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    Le travail quotidien dans un réseau informatisé

    La bibliothèque études du monde anglophone à l'université de Toulouse-le-Mirail

    Par Fionnuala Bhreathnach, Ingénieur d'études responsablede bibliothèque

    Même si certains le regrettent, la documentation au sein des universités ne se trouve pas uniquement dans les bibliothèques universitaires car il existe sur les campus d'autres structures documentaires. Celles-ci, plus petites en taille, en personnel et en dotation budgétaire, ont un rôle à jouer dans la politique documentaire des universités. Un des défis des Services communs de la documentation est de réunir tous les partenaires du campus autour d'une politique documentaire ambitieuse. Les différentes structures ont des services différents à proposer et les utilisateurs de la documentation, enseignants et étudiants, bénéficient de cette diversité. Étant donné les moyens documentaires disponibles, il y a de la place pour tous. Les désaccords entre les différentes structures dans les universités viennent surtout d'une méconnaissance réciproque. De la plus grande à la plus petite chacune a sa place.

    Actuellement, les rapports entre structures différentes subissent des modifications profondes :

    avec l'arrivée des NTIC, qu'on soit à Paris ou aux îles Kerguelen, on a accès aux mêmes données sur Internet. Avec les projets de numérisation de textes dans les différents pays, la bibliothèque virtuelle n'est plus un rêve. Les réseaux permettent des unions entre partenaires physiquement éloignés ou de taille différente.

    Mais comment ces rapprochements se traduisent-ils dans la vie quotidienne ? Cet exposé propose de décrire comment une bibliothèque associée au Service commun de la documentation de l'université de Toulouse-le-Mirail, vit sa participation au réseau des bibliothèques de Toulouse informatisé eavec le progiciel Horizon et sa participation au projet de rétroconversion de la BnF. Rétro-conversion et informatisation sont tellement liées qu'elles se confondent. Le début de l'informatisation n'a précédé que de quelques mois la rétroconversion.

    Informatisation

    En 1994, le Service inter-établissements de coopération documentaire de Toulouse a lancé un projet d'informatisation dans le seul réseau des bibliothèques des universités de la ville. En ce qui concerne les BU, le projet a surtout impliqué la conversion de systèmes existants au progiciel Horizon. En juillet 1996, deux bibliothèques associées du SCD de Toulouse II, la bibliothèque études du monde anglophone (BANG) et la bibliothèque d'histoire et histoire de l'art se sont jointes à cette informatisation du réseau toulousain. Ces deux sites géraient leur catalogue et le prêt à domicile manuellement. Du fait de la lourdeur de la tâche, il a été décidé que l'informatisation se déroulerait par étapes échelonnées dans le temps (2 ans).

    Après des stages Horizon, UNIMARC et RAMEAU les postes professionnels avec le progiciel installé sont arrivés en juillet 1996. À la BANG, nous avons commencé, mais très lentement, par cataloguer les nouvelles acquisitions. Nous avons eu peur ne pas arriver à cataloguer en UNIMARC, et de ne jamais maîtriser RAMEAU, mais finalement nos craintes ne se sont pas matérialisées. La spécificité du fonds fait que nous ne partageons que peu le catalogage. En effet, la bibliothèque possède environ 30 000 titres en anglais et acquiert un millier de nouveautés par an. Nous ne trouvons qu'environ 35 % de notices déjà dans le réseau ; les mêmes manques se posent surtout au début pour l'index des autorités matières.

    Projet BnF

    En 1997, quand la SCD de Toulouse 2 a proposé aux bibliothèques associées de participer au projet de rétroconversion de la BnF, la BANG n'a pas tergiversé longtemps avant d'accepter. Nous avons eu quelques hésitations par rapport à la spécificité du fonds documentaire : le taux de notices dérivées des notices BnF n'allait pas atteindre 50 %, des chiffres semblables à ceux de la récupération des notices dans le réseau Horizon. Le fichier manuel dactylographié n'était pas un modèle de catalogage ! Et l'indexation matière en anglais était irrécupérable. Mais mieux valait une rétroconversion du catalogue, même partielle, que la saisie de quelques 10 000 titres. Avec deux personnes pour cataloguer en UNIMARC, mais une seule pour préparer l'indexation RAMEAU, la bibliothèque parvient difficilement à cataloguer rapidement les 1 000 nouveaux titres par an.

