Journal officiel et de nombreuses revues administratives et en signalant de nombreuses monographies parfois peu diffusées.

    A côté des bibliographies proprement dites, les catalogues de vente des administrations sont fort utiles. On peut citer particulièrement ceux de la Documentation française, des Journaux officiels et de l'INSEE parmi beaucoup d'autres.

    Enfin un projet est à l'étude pour repérer, signaler et diffuser sous forme de microfiches les études réalisées sous contrat pour l'administration et les recherches en cours. Ce projet a été élaboré en 1978 sous le nom de RECOURS par le Centre de documentation sciences humaines du CNRS avec la collaboration de la Commission de coordination de la documentation administrative (4) . Des études de financement et faisabilité sont en cours.

    L'accès aux archives

    On ne peut exclure de ce rapport la possibilité pour le public d'avoir accès aux archives des services publics, bien que cette communication, différée dans le temps, réponde davantage aux besoins de la recherche historique qu'à ceux du contrôle de l'administration.

    Quand la Révolution française rassembla dans un dépôt central les archives des administrations de l'Ancien régime, elle en prescrivit le libre accès. Le décret du 7 messidor au II (25 juin 1794) stipule que « tout citoyen pourra demander dans tous les dépôts, aux jours et aux heures qui seront fixés, communication des pièces qu'ils renferment : elle leur sera donnée sans frais et sans déplacement et avec les précautions convenables de surveillance ».

    En fait cette libre consultation avait surtout pour but de permettre aux acquéreurs de biens nationaux de retrouver les titres de propriété des biens qu'ils avaient acquis.

    Pour les archives plus récentes le décret du 14 mai 1887 a introduit la règle des cinquante ans, réaffirmée en 1898. Ces délais ont été assouplis en 1962 par un décret qui autorisait, sauf exceptions, la libre communication des documents antérieurs à 1920. En 1970 le délai était ramené à trente ans puisqu'était autorisée la communication des documents antérieurs au 10 juillet 1940 ; les documents plus récents pouvaient être communiqués sur autorisation spéciale du ministre ayant fait le versement et du ministre des Affaires culturelles. De plus, il était précisé que les documents destinés par nature à être portés à la connaissance du public étaient librement communicables, leur dépôt aux archives ne les soustrayant pas à la communication. Un certain nombre de textes réglementaires sont intervenus pour appliquer les dispositions du décret à chaque ministère, mais ces textes ne présentaient aucune homogénéité, les principes et modalités de communication étant différents d'un texte à l'autre. D'autant plus que les ministères des Affaires étrangères, les départements de la Guerre, de la Marine et de l'Air, le Conseil d'Etat étaient exclus du versement aux Archives nationales et jouissaient de règles propres.

    Tout ceci a été remis en ordre par la loi toute nouvelle du 3 janvier 1979 sur les archives.

    Cette loi prévoit d'une manière générale dans son article 6 que « les documents dont la communication était libre avant leur dépôt aux archives publiques continueront d'être communiqués sans restriction d'aucune sorte à toute personne qui en fera la demande ». Les documents communicables en vertu de la loi du 17 juillet 1978 permettant l'accès du public aux documents administratifs le restent également, pour les autres la règle est le délai de trente ans, à l'exception :

    • - des documents comportant des renseignements individuels de caractère médical, dont le délai est de 150 ans;
    • - des dossiers du personnel, pour lesquels le délai est de 120 ans ;
    • - des documents judiciaires, des minutes de notaires et des registres de l'état-civil, délai de 100 ans;
    • - des documents de base des recensements et des statistiques comportant des renseignements individuels relatifs à la vie privée, délai de 100 ans;
    • - des documents contenant des informations mettant en cause la vie privée, la sûreté de l'Etat ou la défense nationale dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat, délai de 60 ans.

    La gratuité de la communication, qui avait été prévue initialement, n'a pas été retenue, non pour limiter le droit d'accès au document, mais pour tenir compte des procédés modernes de recherche, qui peuvent exiger le recours à l'ordinateur et doivent pouvoir être pris en compte par le chercheur ou du moins par l'institution à laquelle il est rattaché.

