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    Entre passion et rage

    Blois, la coopération BM-BU

    Par Thierry Ermakoff, Directeur de la bibliothèquemunicipale

    En 1990, la municipalité élue souhaitait requalifier la place haute de la ville place Jean-Jaurès, utilisée par des préfabriqués maraîchers et un parking rendu provisoirement sauvage. Sur cette place, structurée autour de la Halle aux grains, devenue avec l'âge et les circonstances Scène nationale (conçue par l'architecte Jules de la Morandière, sauvée de la démolition en 1981 par le premier acte de classement de Jack Lang), ont donc été construites l'antenne universitaire (1er cycle), délocalisation de l'université de Tours, et la bibliothèque. Tout ceci a bien entendu été pensé et la programmation de la bibliothèque municipale a, dès son origine, prévu une intégration possible de la bibliothèque universitaire. Pour deux raisons : l'antenne universitaire construite à cinquante mètres de la bibliothèque ne prévoyait que des salles de documentation et la politique documentaire et économique bien comprise rendait évidente cette complémentarité.

    Pour André Miquel

    Pour justifier ce choix, nous nous sommes largement inspirés du rapport Miquel : en particulier, en ce qui concernait les mètres carrés ' dévolus aux étudiants. L'agence de programmation (ABCD, pour ne pas la nommer) a pu se procurer le document préparatoire au rapport Bisbrouck-Renoult (construire une bibliothèque universitaire), afin de finaliser des propositions précises et actuelles de surfaces, répartitions, circulations.

    C'est en avril 1992 que la décision définitive de construire une bibliothèque universitaire au sein de la bibliothèque municipale a été prise par le maire de Blois, alors ministre de l'Éducation nationale et de la Culture. Le ministère de l'Éducation a donc pris sa part au financement : 12 MF, ce qui, somme toute, pour 1 500 m2environ, reste tout à fait raisonnable. A pris sa part en renâclant un peu, en ergotant sur une participation de 12 MF TTC (et non HT, ce qui a conduit la ville à compenser cette impasse d'environ 2 MF).

    Les programmes d'ABCD (validés par la ville) et de l'université de Tours, un miracle, coïncidaient : miracle ?

    Non, l'un et l'autre avaient pris soin de travailler sur des documents à jour. La ville ayant souhaité, à l'inverse de l'exemple bon enfant valentinois, contractualiser tout ce qui pouvait l'être, il s'en est suivi une cascade de conventions, pour lesquelles il fallait garder l'objectif : l'intégration d'une section pluridisciplinaire du SCD de Tours dans une bibliothèque municipale pour le meilleur usage des étudiants et des Blésois.

    La BU de Blois est donc une section pluridisciplinaire, construite avec des fonds d'État et gérée par du personnel d'État ; physiquement, c'est un plateau situé au 2e étage de l'établissement conjoint.

    Concernant la construction, les relations avec l'université se sont plutôt bien passées, alors que les relations avec la direction de l'équipement du rectorat ont été désastreuses. L'ingénieur chargé du dossier exhibait des normes vieilles de 130 ans, et il y a eu un fossé, un gouffre, un abîme de compréhension entre nous. Nous avons dû faire entrer des normes indicatives de 1992 dans un cadre largement dépassé.

    Concernant l'aménagement du plateau, les relations avec l'université ont été d'autant plus cordiales que la ville finançait pour un tiers.

    Un mariage de raison ou un mariage d'amour ?

    Concernant l'utilisation générale, il y a eu deux époques distinctes. Avant 1993, l'intégration était vécue par beaucoup d'universitaires comme une contrainte ou un cadeau fait à la ville. Après 1993-1994, le discours officiel a très nettement changé, au profit d'une intégration bien admise, la convention de gestion qui nous lie étant plus comprise comme règle contractuelle obligatoire. Cette vision amplifiée, dynamique, de la situation, s'est ensuite démultipliée en 1998 avec l'arrivée d'un conservateur à la tête de la BU blésoise.

    Il n'empêche qu'il reste des séquelles fantasmatiques que nous continuons à tramer.

    • 1. L'informatisation n'est pas commune.
    • 2. Les heures d'ouverture BM-BU ne sont pas au mieux de leur cohérence. Néanmoins, sur ce point, la balle est dans notre camp et nos petites 33 heures hebdomadaires ne pèsent pas lourd face aux 54 heures de la BU.
    • 3. Les lecteurs ne voient pas cette bibliothèque comme unique ou plutôt ne la comprennent pas. L'entrée est unique, l'accueil est unique, et pourtant, outre les heures différentes, qui peuvent s'expliquer, ils paient différemment selon qu'ils vont à la BM ou à la BU ; les systèmes de prêt et de recherche, sont différents. Sur ce point, les intégrosceptiques ont gagné : à force de monter d'invisibles mais efficaces parois, le cloisonnement des publics peut se faire.

    Mais les intégrosceptiques vont perdre, sur le long terme, parce que les lecteurs sont des petits malins, que les conditions d'un fonctionnement collectif existent, nous l'avons voulu ainsi, et que le désir ardent de travailler et de penser ensemble, qui est sans doute le meilleur carburant pour notre petite machine, nous anime nuit et jour...

    Notre avenir conjoint

    Trois grandes orientations sont aujourd'hui tracées, pour les années à venir.

    L'enseignement supérieur au-jourd'hui est éclaté : sur la place Jean-Jaurès, sur l'ancienne usine Poulain (près de la gare) avec l'École nationale du paysage et l'École d'ingénieurs du Val-de-Loire. Cet éclatement entraîne des conséquences documentaires qu'il nous faut anticiper :

    • au titre de l'antenne universitaire, la BU de Blois restera une section pluridisciplinaire du SCD de Tours ;
    • au titre des enseignements supérieurs dispensés en ville, elle doit devenir une bibliothèque de référence, indépendamment des bibliothèques de proximité indispensables dans les écoles éloignées ;
    • au titre de tous les enseignements post-bac (BTS, prépa...) elle doit être la bibliothèque d'études de la BM.

    Cette triple redéfinition entraînera donc, de fait, une harmonisation des coûts d'inscription, une harmonisation bibliographique, une harmonisation des heures d'ouverture, un plan de développement des collections conjoint.

    En conclusion, nous avons travaillé avec une énergie redoublée sur des objectifs politiques clairs : donner aux Blésois et aux étudiants de cette ville un confort, des capacités d'accueil, des collections tels que nous aurions pu et dû les exiger pour nous-mêmes.

    Et nous nous sommes confrontés à certaines petitesses administratives qui dépassent, et de loin, les règles écrites des contrats, hors desquelles il n'est pas de mariage tenable, et surtout, somme toute, à des problèmes d'économie qui ont confiné souvent à des problèmes d'économie domestique. Preuve en est que la volonté politique doit être lisible et forte, mais qu'elle ne crée pas, à elle seule, la monnaie.