    Les étapes

    Après des réunions avec le SCD du Mirail, le SICD de Toulouse et des responsables du projet de la BnF, la BANG s'est lancée dans la rétroconversion qui allait permettre d'ouvrir le prêt informatisé dans de meilleures conditions. Huit mois après l'ouverture du catalogage dans Horizon, nous avons commencé à préparer les fichiers papier pour leur numérisation par la société Pritec. Cette préparation a consisté à cocher les fiches auteurs des titres imprimés depuis 1970 et a été faite par les moniteurs étudiants à la banque de prêt. Les 23 tiroirs du fichier auteurs se sont réduits à 11 tiroirs de fiches cochées, environ 10 000 titres ont correspondu aux critères de la BnF.

    Les tiroirs sont partis chez Pritec un lundi pour être récupérés dès le jeudi. Ils sont revenus numérotés, puis chaque tiroir a été divisé en fichiers séparés par des pastilles vertes. Nous n'avions plus le droit de toucher à l'ordre des fiches pour la durée du projet.

    Quelque temps après, les demandes de précisions nous ont été envoyées avec une copie de la notice en format UNIMARC ; elles concernaient souvent les données locales, ou des problèmes d'édition pour certaines dérivations. Encore plus flagrant qu'avant, toutes les défaillances du fichier manuel ont subsisté et la rétroconversion des fiches non dérivées n'a corrigé ni les erreurs de catalogage ni les erreurs de frappe !

    Quelques personnes se sont plaintes du désordre dans le fichier auteurs causé par la rétroconversion et le peu de documents de notre site disponibles sur l'OPAC, mais un des avantages d'une petite structure se trouve dans les liens que nous avons avec le public. Les enseignants voient notre travail chaque fois qu'ils rentrent dans le magasin pour chercher des documents. Le côté technique du travail devenait visible. Ces ordinateurs avec accès aux réseaux nous ont donné une crédibilité technique auprès du public.

    La possibilité de consulter le catalogue des autres bibliothèques à partir de notre salle de lecture est très appréciée, tout comme le fait de voir à l'écran le statut du livre avec sa disponibilité. Auparavant, l'informatique gérait les acquisitions, le budget et imprimait les fiches bibliographiques mais le public ne voyait que des sorties papier. L'utilisation des écrans par le public à partir du mois d'avril 1997 a rendu l'informatisation de la bibliothèque visible et réelle.

    La « vraie » rétroconversion

    Après la fin du projet BnF, la vraie rétroconversion a commencé en juin 1998, c'est-à-dire quand nous sommes devenus acteurs dans le déroulement du travail. Avec l'ouverture du prêt informatisé prévu pour septembre 1998, il devenait urgent que l'exemplarisation des notices rétroconverties soit faite.

    L'exemplarisation consiste à vérifier que le document dans la base correspond à celui en main, puis de coller le code barres et saisir les données locales de cote, de statut du document et de localisation. Dans la salle de lecture on peut trouver environ 10 000 documents en accès libre et presque 70 % de ceux-ci ont été imprimés depuis 1970. Il était important que ces livres-là au moins soient répertoriés dans Horizon. Pour ce faire, la décision a été prise de ne pas ajouter dans les notices non dérivées de la BnF les zones manquantes, indexation matière et collections, ni de corriger les erreurs.

    Déroulement du travail

    La bibliothèque a fermé ses portes au public exceptionnellement le 25 juin et la salle de lecture est devenue un atelier d'exemplarisation. À la place des OPAC, des postes professionnels ont été installés, le fichier auteurs de la rétroconversion a été remanié et classé par cote Dewey puis les fiches ont été placées dans les livres sur les étagères.

