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    1988-1998

    A la recherche du temps perdu

    Par Geneviève Safavi, Bibliothèque universitaireParis X-Nanterre
    Par Jean Mallet, Bibliothèque universitaireParis X-Nanterre

    Après dix ans d'interruption, la BU de Nanterre a entrepris de relancer les enquêtes sur son public en les faisant toujours réaliser par la Junior entreprise de l'université : Conception-Ouest. Les premières, menées de 1987 à 1990, étaient très généralistes. Cette deuxième série, en cours d'élaboration, porte davantage sur le comportement du public par spécialités disciplinaires. Malgré des objectifs un peu différents, leur comparaison complétée par l'évaluation statistique permet, dans l'intervalle d'une décennie, de mesurer les constantes et les évolutions.

    La BU de Nanterre comme toutes ses consoeurs souffrait en 1988 d'un sous-développement alarmant, interdisant la mise en oeuvre de toute politique documentaire digne de ce nom.

    Ces carences étaient d'autant plus ressenties que Paris-X devait faire face à une croissance fulgurante, passant en 20 ans de 3 000 à 28 000 étudiants.

    Évolution des activités

    Dix ans après, on peut constater que la BU de Nanterre a connu une progression remarquable, due à une amélioration substantielle de ses moyens, soutenue par une politique nouvelle de contractualisation. En effet, sans cette nouvelle procédure fondée sur des notions dynamiques de projet et d'évaluation, ces remises à niveau budgétaire n'auraient pas été aussi déterminantes.

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    Bibliothèque universitaire Paris X Nanterre, comparaison 1988/1998 : Principaux indicateurs

    La comparaison des principaux indicateurs entre 1988 et 1998 montre clairement cette évolution.

    Ils affichent tous des augmentations conséquentes avec une véritable explosion pour certaines activités :

    • un doublement des collections et des fréquentations ;
    • un prêt à domicile en augmentation de 218 %.

    Les progressions ont été considérables et autorisent un réel satisfecit. Toutefois, cet essor ne concerne pas les activités envers les enseignants dont la présence à la BU reste toujours aussi discrète, malgré une politique volontariste (lettres, rendez-vous, réunions) et un réel travail de collaboration avec les bibliothèques et centres de documentation du campus :

    • une bibliothécaire a été nommée à l'Université pour favoriser la coordination des BUFR ;
    • des commissions scientifiques spécialisées d'acquisition viennent d'être mises en place ;
    • une BUFR a été intégrée et la bibliothèque de l'IUT de Ville-d'Avray le sera en 1999.

    Sans doute, une première explication peut être apportée en confrontant cette évolution avec celle des effectifs, qui montre sans ambiguïté combien la densification des premiers cycles laisse peu de place (dans tous les sens du terme) à un public plus spécialisé.

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    Bibliothèque universitaire Paris X Nanterre, comparaison 1988/1998 : Effectifs

    Effectifs

    Les effectifs étudiants ont continué de s'accroître : + 18 %.

    Et si les dépenses documentaires ont progressé en valeur absolue, le ratio par étudiant a évolué beaucoup plus faiblement :

    Budget documentaire global : + 173 %.

    Budget documentaire par étudiant : + 40 %.

    La structure du public confirme la prédominance des deux premiers cycles avec une progression plus forte du 2e.

    Les étudiants de droit et sciences économiques constituent toujours à eux seuls presque 35 % du public, mais l'évolution va dans le sens d'un rééquilibrage en faveur des disciplines de sciences humaines et sociales.

    Quant au personnel, en 10 ans, 2 postes de professionnels ont été créés. Or en 1988, les effectifs de la bibliothèque avaient diminué de 17 % par rapport à 1984.

    On mesure le déséquilibre entre les niveaux d'activités, la faiblesse des ressources humaines et ses conséquences sur la dégradation de l'encadrement.

    Il faut tenir compte de plus à la BU de Nanterre de la configuration des locaux.

    Celle ci nécessite pour assurer un service public minimum la présence de 18 personnes par tranche horaire de 2 heures.

    Ces données ternissent fortement le bilan positif de l'évolution de nos activités.

