Description : Situation paradoxale que celle de la musique en bibliothèque ; qui n’est peut-être, aujourd’hui, que le corollaire de son succès dans le monde : puissant adjuvant de la consommation, elle y est indispensable, omniprésente et populaire ; comme art, elle semble encore souvent secrète, sibylline, voire ésotérique. Les pratiques qu’elle suscite ne se recouvrent pas : écouter, déchiffrer, jouer, étudier sont autant de postures différentes, visant des objets différents, avec des outils différents. À l’intime unité de la plume et du livre, plus fondue encore dans leur version
informatique qui autorise la lecture et l’écriture sur un écran unique, répond
l’extrême prolifération des supports, des inscriptions, des modes de production
et de réception de la musique, encore accrue par l’économie de marché qui s’est
emparée d’elle comme d’une sirène qu’elle vampirise à son tour. Il n’est donc pas
étonnant que la musique soit au coeur des grands débats qui nous préoccupent,
de la bataille des droits d’auteur à la bibliothèque virtuelle, de la fréquentation
des établissements au rôle et au statut du bibliothécaire. Mieux encore, non
soumise au règne de l'écrit, elle sait franchir la censure de l’illettrisme : ce qui en
elle ne se réduit pas au langage, déplace les marqueurs de légitimité culturelle,
brouille les frontières du savant et du populaire. Comment dans ces conditions,
ne troublerait-elle pas les certitudes de la bibliothéconomie ? Pourtant, que n’apprendrait-
on pas si l’on se mettait, enfin, à l’écoute de ce qu’elle ne nous dit pas
– mais qu’elle nous chante, sur tous les tons ?