    Une dizaine de vacataires étudiants ont été embauchés grâce à une dotation d'heures par le SCD. Leur travail a consisté à mettre les fiches dans les livres correspondants, ceci étant facilité par le reclassement du fichier en Dewey. Par contre, il n'a pas été possible de savoir à partir du fichier papier si le document se trouvait dans la salle de lecture ou dans le magasin. Avec les programmes qui changent tous les ans, il existe un certain va-et-vient entre le magasin et la salle de lecture. Nous attendons avec impatience des travaux d'agrandissement pour permettre l'accès libre à tout le fonds et la fin du collage des étiquettes de salle sur les livres, puis pour changer le statut du document salle ou magasin dans la base. Toutes ces étapes étant source d'erreurs !

    Les vacataires ont vérifié l'identification des documents dans la base et ont fait ensuite la saisie des données locales. Les documents posant problème ont été classés sur des tables selon leurs problèmes : notices non trouvées dans la base ; problèmes d'inexactitude entre la notice à l'écran et le document ; problèmes de doublons dans la base.

    Les noms d'auteur des notices rétroconverties étaient masqués à l'OPAC, donc il a fallu les chercher par titre ou mots de titres. L'index des titres dans la base ne respectait pas toujours l'ordre alphabétique ! Et ceci n'a pas facilité nos recherches. La table de non-trouvés dans la base a été vérifiée régulièrement par des personnes différentes. Quelquefois, les titres avaient été rentrés par erreur à l'article ou la fiche numérisée ne correspondait pas tout à fait au titre exact. Au début, certains vacataires ont eu du mal à accepter que les erreurs de titres ou autres sur l'écran senaient des erreurs dactylographiées alors que le document en main correspondait à la notice. Parfois, les notices dérivées de la BnF ne correspondaient pas aux documents car il s'agissait d'une édition différente.

    Une fois exemplarisés, les livres ont été remis sur les rayons avec une pastille rouge ou verte collée sur la tranche : rouge pour les documents dérivés de la BnF, verte pour les autres. Ensuite, les anciennes fiches ont été reclassées en dérivées et autres. Ce travail d'exemplarisation s'est bien déroulé, sans difficulté particulière et plus de 6 000 documents ont été exemplarisés en trois mois.

    Bilan provisoire

    Il reste 2 500 à 3 000 documents à exemplariser puis il va falloir reprendre tous les livres à pastille verte (environ 5 000), rajouter l'indexation matière et corriger toute autre erreur. Ce travail est plus complexe que celui que nous venons d'effectuer car pour bien faire il faut des personnes ayant des connaissances en littérature anglaise, UNIMARC et RAMEAU.

    Néanmoins, nous espérons que d'ici 2002 cette rétroconversion-là sera terminée et que le catalogage des ouvrages imprimés avant 1970 sera en chantier.

    Informatisation du prêt

    Sans cette rétroconversion, bien que partielle, la bibliothèque n'aurait pas pu ouvrir le module de prêt dans des conditions acceptables. L'ouverture du module avait été prévue pour la mi-septembre, en même temps que la réouverture de la bibliothèque, mais cette date a été repoussée de trois semaines à cause de retards dans l'installation de prises informatiques et des travaux d'agrandissement de l'accueil (16 m) non terminés.

    Toute défaillance du module de circulation se fait ressentir de façon plus sensible que celle du catalogage car le public se trouve directement concerné. Les ramifications d'un ralentissement du réseau diffèrent selon que l'on catalogue ou que l'on fait du prêt. Gérer des problèmes informatiques en même temps que des personnes retardées à cause de ceux-ci n'est pas toujours tâche facile.