    La publicité des assemblées

    Si l'assistance des citoyens aux assemblées ne remplace pas l'accès aux documents de l'Administration, il n'en constitue pas moins un moyen privilégié de connaissance de l'action gouvernementale. En France c'est la Révolution qui a institué ce droit. L'Assemblée nationale de 1789 avait décidé que ses séances seraient publiques ainsi que les procès-verbaux de ses débats. Ceux-ci étaient disponibles sur abonnement dès le surlendemain de la séance, retard qui s'expliquait par les délais d'impression et de correction.

    Aujourd'hui encore l'article 33 de la constitution stipule que les séances des deux assemblées sont publiques et que le compte rendu intégral des débats est publié au Journal officiel.

    De même la loi sur les Conseils généraux et le code des communes stipulent que les séances des Conseils généraux et des Conseils municipaux sont publiques, le compte rendu des débats des Conseils généraux doit être tenu à la disposition de la presse dans les 48 heures qui suivent la séance, celui des Conseils municipaux doit être affiché sous huitaine.

    Les budgets et comptes du département doivent être publiés et pour les communes les procès-verbaux du Conseil municipal, les budgets et comptes de la Commune et les arrêtés municipaux sont à la disposition de tout habitant ou contribuable qui peut en prendre copie ; chacun peut les publier sous sa responsabilité.

    LES MOYENS NOUVEAUX

    Les Centres de renseignements et services d'accueil

    Les moyens traditionnels d'information du public tels que la publication des documents de l'administration, leur consultation dans les bibliothèques et les archives, à mesure qu'ils se développaient, se sont révélés insuffisants. Devant la masse grandissante d'information publiée, sa complexité, sa dispersion, son accès difficile, ses lacunes, le citoyen moyen est de plus en plus démuni. Il lui faut le renseignement précis, à jour, au moment où il en a besoin.

    Des initiatives très nombreuses ont vu le jour dans différentes administrations. Là aussi la commission de coordination a joué un rôle très important en signalant les initiatives intéressantes, un rôle d'incitation, en soulignant dans ses rapports au Premier ministre les lacunes existant encore, en répertoriant les instruments de recherches et les centres de documentation.

    De nombreux ministères ont créé des services d'accueil au public. Plus nombreux encore étaient les centres ou cellules de documentation fonctionnant au service de l'administration. La Commission de coordination a entrepris dès 1973 d'en dresser l'inventaire : près de 1 500 cellules de documentation ont été recensées après enquête et ont été signalées dans un guide paru en 1978. Beaucoup de ces centres étaient exclusivement réservés à l'administration, mais il est cependant fort utile d'en connaître l'existence, ce qui permettra d'utiliser leurs ressources, au besoin par l'intermédiaire d'unités plus importantes.

    Un autre moyen de mettre l'information officielle à la disposition du public est l'édition de guides de l'usager, manuels donnant sous une forme pratique et accessible les renseignements nécessaires à la vie courante en matière de démarches administratives et de formalités à accomplir. Des comités d'usagers constitués par les différents ministères avaient réclamé une meilleure information du public en ce domaine. Un groupe de travail s'est réuni pour faire le répertoire des guides existants et élaborer les règles de rédaction de guides de ce genre. Le Guide de vos droits et de vos démarches que nous avons cité plus haut a été l'aboutissement de ces préoccupations.

    Non contente d'éditer des brochures d'information, l'administration a mis sur pied une gamme de centres de renseignements par téléphone.

    Le plus connu est le Centre interministériel de renseignements administratifs, CIRA, dépendant du Premier ministre. Ce centre situé à Paris reçoit une moyenne de 1 200 à 1 500 appels par jour. Il a des implantations en province à Lyon et à Metz, une autre à Bordeaux est projetée. On pourrait citer également le Centre d'information-documentation-jeunesse, le Centre d'information féminin, et beaucoup d'autres, mais une mention spéciale doit être faite des services de renseignements de la chaîne de radiodiffusion France-Inter dans tous les domaines : météorologie, circulation routière, emplois pour les jeunes etc... (5) .

    L'accès aux banques de données de l'administration

    Dans bien des cas les informations recueillies par l'administration ne sont plus contenues dans des publications, même régulièrement tenues à jour, mais dans des fichiers informatisés permettant une exploitation souple et immédiate.

