Laura Noesser, en collaboration avec Sylvie Mayaud-Fou-on et Françoise Lévêque (l'actuelle responsable de ce secteur), a rédigé un document attendu depuis de nombreuses années puisqu'il en était déjà question en 1974, date du cinquantenaire de la bibliothèque. Il s'agit en l'occurrence du Catalogue du fonds ancien de littérature pour la jeunesse conservé à la Bibliothèque de l'Heure joyeuse de la Ville de Paris. Ainsi que le souligne l'avant-propos, le souci de conservation, assez peu répandu parmi les bibliothécaires de jeunesse semble avoir animé, dès l'origine, Mmes Gruny et Leriche qui avaient déjà mis en réserve 5 000 volumes. Il fallait y penser. Les livres d'enfants s'abîment vite et eût été dommage de laisser disparaître ces témoignages paralittéraires indispensables à l'histoire des mentalités, à cause du message délivré par les textes, bien sûr, mais aussi parce que, fréquemment illustrés, ces ouvrages présentent une iconographie/abondante, parfoisde très haute qualité, et variée. En effet, l'illustration du livre d'enfant propose aussi bien un univers suave et idéalisé à l'extrême que celui, hyper réaliste, des enfants battus, orphelins, abandonnés sur les trottoirs des grandes villes. Il est maintenant établi que l'enfance est une invention récente et que bien des siècles se sont écoulés sans que l'on ait pris conscience que les petits humains avaient besoin de vêtements, d'objets divers et d'une littérature qui leur soient propres. Le Musée du jouet ne conserve pratiquement rien d'antérieur au XIXe siècle. Ce serait le cas de la Bibliothèque de l'Heure joyeuse si elle ne possédait ce joyau que constituent les 41 volumes du «Cabinet des fées» édités entre 1784 et 1789. Cette vaste anthologie regroupe les contes de Perrault, ceux de la Comtesse d'Aulnoy, de Madame Leprince de Beaumont, les Mille et une nuits (version expurgée), des récits chinois, bretons, indiens... Cazotte, Duclos, Fénelon, Rousseau, Wieland ont volontairement ou involontairement participé à l'entreprise. Naturellement, les autres ouvrages sont nettement postérieurs. Ici l'appellation «fonds ancien» admet tout ce qui a été édité avant 1914.
Très clairement présenté, le Catalogue se compose de notices numérotées complètes, parfois commentées. Le classement par langues a été adopté avec un sous-classement par ordre alphabétique d'auteurs, le français venant en tête. En fin de volume sont mentionnées les collections de périodiques. L'appareil critique comporte plusieurs index, titres, auteurs et illustrateurs, ces deux derniers accompagnés de notices biographiques très utiles car bien des personnages cités ne figurent dans aucun dictionnaire. Une bibliographie mentionnant les principales sources imprimées du document complète l'ensemble.
Y aurait-il quelques critiques à formuler ? Le format (30 cm de hauteur) est un peu encombrant mais il permet d'apprécier quelques très belles planches en couleur qu'une couverture austère ne laissait pas espérer. L'absence de certains titres semble curieuse (évidemment ils ne sont pas pour autant exclus de la bibliothèque mais celle-ci se devrait sans doute de les acquérir en édition du XIXe siècle : Olivier Twist, Les Patins d'argent, les Contes tirés de Shakespeare par Charles Lamb, par exemple). Les aspects positifs l'emportent toutefois largement sur les aspects négatifs. Avec ce catalogue, les bibliothécaires de l'Heure joyeuse ont largement contribué à défricher un terrain jusqu'alors laissé à l'abandon, du moins dans notre pays. Ceci mérite un coup de chapeau.