    Constat

    De plus, en 10 ans, l'environnement technologique et culturel a subi de si profonds changements que l'on ne peut plus procéder à des comparaisons selon les mêmes critères.

    L'impression dominante est une sorte de course en avant pour atteindre des objectifs sans cesse dépassés.

    La BU de Nanterre vit cette accélération, certes dans le sens de l'évolution générale, mais en jonglant au quotidien avec les trois paramètres : techniques, financiers et humains. Quand l'un trouve une solution, ce sont les autres qui bloquent la machine et inversement.

    Comme tout un chacun, la BU de Nanterre multiplie ses services et ses prestations : elle se réinformatise, se rétroconvertit, se numérise, s'internétise, se vidéotise, se met en réseau de cédéroms, se réorganise dans le cadre du SCD et dans la foulée se désamiante.

    En cela une nouvelle image de la BU semble s'imposer.

    Toutefois la question qu'il convient de se poser et à laquelle les dernières enquêtes permettent de répondre est celle de la perception de ces changements par nos usagers.

    La BU vue par son public

    Les premières conclusions montrent fortement que la BU représente de plus en plus un élément important et incontournable de la vie universitaire des étudiants.

    Ils étaient 78 % à venir plus d'une fois par semaine en 1988. Ils sont maintenant 90 % à le déclarer et ceci dans toutes les disciplines. Les enquêtes ont porté sur une population de 2 500 étudiants répartis selon le principe des quotas.

    Leur assiduité ne se dément pas et ils passent toujours en moyenne plus de deux heures à la BU.

    Mais la fonction traditionnelle de la BU comme lieu de travail autant que comme outil tend à décliner.

    Ils ne sont plus que 19 % à venir travailler avec leurs propres documents, en dehors de toute utilisation de services, contre 40 % il y a dix ans.

    Ceci est d'autant plus remarquable que des locaux disponibles dans l'université sont toujours aussi rares.

    Par contre, la BU considérée comme réservoir de documents pour la consultation sur place, avant le prêt à domicile, demeure et même se renforce (19 % contre 15%).

    La pratique des étudiants pour rechercher leurs ouvrages n'a pas évolué. Ils sont même plus nombreux à aller directement sur les rayons sans consulter les catalogues papier ou Opac (en 1er cycle 70 % contre 55 %) et à les entendre ils n'auraient pas tort : en lettres 85 % déclarent trouver des sources insoupçonnées de documents intéressants auxquels ils n'avaient pas pensé.

    Il y a là matière à réflexion sur la constitution des Opac, la signalétique et sur le problème essentiel de la rotation des fonds, désherbage en particulier.

    Reste que si le comportement social de l'étudiant a changé bruyant, considérant la BU comme un lieu vivant et multiple, s'appropriant naturellement les écrans là où il les trouve, nous avons à faire à des étudiants assez résignés.

    Même critiques, ils restent attentistes et ne font pas part ouvertement de leur mécontentement.

    Le taux élevé de satisfaction (80 %) semble refléter une attente relativement faible, voire une méconnaissance des services qu'ils seraient en droit attendre.

    Ceci d'ailleurs se confirme dans la réponse à la question posée :

    Pouvez-vous nommer les services qu'offre la BU en dehors de la consultation et des prêts ?

    Les étudiants citent :

    18 % les toilettes

    34 % la cafétéria

    35 % les photocopieuses

    Nous avions déjà constaté, il y a 10 ans, la même méconnaissance des offres bibliothéconomiques, mais aujourd'hui c'est une réelle frustration que nous ressentons face à nos efforts de développement et de modernisation.

    Nous pouvons évidemment avancer une explication : c'est que les clichés ont la vie dure et que la perception du changement demande du temps.

    Sans doute également notre développement n'a pas toujours été accompagné de suffisamment d'information et de formation.

    Nous le voyons : il reste du chemin à parcourir. Encore faudrait-il devant les retards pris, faire démentir la sagesse populaire dont on connaît l'expression sur le temps perdu...

    Il nous faut affronter ce défi avec l'Université en espérant que le ministère saura dans le plan U3M donner aux bibliothèques universitaires les moyens financiers et humains leur permettant de supporter la comparaison avec leurs homologues étrangères. *