    Le Parlement s'est préoccupé dès 1975 d'avoir accès aux données contenues dans ces banques. La Commission de coordination de la documentation administrative a été chargée par le Premier ministre d'étudier les modalités de communication de ces données aux parlementaires. En fait parmi ces banques de données un certain nombre, fichiers de personnel, gestion des traitements par exemple, n'ont aucun intérêt en dehors des services gestionnaires et seraient de toutes façons couvertes par le secret, mais d'autres, comme les bases de données politiques et bibliographiques de la Documentation française, les bases de données juridiques du Centre d'informatique juridique CEDIJ, et la base SIC (système informatique pour la conjoncture) de l'Institut national de la statistique et des études économiques, doivent être raccordées par terminal aux deux chambres.

    Certaines des bases informatiques de l'administration sont accessibles au grand public. Il en est ainsi pour celles de la Documentation française (publications de la Documentation française, chronologie de politique intérieure et étrangère de la France, communiqués du Conseil des ministres, discours du Président de la République), celles du réseau de documentation en économie agricole RESEDA, du ministère de l'Agriculture, et les bases de l'IN-SEE consultables par l'intermédiaire des observatoires économiques régionaux. D'autres sont consultables par un public plus restreint.

    L'implantation de ces systèmes sur un ordinateur central à Valbonne ne pourra que faciliter leur accès.

    L'accès aux dossiers de l'administration

    A l'étranger :

    Le degré le plus élevé de l'information gouvernementale consiste à permettre aux citoyens d'avoir accès aux documents détenus ou produits par l'administration.

    C'est aux pays Scandinaves que revient l'honneur d'avoir été les premiers à reconnaître ce droit et il apparaît dès 1766 dans la constitution suédoise. La loi sur la liberté de la presse de 1949 consacre un chapitre entier à la publicité des documents officiels. La Finlande en 1951 a suivi cet exemple, la Norvège et le Danemark plus tardivement en 1970 et d'une façon plus restrictive.

    Les Etats-Unis par plusieurs lois successives, le « Freedom of information Act » PL 90-20 de 1967, PL 93-502 de 1974 et le « Government on the sunshine Act » de 1976 ont organisé l'accès aux documents officiels et la transparence de l'administration.

    D'autres pays ont des législations moins libérales : en Allemagne fédérale par exemple les Länder se bornent à reconnaître le devoir de l'administration de fournir des renseignements à la presse.

    En Suède la communication est la règle, à l'exception des réserves d'usage touchant la sûreté de l'Etat, le respect de la vie privée et la protection des intérêts économiques légitimes de l'Etat. Elle concerne les documents reçus ou établis par l'administration mais ceux-ci ne sont communicables qu'après règlement de l'affaire en question. Ce sont les ministres responsables qui décident de la communication et les litiges sont portés devant la Cour administrative suprême. La communication se fait sans frais, mais il existe une taxe pour la reproduction des documents.

    Aux Etats-Unis les lois précitées ont eu pour objectif à la fois de permettre au public de mieux connaître l'organigramme et le fonctionnement de l'administration, les documents se rapportant aux affaires en cours, de consulter ces documents et même d'assister aux séances de travail des assemblées et d'un certain nombre de commissions et d'organismes fédéraux, ce qui est une formule tout à fait neuve de participation aux travaux de l'exécutif. La consultation se fait à titre onéreux, le prix fixé devant couvrir les frais de recherche. Une procédure d'appel est instituée qui donne priorité aux demandes portées en appel sur les autres. La décision de communiquer devait intervenir rapidement, en fait, devant la multiplicité des demandes et des appels, les délais se sont allongés et le travail de l'administration s'est trouvé sensiblement alourdi.

    En France, la loi du 17 juillet 1978

    Cette loi qui a tout juste un an opère un revirement considérable dans les habitudes mentales de l'administration française puisqu'elle prévoit en son titre I, de la liberté d'accès aux documents administratifs, article 1 :« Le droit des administrés à l'information est précisé et garanti par le présent titre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs de caractère non nominatif», et article 2 : « les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande ».