    Avec l'arrivée des NTIC, un des critères de sélection des moniteurs étudiants à la BANG est la pratique du traitement de texte. À la banque de prêt tout le monde étant amené à saisir les titres des ajouts rapides (livres n'étant pas encore dans la base), des changements d'adresses ou d'inscriptions, l'utilisation du clavier devient indispensable. Les treize moniteurs, qui travaillent chacun sept heures par semaine, ont eu une matinée de formation animée par la correspondante Horizon pour les bibliothèques associées du SCD. Cette formation quelque peu perturbée par une coupure du réseau de l'université pendant plus d'une heure, a eu pour objet d'expliquer le fonctionnement, les règles du réseau, et de démontrer les manipulations propres au prêt.

    Deux postes sont installés à la banque avec une personne qui s'occupe des retours et l'autre des prêts, mais il est possible de faire les deux opérations sur un même poste. Quand tout marche bien, les moniteurs ont moins de travail à faire qu'avant, puisque c'est l'informatique qui s'occupe des dossiers des utilisateurs ainsi que des livres, mais malheureusement ce n'est pas toujours le cas.

    Peu importe la source du problème, le sentiment d'impuissance est le même devant les défaillances du logiciel, les problèmes du routeur de l'université ou du réseau extérieur. Le module de catalogage dans Horizon est clair et facile à utiliser une fois UNIMARC maîtrisé, par contre des améliorations pourraient être apportées à celui du prêt. Voici quelques exemples : les messages sur les écrans, sans doute traduits automatiquement, sont difficilement compréhensibles pour la personne devant le poste ; l'accès aux dossiers des utilisateurs n'est pas automatique en cas de problème, et si jamais la personne au prêt n'est pas assez attentive elle peut faire emprunter des livres par l'utilisateur précédent !

    Les problèmes du réseau à l'intérieur ou à l'extérieur de l'université ont pour conséquence des ralentissements au moment de la sauvegarde des données (depuis septembre 1998 les ralentissements se sont multipliés). Nous avons installé un casier où nous gardons les livres prêtés et les cartes des gens trop pressés pour attendre 5 minutes ou plus pour faire un emprunt. Quand les pannes se prolongent, nous notons titres avec codes barres lecteurs et livres dans un cahier ; dès que possible les données sont saisies. Dans une petite structure ces recours sont possibles, mais dans une grosse on voit mal comment surmonter ces difficultés.

    Conclusion

    La participation au réseau en 1996 avait bouleversé la façon de travailler du personnel permanent : elle impliquait des contraintes au niveau du catalogage, elle a mis fin à des décisions prises à huis clos. Ces changements ont été facilement acceptés car, bien que contraignants, ils ont revalorisé le travail et la mise en place du catalogue collectif des universités est devenue une réalité et se construit grâce à la participation de tous.

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    Bibliothèque études du monde anglophone

    Le prêt dans le réseau modifie les pratiques documentaires des utilisateurs. Grâce au catalogue collectif et à la rétroconversion, le cloisonnement des structures, au moins pour le public, est condamné à disparaître et les utilisateurs commencent à voir les liens entre les différents fonds. Depuis notre participation au réseau, le nombre d'étudiants des autres départements et des autres universités (Droit) qui viennent emprunter des documents est en augmentation, les titres et leur localisation sont maintenant à la portée de tous.

    Sans nier les difficultés réelles, telles que le manque de personnel, les décisions prises sans assez de consultation ou les difficultés pour faire entendre sa voix, l'évolution de la BANG au sein du SCD est plutôt positive. Le réseau a structuré des liens entre les différents participants : lors des formations, nous nous retrouvons avec les personnels des autres SCD et sur le campus du Mirail les contacts entre les 4 bibliothèques participantes sont fréquents et en augmentation. Ces rencontres sont enrichissantes aussi bien professionnellement qu'humainement. +

    1. Horizon, progiciel d'Ameritech ancien Dynix.

    2. Le réseau actuel comprend 14 bibliothèques en provenance des 5 SCD de Toulouse.

    3. Pritec, société de numérisation retenue par la BnF pour leur projet de rétroconversion .