David Edgerton

Historien spécialisé en science et technologie et histoire du XXe siècle du Royaume-Uni, David Edgerton a été invité par l’Enssib à donner une conférence sur l’importance de l’imitation dans le développement des nouvelles technologies.

David Edgerton, professeur invité à l'Enssib

Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ? Quels sont vos sujets de recherche ?
Je suis historien, spécialisé à la fois en science et technologie et en histoire du XXe siècle du Royaume-Uni. Mes sujets de recherche sont l’histoire de l’aviation, de la recherche industrielle, du complexe militaro-industriel et du militarisme moderne, ainsi que l’histoire globale de la technologie.

 

Vous avez été invité par Éric Guichard, professeur à l’Enssib en Master Sciences de l’Information et des Bibliothèques, à donner une conférence sur l’importance de l’imitation dans le développement des nouvelles technologies. Pouvez-vous expliquer cette idée et ses conséquences dans notre vie quotidienne ?
Mon point de vue est très simple, mais avec des implications profondes sur notre manière de penser cette entité mystérieuse appelée « technologie ». La plupart des choses que nous utilisons dans nos vies quotidiennes, ce ne sont pas des nouveautés, ce sont plutôt des copies de nouveautés. Pour moi, pour la plupart de gens, des entreprises et des gouvernements, l’adoption d’une nouveauté est généralement un acte d’imitation. Je n’ai pas un Iphone spécialement conçu pour moi, mais je suis l’un des millions d’usagers avec un Iphone identique aux autres. D’ailleurs, mon iPhone est essentiellement une imitation du modèle précédent avec des petites modifications. Votre Samsung est aussi une copie améliorée d’autres smartphones. Nous sommes entourés par des imitations, partout. En revanche, lorsque nous pensons à l’imitation technologique, nous l’associons négativement aux pays pauvres. C’est une grossière erreur, car nous vivons à l’âge d’or de l’imitation.

 

Du fait de votre sujet de recherche en histoire de la technologie, quelle est à votre avis la place de l’innovation ?
L'innovation technique est incomprise en tant que telle. Elle n’a d’impact que via la copie, l’imitation, la diffusion. De même, la plupart des innovations échouent, et les inventions encore plus. Réussir à écrire une histoire de l’invention et de l’innovation est une tâche difficile, car elle serait à la fois une histoire des choses oubliées et une archive de l’échec. C’est vrai que certaines innovations ont transformé le monde à travers l’imitation, positivement et négativement.

 

Dans l’un de vos articles, vous avez défini le Brexit comme « un bazar de nostalgies irréconciliables ». Que voulez-vous dire ?
Les raisons qui ont conduit au Brexit et celles pour lesquelles les citoyens ont voté pour nous ramènent au passé. D’une part, les intellectuels associés au Brexit sont nostalgiques d’une période antérieure à 1914, lorsque le Royaume-Uni était le seul champion du libre commerce, exportant du capital et des biens vers le monde entier, dont il importait de la nourriture. D’autre part, les votants en faveur du Brexit, dont la majorité a plus de 65 ans, sont ancrés dans le Royaume-Uni des années 70, très différent de celui d’aujourd’hui. Ce Royaume-Uni était auto-suffisant dans tous les domaines : c’était le Royaume-Uni où l’État était assez puissant pour promouvoir l’industrie, l’agriculture et la nation britannique. Or ce nationalisme économique est incompatible avec le libéralisme économique radical des intellectuels du Brexit.

 

D’après vous, quels impacts aura le Brexit sur les universités et les communautés académiques ?
Les effets du Brexit seront fonction de la forme qu’il prendra. Et quelles que ce soient les modifications, elles ne seront pas immédiates. En revanche, ce que l’on sait, c’est que les universités britanniques ont été de grands bénéficiaires des programmes de mobilité des universitaires et des financements européens.

 

Est-ce votre première visite à Lyon ? Quelle votre partie préférée de la ville et pourquoi ?
Non, je suis venu Il y a 10 ans environ. Néanmoins, les deux visites ont été si brèves que je ne peux pas dire que je connaisse bien la ville. J’ai bien aimé ma visite au Musée des Confluences. Je crois que créer un cabinet moderne de curiosités est une idée magnifique, car cela nous aide à mieux comprendre à la fois le monde moderne et celui du futur.