    Jusqu'alors la tradition administrative reposait sur le secret. L'administration n'était pas tenue de fournir les éléments ayant servi de base à ses décisions, comme l'avait confirmé un arrêt du Conseil d'Etat de 1954. Bien plus, un certain nombre de textes législatifs imposaient le secret, l'article 378 du code pénal punissait les personnes ayant divulgué un secret confié et l'article 72 celles qui contrevenaient au secret de la défense nationale. Le Statut des fonctionnaires, article 10 de l'ordonnance de 1959, reprenant l'article 13 de la loi de 1946, indique : « Indépendamment des règles instituées dans le Code pénal en matière de secret professionnel, tout fonctionnaire est lié par l'obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits et informations dont il a connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

    Tout détournement, toute communication contraire aux règlements de pièces ou documents de service à des tiers sont formellement interdits.

    En dehors des cas expressément prévus par la règlementation en vigueur, le fonctionnaire ne peut être délié de cette obligation de discrétion ou relevé de l'interdiction édictée par l'alinéa précédent qu'avec l'autorisation du ministre dont il relève ».

    Ces dispositions passaient pour favoriser l'indépendance et la liberté des administrations face aux pressions possibles des administrés. En fait depuis plusieurs années, elles étaient de plus en plus critiquées, l'exemple de la Suède et des Etats-Unis étant souvent invoqué pour faire reconnaître enfin dans les textes le droit affirmé dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

    La Commission de coordination de la documentation administrative créée en 1971 par le Premier ministre avait été chargée entre autres tâches d'étudier « les moyens d'assurer la conservation et la consultation des documents qui, sans être couverts par le secret, ne peuvent faire l'objet d'une diffusion ».

    A cette fin elle avait constitué un Comité spécialisé qui, après avoir étudié les textes relatifs au secret dans son rapport de 1973, concluait dans le rapport de 1974 qu'il était nécessaire de mettre en oeuvre une loi posant le principe du droit à la communication et prévoyait tout un ensemble de modalités permettant l'exercice de ce droit.

    Parallèlement aux travaux du Gouvernement plusieurs propositions de loi émanant de groupes de parlementaires de toutes tendances furent déposées sur le bureau des assemblées en 1975, 1976 et 1977.

    Une Commission chargée de favoriser la communication au public des documents administratifs fut créée par décret du 11 février 1977. Elle devait déterminer « les catégories de documents et... les documents qui sont disponibles sur demande », et donnait son avis quand un particulier rencontrait des difficultés pour obtenir un document administratif. Cette Commission connue sous le nom de son président, M. Ordonneau, conseiller d'Etat, rendait compte dans son rapport de l'impossibilité qui lui était apparue de dresser la liste des documents communicables. Elle s'attacha surtout à répertorier ceux qui ne l'étaient pas. Au cours de ses travaux, elle avait pu mesurer à quelles réticences de l'administration se heurtait la communication des documents administratifs.

    Quand l'Assemblée nationale fut saisie à la fin de l'année 1977 d'un projet de loi du gouvernement prévoyant une quinzaine de mesures tendant à améliorer les relations entre l'administration et le public, sa commission des lois, reprenant les diverses propositions parlementaires antérieures, ajouta au projet gouvernemental un titre premier relatif à l'accès des citoyens aux documents administratifs. Le gouvernement ne pouvait s'opposer à cette initiative qui ne faisait que reprendre les principes avancés par la CCDA. Après plusieurs navettes qui ont amélioré le texte, la loi était votée le 1er juillet et promulguée le 18 juillet 1978.

    La loi prévoit un droit à l'information étendu :

    • - les administrés ont « la liberté d'accès aux documents administratifs de caractère non nominatif ».

    Le texte initial de l'Assemblée nationale prévoyait que ce droit appartenait aux citoyens. Le Sénat a désiré l'étendre aux « étrangers qui sont plus de 3 millions en France [et] sont peut-être plus fréquemment encore que les Français assujettis à l'administration (délivrance de carte de séjour, de travail, etc...) et doivent donc pouvoir accéder à l'information pour connaître leurs droits et leurs obligations », et aux personnes morales, associations et sociétés.

    En outre « toute personne a le droit de connaître les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont apposées (article 3). Sur sa demande, ses observations à l'égard des dites conclusions sont obligatoirement consignées en annexe au document concerné ».

