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Lecture et personnes âgées en établissement de gériatrie

1985
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    Lecture et personnes âgées en établissement de gériatrie

    Par Charlotte MEMIN, Orthophoniste et psychologue Hôpital René Muret de Sevran
    Intervention de Mme Charlotte MEMIN, orthophoniste et psychologue à l'hôpital René Muret de Sevran.

    De qui parle-t-on ?

    350 à 500 000 personnes vivent actuellement en institutions gériatriques dans des conditions fort disparates. Elle sont dites " personnes âgées " comme toute personne de plus de 60 ans puisque ce terme est plus ou moins synonyme de celui de retraité (le terme de 3ème âge étant moins en vogue !). C'est un terme trop global : on relève quelquefois 40 ans d'écart entre deux personnes appelées " personnes âgées ". Il existe donc un éventail très large d'âges mais aussi de conditions physiques et psychiques, d'histoires vécues personnelles et d'acquis culturels différents.

    Ajoutons que très souvent dans les établissements gériatriques publics (principalement les " longs séjours ") vivent les personnes âgées les plus pauvres, les plus abandonnées, les plus vulnérables car les plus âgées, et celles dont le niveau socioprofessionnel est le plus bas : pour certaines, la scolarité a été de très courte durée.

    Avant de parler de lecture - ou de toute autre activité - il est indispensable de bien savoir à qui l'on s'adresse.

    Il est bon de savoir aussi que la gérontologie contemporaine sans nier les pertes et les manques inévitables avec l'avance en âge, aborde le vieillard d'une manière dynamisante. Au lieu de ne voir que les aspects négatifs du vieillissement inéluctable, elle cherche à faire fructifier ce qui reste : c'est vrai que les cellules nerveuses, les neurones, ne se reproduisent pas mais nous en avons un capital si important au départ !

    La personne âgée vit la dernière étape de sa vie : elle doit être acceptée telle qu'elle est; elle n'est plus un adulte, elle n'est pas un enfant, même diminuée elle reste un être de communication jusqu'à sa mort; elle a ses valeurs propres, la richesse d'une vie antérieure unique. Chacun a des potentialités que l'environnement doit aider à découvrir.

    La Lecture en établissement gériatrique :

    Pas plus qu'une autre activité, elle ne peut être plaquée. Elle doit trouver sa place dans l'histoire de l'institution qui prend en charge la personne âgée sous son triple aspect : somatique, psychique et social.

    Alors celui qui vient apporter des livres fait aussi un acte thérapeutique, tout comme les autres membres du personnel. Vivre en institution est très dépersonnalisant, accentue la désorientation temporelle et spatiale ce qui accroît l'anxiété sous-jacente chez toute personne âgée.

    Quelques précautions ou " manières d'être " sont nécessaires :

    • w Parler lentement, sans crier, bien articuler ;
    • < Prendre son temps, savoir attendre car la notion de durée n'est pas la même : la compréhension peut quelquefois être faussée si l'on va trop vite ;
    • * Créer des plages de silence dans la communication avec la personne âgée.

    Après ces quelques remarques sur les personnes âgées, Madame MEMIN nous fait part de sa propre expérience : Il est possible de faire apprendre la lecture à une personne âgée.

    La Lecture individuelle :

    Il faut la favoriser car la lecture est un acte social : choisir, critiquer un texte, c'est rester dans le monde. Nous ne devons pas porter de jugement de valeur. Le passage de la " cantinière " avec son chariot est un repère dans le temps répétitif de l'institution : son attente est un " projet pour vivre ".

    Les revues, certains quotidiens ont un grand succès. Bien discuter des gôuts de la personne avant de lui laisser un livre.

    La Lecture collective:

    • w Autour d'un livre, lecture à haute voix et discussion ;
    • < Autour du journal : on découpe des articles, on fait des panneaux d'affichage pour toute l'institution ;
    • * A partir d'un livre, d'un fait divers ou d'un autre thème : groupes de conversation afin d'officialiser leur parole : les personnes âgées deviennent alors nos professeurs d'histoire, non pas de l'histoire événementielle mais de l'histoire quotidienne. Ces groupes aboutissent à des compte-rendus, des textes collectifs inscrits dans un " journal " : les personnes âgées fournissent elles-mêmes de la lecture à l'institution.

    De tels groupes peuvent être mis sur pied avec l'aide et la coopération du personnel soignant. Ils gagnent aussi avec la présence de personnes âgées vivant à domicile mais ils doivent être assez fermés pour permettre l'établissement de relations sociales nouvelles structurantes.