Jean-Louis Soubret

Jean-Louis Soubret s’intéresse depuis plus de vingt ans à l’édition numérique, plus particulièrement dans le domaine des sciences humaines et sociales. Formateur, enseignant, consultant, il aborde ces questions en s’appuyant sur le design thinking, méthode de gestion de l’innovation. 

Biennale du numérique des 18 et 19 novembre 2019, parole aux intervenants : rencontre avec Jean-Louis Soubret

Nous avons rencontré Jean-Louis Soubret, éditeur indépendant, enseignant et consultant en édition numérique, qui assurera la conférence de clôture de la Biennale du numérique le 19 novembre 2019 à l’Enssib.

 

1/ Vous intervenez lors de la prochaine Biennale du numérique que l’Enssib organise. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? Quels projets conduisez-vous actuellement ?
Je travaille depuis une vingtaine d’années dans le secteur de l’édition en sciences humaines et sociales. J’ai commencé au sein du groupe Hachette, auprès des éditions Masson, Dunod puis Armand Colin, maison pour laquelle j’ai créé le site des revues scientifiques en sciences humaines et sociales. J’ai ensuite monté ma propre structure, les éditions Necplus, en partenariat avec les Presses universitaires de Cambridge. Parallèlement, j’enseigne dans le domaine de l’édition numérique dans plusieurs universités. A ce titre, j’ai participé cette année au comité de perfectionnement du master Publication numérique de l’Enssib. J’interviens également comme consultant et formateur au sein de Schoolab auprès de grandes entreprises de différents secteurs. J’y anime des formations et des ateliers en innovation par la méthode du design thinking. Enfin, après avoir revendu l’activité de Necplus aux PUF fin 2017, je me suis lancé dans un doctorat portant sur l’innovation dans l’édition par le design thinking. Je tente de démontrer que le livre papier a sa place dans l’édition numérique parmi d’autres artefacts, m’intéressant tout particulièrement à la transmédialité. Je suis inscrit au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), avec pour directrice de thèse Ghislaine Chartron, professeur au CNAM et directrice de l'INTD, et comme co-directeur Angus Philipps, directeur du centre d’édition d’Oxford Brookes University. Mon travail de recherche présente une dimension internationale, s’intéressant à la France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.


2/ Compte tenu de votre parcours et de vos activités professionnelles, quel intérêt présente un événement tel que la Biennale du numérique ?
Tout d’abord, je trouve passionnant qu’un tel événement se tienne à l’Enssib. On parle beaucoup du remplacement, par le numérique, du livre et des médiateurs, que sont notamment les éditeurs ou les bibliothécaires. On note beaucoup d’articles où les bibliothèques deviendraient des lieux de vie, de co-working, les bibliothécaires se transformant en animateurs de ces lieux. La question de la place du livre papier est donc essentielle pour les professionnels. Ces derniers doivent s’interroger sur les rapports qu’ils entretiennent avec le numérique. En réunissant des libraires, des éditeurs, des bibliothécaires, l’Enssib est un lieu fécond pour se poser cette question. Tous ces professionnels doivent effectivement questionner leurs missions, notamment celle de la médiation, qui est fondamentale.

 

3/ Le thème de cette 5ème édition de la Biennale du numérique porte sur la convergence du secteur du livre vers le web. Comment abordez-vous cette question de la convergence ?
Je travaille sur un secteur particulier de l’édition qui est l’édition de connaissances, qui se situe entre la recherche et l’enseignement. J’interroge la transmédialité, montrant que le livre papier a sa place dans l’environnement numérique par les caractéristiques qui lui sont propres. Cela se vérifie notamment pour les livres en sciences humaines et sociales, avec une préférence des lecteurs pour l'imprimé. Donc d’un point de vue personnel comme dans mes travaux, je ne vois pas de convergence au sens « direction » qui voudrait que le livre papier soit remplacé par le numérique. L’histoire des médias a montré maintes fois qu’il n’y a pas remplacement mais ajout, enrichissement des supports, des techniques. Pour moi, la convergence renvoie davantage à la notion de transmédialité, de circulation entre les médias.


4/ À travers les travaux que vous menez, quels sont les grands enjeux de cette convergence pour le secteur du livre ?
Le papier a sa place à trouver dans l’édition numérique, et c’est là un enjeu capital. Sachant que les complémentarités et les relations entre le numérique et le papier sont très différentes d’un champ à l’autre. Je me réfère à la théorie des champs, que j’emprunte à John B. Thompson (2012. Merchants of Culture. Plume. New York, US). Les publications correspondent à plusieurs champs, pour lesquels le rapport au numérique est différent : si l’on prend l’exemple du champ de l’encyclopédie, le numérique a très largement remplacé le papier, ce qui n’est pas le cas du champ de la bande dessinée. Une complémentarité entre le papier et le numérique est à trouver pour chacun des champs.


5/ Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Oui, j’aimerais revenir sur la question de l’innovation, qui est essentielle pour moi. L’innovation peut s’entendre dans deux sens : une « création destructrice » Schumpeterienne par le digital, le livre numérique naissant sur les cendres du livre papier ; une innovation incrémentale par laquelle le digital hybride le livre et vice versa et les deux s'augmentent réciproquement et génèrent de la valeur sociale, le fait économique étant englobé dans l’idée de valeur sociale. On oublie parfois la notion de valeur quand on parle d’innovation.
 

Propos recueillis par Emmanuel Brandl et Véronique Branchut-Gendron le 25 septembre 2019