    Ces dispositions entraînent un véritable droit de réponse en faveur de l'administré.

    Quels sont les documents communicables?

    Ce sont : « tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, avis, à l'exception des avis du Conseil d'Etat ou des tribunaux administratifs, prévisions et décisions revêtant la forme d'écrits, d'enregistrements sonores ou visuels, de traitements automatisés, d'informations non nominatives » (article 1) « ... qu'ils émanent des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d'un service public » (article 2).

    L'accès au document peut se faire par consultation gratuite sur place sauf si la préservation du document ne le permet pas ou n'en permet pas la reproduction et également par délivrance de copie en un seul exemplaire aux frais du demandeur et sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation (article 4).

    La loi énumère ensuite les documents qui ne sont pas communicables.

    Outre les documents à caractère nominatif il s'agit de ceux dont la communication pourrait porter atteinte :

    • - « au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables du pouvoir exécutif;
    • - au secret de la défense nationale, de la politique extérieure ;
    • - à la monnaie et au crédit public, à la sûreté de l'Etat et à la sécurité publique;
    • - au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente;
    • - au secret de la vie privée, des dossiers personnels et médicaux ;
    • - au secret en matière commerciale et industrielle ;
    • - à la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières ;
    • - ou de façon générale, aux secrets protégés par la loi » (article 6).

    Des listes de documents non communicables seront fixées par arrêtés ministériels.

    Une Commission d'accès aux documents administratifs devra veiller à l'application de la loi et donne des avis en cas de difficultés. Elle devra faire un rapport annuel rendu public (article 5).

    Une procédure contentieuse est instituée en cas de refus de communiquer de la part de l'administration (article 7).

    Comme on ne peut demander que ce dont on connaît l'existence, la loi prévoit enfin que certains documents devront être publiés et d'autres seulement signalés (article 9).

    Doivent être publiés régulièrement :

    • « Les directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description de procédures administratives ».

    Les autres documents administratifs doivent seulement être signalés régulièrement.

    Bien que cette loi soit d'ores et déjà applicable, il reste qu'elle ouvre à la porte à de nombreuses difficultés.

    Difficultés d'interprétation et difficultés d'ordre pratique. Il sera sans doute nécessaire que les décrets d'application soient élaborés et qu'une jurisprudence émanant de la Commission chargée de l'accès aux documents administratifs en permette une application uniforme et cohérente dans toutes les administrations.

    L'Association pour l'amélioration des rapports entre l'administration et le public à laquelle participent de nombreux hauts fonctionnaires et des représentants d'associations d'usagers posait dans une journée d'étude le 4 mai dernier les questions suivantes :

    • - Que communiquer?
    • Les dossiers en particulier sont-ils communicables avant que la décision soit prise ? Il semble que non malgré les désirs des usagers de pouvoir intervenir le cas échéant avant la prise de décision.
    • - A qui communiquer ?
    • Les services risquent d'être submergés de demandes. Les clientèles sont nombreuses : particuliers, usagers, chercheurs, associations. Il semblait préférable de donner la priorité aux usagers sur les chercheurs et aux associations sur les particuliers.
    • - Comment communiquer ?
    • Dans la grande majorité des cas les administrations ne disposent ni du personnel, ni des moyens en locaux et matériel pour faciliter la communication. Il faudra déterminer qui, au sein de chaque administration, devra donner les autorisations nécessaires, et prévoir les moyens pour que cette communication ne s'exerce pas au détriment de la bonne marche des services, en particulier prévoir les locaux où la communication pourrait s'exercer.

    Dans le même temps un projet de décret en cours d'élaboration prévoit les modalités de la signalisation des documents officiels prévue à l'article 9 de la loi. Il sera nécessaire que chaque ministère et chaque département ait un bulletin mensuel où ces documents pourraient être signalés. Les Communes pourraient soit les faire figurer dans les registres des arrêtés du maire, soit les publier dans leur bulletin officiel.

    Comme on le voit, il reste beaucoup à faire, mais désormais le droit de tout administré à consulter les documents de l'administration est inscrit dans la loi.

    Conclusion

    En droit et même en fait l'accès du public à l'information gouvernementale a progressé considérablement au cours de ces dernières années. Ces progrès sont sensibles à la fois en ce qui concerne les ayants droit et les sources d'information.

