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La formation du personnel des bibliothèques et les conclusions du "Groupe de Travail "

1971

    La formation du personnel des bibliothèques et les conclusions du "Groupe de Travail "

    Par Jacques Letheve

    Nul ne songerait à dire que la formation du personnel des bibliothèques soit, en France, entièrement satisfaisante. Malgré le dévouement de nombreux collègues, la préparation aux concours est très inégalement assurée en province et même à Paris. Aucune liaison n'existe entre le concours de sous-bibliothécaires et le C.A.F.B. Enfin, si la création en 1964 de l'Ecole Nationale Supérieure de Bibliothécaires a représenté un atout décisif pour la formation du personnel scientifique, ses créateurs savaient bien, en acceptant, faute de mieux, une scolarité réduite à un an, qu'ils s'engageaient ainsi sur une voie trop étroite.

    C'est pourquoi on a pu saluer comme une promesse riche d'espoirs la création, il y a un an, d'un « groupe de travail » chargé officiellement d'étudier le problème dans son ensemble et de proposer des solutions. Convoqué à l'initiative du Directeur des Bibliothèques et du Cabinet du Secrétariat d'Etat à l'Education nationale, et responsable devant le Comité technique paritaire, ce « groupe de travail » a réuni 12 personnes choisies parmi les représentants de l'Administration, de l'E.N.S.B., des organisations syndicales et des associations professionnelles, dont naturellement l'A.B.F.

    Aujourd'hui que ce groupe a été jusqu'au bout de la mission qui lui avait été assignée et qu'il a remis ses conclusions au Directeur des Bibliothèques de France, il reste à souhaiter que les espoirs n'aient pas été éveillés en vain et que les projets proposés - même s'ils doivent être amendés sur certains points - entrent sans trop tarder dans la phase de réalisation.

    Puisque l'occasion lui en était fournie, le « groupe de travail » a voulu considérer sous tous ses aspects la formation du personnel. C'est pourquoi son examen a inclus le personnel de service aussi bien que les différents corps intermédiaires.

    L'exemple de certaines bibliothèques provinciales et l'analyse objective du rôle des magasiniers, font souhaiter que le niveau de ces derniers puisse être celui du B.E.P.C. Dès maintenant, on demande qu'à leur entrée en fonctions, les gardiens bénéficient d'une formation en deux temps. A une visite d'ensemble suivie d'un stage dans les différents services de la bibliothèque, succéderaient, après trois mois, des compléments de formation générale et professionnelle assurant la préparation au concours de magasinier.

    Le personnel ouvrier a fait, lui aussi, l'objet d'une étude détaillée, tant pour les relieurs que pour les ouvriers des diverses spécialités (conducteurs d'automobile, ouvriers des ateliers de mécanographie, de duplication, de photographie, agents participant à la réalisation d'expositions, personnel de sécurité, etc...). Quant aux restaurateurs spécialistes dont la tâche est essentielle pour la conservation des collections précieuses, leur formation - en liaison avec tous les organismes utilisant des techniques de pointe dans ce domaine - devrait s'organiser autour des ateliers-pilotes de la Bibliothèque nationale. Elle permettrait de pourvoir les grandes bibliothèques qui sont démunies de spécialistes qualifiés.

    Le « groupe de travail » a tout particulièrement étudié le personnel technique et celui que beaucoup de pays étrangers appellent le personnel moyen, deux catégories actuellement confondues chez nous. Depuis 1967, à la suite des travaux du groupe d'études ministériel de la lecture publique, la création d'un corps de techniciens supérieurs a été prévue, corps désigné comme « bibliothécaires de lecture publique ». Conformément à des voeux déjà exprimés, la création de cette catégorie, non encore en place, doit être étendue à tous les types de bibliothèques. Elle porterait le nom de bibliothécaires, désignation devenue libre en quelque sorte, depuis que tous les membres du personnel scientifique sont nommés conservateurs. Pour la formation de ce personnel, le « groupe de travail » a préconisé une organisation que certains pourront trouver complexe, mais dont l'adoption apporterait à la fois de la clarté dans le système actuel et des possibilités plus vastes aux intéressés.

    Cette formation doit se faire à deux stades définis par un Diplôme d'Assistant Bibliothécaire (D.A.B.) et par le Diplôme de Bibliothécaire (D.B.). Le D.A.B. remplace le C.A.F.B. actuel et sa préparation, nouveauté appréciable, est jumelée avec celle du concours de recrutement de sousbibliothécaires. Destiné, en principe, à des bacheliers, cet enseignement, largement décentralisé en province, et d'une durée de 6 mois, serait pris en charge par l'Etat pour ceux qui se destinent à la fonction publique. Les « élèves sous-bibliothécaires » aboutissent normalement au concours qui leur assure un poste, et tous ceux qui obtiennent la moyenne à ce concours, reçoivent ipso facto le D.A.B. Le même titre est naturellement accordé à ceux qui réussissent aux épreuves de ce diplôme, après avoir subi la préparation librement, afin d'exercer dans les secteurs semi-public ou privé (1) .

    Le degré suivant conduisant au Diplôme de Bibliothécaire est destiné à des étudiants ayant effectué deux années d'enseignement supérieur et possédant les titres qui les sanctionnent (DUEL, DUES, DUT). Il peut être abordé également par des sous-bibliothécaires, ou des titulaires du D.A.B., ayant cinq ans de service.