    En effet si le droit à l'information a d'abord été reconnu aux citoyens d'une nation, il tend à s'étendre dans les lois les plus récentes aux administrés et même à toute personne qui en fait la demande.

    De même ce droit ne s'exerce plus uniquement par le moyen des publications de l'administration, mais par celui de l'accès direct aux documents que l'administration a utilisés pour sa décision et même dans certains cas par l'assistance à ses séances de travail.

    Cependant si l'accord est général sur le bien-fondé de l'information du public, il reste que l'accès à l'information officielle se heurte à des obstacles d'ordre à la fois juridique et pratique.

    Sur le plan juridique le respect de la vie privée est partout reconnu comme étant une obligation absolue ayant priorité sur le droit à l'information.

    Sur le plan pratique, le droit de communication aux citoyens entraîne une charge supplémentaire assez considérable pour l'administration. Il ne faudrait pas que son activité normale soit entravée ou ralentie par les recherches faites pour l'information du public.

    Par ailleurs, étant donné les moyens sophistiqués dont l'administration dispose, la gratuité n'est plus la règle. Il est partout admis que le demandeur doit supporter les frais de la recherche, frais quelquefois onéreux quand il s'agit d'heures d'ordinateur. Cela demeure dissuasif dans une certaine mesure. Faut-il regretter ces limitations ou s'en réjouir ? Il serait tout de même dommage que la sélection s'opère par l'argent.

    Bibliographie FRANCE. - Commission chargée de favoriser la communication au public des documents administratifs. - Rapport au Premier ministre : premier rapport, janvier 1978. - Paris : la Documentation française, 1978. - ISBN 2-11-00181 Br. FRANCE. - Commission de coordination de la documentation administrative. - Administration et documentation : [1er] rapport au Premier ministre... - Paris : la Documentation française. 1978.- La Coordination documentaire, l'accès du public aux documents administratifs : 2e rapport... - Paris : la Documentation française, 1974. - Pour une documentation plus ouverte : 3e rapport... - Paris : la Documentation française, 1977. ISBN 2-11-00068-6. DAMPIERRE (J. de). - Les Publications officielles des pouvoirs publics : étude critique et administrative. - Paris : A. Picard, 1942. DIBOUT (P.). - La liberté d'accès aux documents administratifs : commentaire du titre premier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 in la Revue administrative n° 187, janvier/février 1979, p. 23-39. La loi sur les archives du 3 janvier 1979 : Requiem pour trois lois défuntes /Michel Duchein ; Comment fut élaborée et votée la loi sur les archives du 3 janvier 1979 Ariane Ducrot in la Gazette des archives, 1er trim. 1979, nouvelle série n° 104, pp. 12-33.

    1. Collection des comptes rendus, pièces authentiques, états et tableaux concernant les finances de France depuis 1758 jusqu'en 1787. -Lausanne ; Paris : diffusion Cuchet ; Gattey, 1788 - p. V. retour au texte

    2. CHERNS (J.). - Government publishing : an overview. IFLA 44. Congress 1978 - 16/ OP/1 E. retour au texte

    3. NTERNATIONAL CONGRESS ON NATIONAL BIBLIOGRAPHIES, 1977, Paris. - Survey on the présent state of bibliographie recording in freely available printed forrn of government publications and those of intergovernmental organizations by Françoise Sinnassamy. - Paris : Unesco, 1977 -Conf. 401 /Col. I - PGI/77/Ref. 4. retour au texte

    4. CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE. - Paris - Centre de documentation sciences humaines. -Connaître la recherche sous contrat/ avec la collaboration de la commission de coordination de la documentation administrative par Roger Brunet et Régine Grzeczkowicz ; compte rendu... d'une recherche financée par la Délégation générale à la recherche scientifique et technique. - Paris : Centre de documentation sciences humaines, 1978 -353 p. retour au texte

    5. FRANCE. Commission de coordination de la documentation administrative. - S'informer et se documenter auprès de l'administration : compte rendu de la journée du 24 janvier 1978. - Paris : la Documentation française, 1978. ISBN 2-11-000227-1 pp. 61-67. retour au texte