    La préparation de ce diplôme s'étend sur une année scolaire divisée en deux parties : la première autour d'un enseignement général de 150 h de cours et d'un stage de six semaines, la deuxième comportant un enseignement spécialisé en trois options : bibliothèques d'études et de recherches, bibliothèques publiques, bibliothèques d'enfants ou d'établissements d'enseignement. Là encore une large décentralisation de la formation est souhaitée. Des centres régionaux, dont certains fonctionnent déjà non sans problèmes, devraient être progressivement créés, de manière à faciliter la formation en province de toutes les catégories, à l'exception du cadre scientifique. C'est un point sur lequel le « groupe de travail » a tenu à mettre l'accent.

    L'accent n'a pas été moins porté, on s'en doute, sur la réforme de la formation du personnel scientifique. Elle est liée à la transformation de l'Ecole - devenue Ecole Nationale Supérieure des Bibliothèques et non plus des Bibliothécaires - établissement supérieur mais coordonnant la formation à tous les niveaux et disposant de locaux suffisants pour assurer sa mission.

    Un des traits originaux du projet réside dans l'accès de l'Ecole au statut d'établissement culturel à caractère scientifique, conformément à la définition donnée par la loi d'orientation de l'enseignement supérieur. Ce statut entraîne une structure toute nouvelle, comportant une association directe du personnel à la gestion. Deux Conseils ont en main les destinées de l'établissement : un Conseil d'administration et un Conseil scientifique.

    Le Conseil d'administration comprend 29 membres : 9 membres du corps enseignant, 2 du personnel administratif et de service, 9 élèves, 9 personnalités extérieures. Il élit l'Administrateur de l'Ecole, établit le règlement intérieur, vote le budget et modifie éventuellement le statut de l'établissement.

    Le Conseil scientifique ne comprend que les représentants des enseignants et les personnalités. C'est lui qui propose l'organisation des programmes et des méthodes, et les modalités des examens. C'est lui aussi qui désigne les enseignants.

    Le corps enseignant se compose de professeurs titulaires et de professeurs adjoints à plein temps, mais aussi de professeurs associés pris parmi des personnalités de l'Université ou d'autres milieux s'intéressant aux bibliothèques, de chargés de cours, de conférences, de travaux pratiques. C'est parmi les conservateurs ayant, au minimum, dix ans de services effectifs, qu'on recrute les professeurs titulaires qui bénéficient d'un statut particulier. Quant aux professeurs adjoints, ils doivent avoir accompli au moins deux ans de services comme conservateurs, et sont détachés de leur corps d'origine.

    Plus que la nouvelle organisation de l'ENSB, on discutera sans doute davantage les modalités de recrutement des élèves et la structure d'un enseignement d'où découle la valeur du futur corps scientifique. Pour différentes raisons, le « groupe de travail » a retenu un recrutement au niveau de la licence (qui peut être remplacée par des titres équivalents ou supérieurs, donnant droit, dans ce dernier cas, à une bonification de points).

    Le concours de recrutement se fait, comme aujourd'hui, en deux temps, mais une nouvelle particularité est de prévoir des épreuves d'admissibilité en partie orales (réponse à un questionnaire, tests, entretien avec le jury), l'ensemble étant destiné à déceler ceux qui ont la vocation et à décourager les autres. Quant aux épreuves d'admission, elles doivent comprendre une analyse de texte (sciences humaines, sciences exactes ou sciences appliquées), un commentaire de texte de portée générale (ce qui est une nouveauté) et le résumé d'un texte en langue étrangère ou en langue ancienne.

    La scolarité prévue doit naturellement s'étaler sur deux ans, souhait formulé depuis la création de l'Ecole. La première année comporte un enseignement diversifié dans le domaine des bibliothèques, accompagné de stages de formation générale. Cette première année doit être sanctionnée par un titre universitaire nouveau en France, mais déjà reconnu dans divers pays étrangers : une maîtrise en bibliothéconomie.

    La deuxième année se caractérise par un enseignement spécialisé et une initiation à la recherche. Elle doit aboutir, après la rédaction d'un mémoire, à un diplôme d'études approfondies. Naturellement, les élèves bibliothécaires continuent à posséder la qualité de fonctionnaires stagiaires, à l'exception des élèves associés qui ne souscrivent pas d'engagement décennal.

    Tel est, dans ses grandes lignes, le projet auquel l'ABF a été conviée à s'associer. Il est certain que d'autres options auraient pu être prises sur un point ou sur un autre. On voudra bien pourtant reconnaître à ce projet le mérite de constituer un ensemble qui réclame à tous les niveaux des qualifications élevées, mais propose, en partant de la situation actuelle, des transformations raisonnables.

    Du moins aimerait-on que ce point de vue soit partagé par les autorités dont dépendent maintenant son examen et son application.

    1. Il va de soi que pour le concours de recrutement des sous-bibliothécaires, comme pour celui de toutes les autres catégories de fonctionnaires des bibliothèques, l'accès par la promotion sociale reste possible comme il l'était auparavant et devrait même être facilité. retour au texte