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    Le catalogue collectif de France

    Par Jacques Bourgain, président du groupe de travail CCF

    Le contexte

    Cela fait de longues années que l'on parle de la réalisation d'un Catalogue Collectif National et il est utile, au moment où la décision de le réaliser est prise au plus haut niveau, de s'interroger sur les raisons pour lesquelles il n'a pas encore vu le jour dans son entier. Ce ne peut être pour des raisons techniques, les solutions techniques existant depuis longtemps comme le montre la réussite déjà ancienne et exemplaire du Catalogue Collectif National des publications en série (CCN). En fait, les raisons sont plus générales et du coup plus difficiles à surmonter. On peut citer les deux obstacles principaux qui devront être surmontés si l'on veut réaliser dans de bonnes conditions le Catalogue collectif de France (CCF) (1) : l'absence d'informatisation des bibliothèques les plus représentatives devant figurer dans un tel catalogue, avec pour conséquence l'absence de données informatisées permettant de l'alimenter; la différence des objectifs et des besoins des administrations concernées (Ministère de la Culture et de la communication, Ministère de l'Education nationale, Ministère de la Recherche et de la technologie) se traduisant par une dispersion des efforts et même parfois par une relative neutralisation des projets et en tout cas par des retards dans leur mise en oeuvre.

    Aussi pour mener à bien le projet il fallait d'abord lui donner les moyens institutionnels de dépasser ces écueils et donc de définir à priori des structures d'étude, de suivi et de mise en oeuvre du projet :

    • un comité de pilotage interministériel composé du Ministère de la Culture , du Secrétariat aux Grands Travaux, du Ministère de l'Education nationale et du Ministère de la Recherche et de la technologie assure le pilotage "politique" de l'opération. En tant que maître d'oeuvre, il valide les grandes options à prendre au cours des différentes étapes de réalisation du projet et, de par sa composition, est garant de la mise en cohérence des différentes catégories de besoins et des solutions mises en oeuvre.
    • le maître d'ouvrage est la Bibliothèque de France à qui a été confiée la mission de conduire l'opération. A ce titre elle mène les études techniques nécessaires, passe les différents marchés d'étude et de réalisation et recueille les avis des parties concernées par la constitution de groupes de travail représentatifs dont la composition peut varier en fonction des différentes phases de réalisation du projet.
    • le Conseil Supérieur des Bibliothèques quant à lui, en tant qu'organisme de conseil représentant les différentes parties et les utilisateurs, rend son avis sur les documents et options correspondant à chaque phase de réalisation.

    Il a d'autre part été convenu d'entrée de jeu que la réalisation du CCF devrait se faire en prenant en compte les réalisations et projets en cours ainsi que les besoins spécifiques des différentes catégories d'utilisateurs potentiels, médiateurs et utilisateurs finals.

    La méthode suivie

    Un groupe de travail a été constitué, composé de membres représentatifs désignés par la Direction du Livre et de la Lecture, la direction de l'information scientifique et technique du Ministère de la Recherche et de la Technologie, la sous-direction des bibliothèques du Ministère de l'Education Nationale et la Bibliothèque de France.

    Celui-ci a réalisé un cahier des charges pour commander une étude concernant l'établissement du schéma d'élaboration du CCF. Cette étude, commandée à la société GSI-ERLI après dépouillement d'un appel d'offres, a été divisée en 2 phases :

    • la première phase était destinée à faire une étude de l'existant et à définir le contenu du catalogue collectif, c'est à dire à répondre aux questions : quel est le but de ce catalogue collectif ? Quels sont les publics visés principalement, secondairement et du coup quel type d'ergonomie et de fonctionnalités doit-il offrir ? Quels types de documents faut-il y signaler ?
    • la deuxième phase avait pour but d'étudier les moyens de réaliser de façon optimum le catalogue collectif et donc de proposer des ébauches de scénarios de réalisation sur le plan technique et institutionnel.

    Les résultats au stade actuel

    Le rapport de phase 1 propose cinq recommandations stratégiques :

    1 - Concevoir un outil principalement destiné à l'utilisateur final, ce qui suppose de concevoir un module d'interface utilisateur très facile à utiliser, accessible de partout (domicile, lieu de travail...), intégrant dans un même module la recherche classique d'identification (auteur - titre), la recherche par sujets et la recherche de localisation; de permettre de filtrer les recherches selon différents critères (géographiques, thématiques, services offerts...); de donner accès de façon aussi transparente que possible aux différents types de documents (livres, périodiques, thèses, littérature grise, documents audiovisuels); de pouvoir donner accès aux documents primaires avec, à terme, une fonction de commande directe en ligne associée à un système de monétique pour le paiement à distance.

    2 - Donner accès à une offre diversifiée s'appuyant sur des bibliothèques ou groupes de bibliothèques ciblées en termes de collections et de services rendus, avec comme corollaires de définir un groupe de bibliothèques susceptible d'offrir en 1ère phase un service optimal de fourniture de documents; d'articuler le catalogue collectif avec la politique documentaire de la Bibliothèque de France, notamment dans le cadre de ses rapports avec les bibliothèques qui lui seront associées; d'intégrer au service offert par le catalogue collectif un répertoire thématique de bibliothèques indiquant les conditions d'accès, les services rendus, la nature des collections et les domaines couverts; de faciliter le reroutage ou la réorientation des questions vers des catalogues locaux ou des bases de données.

    La mise en oeuvre de cette recommandation permettra de tenir compte de l'ensemble du paysage documentaire français et de donner accès, même de façon indirecte, à des collections locales spécifiques souvent méconnues.

    3 - Appuyer la mise en oeuvre du projet, notamment en période de montée en charge, sur l'existant le plus positif.

    Ceci implique de s'appuyer sur les bibliothèques les plus riches susceptibles d'offrir rapidement le service le plus efficace, en en dressant la liste selon des critères précis (collections, qualité du service, niveau d'informatisation ou capacité de la réaliser dans des délais rapprochés...); de tenir compte de la dimension régionale (catalogues collectifs régionaux, fonds régionaux, fonds spécialisés, fonds anciens...).

    4 - Penser le catalogue collectif en articulation avec le schéma directeur de l'information bibliographique, avec pour double conséquence que le catalogue collectif ne sera pas pensé comme un outil de fourniture de notices et que les notices de BN-OPALE faisant autorité devront prioritairement être utilisées, au minimum pour des raisons de rationalisation du travail et de normalisation des points d'accès. Ceci implique notamment que les points d'accès sujets du futur catalogue collectif devront être à terme prioritairement conformes à RAMEAU.

    5 - Travailler en commun quelles que soient les autorités de tutelle et en accord avec elle, ce qui suppose de penser les choix fondamentaux en termes d'utilisateur, d'éviter les réflexes institutionnels et de montrer avec force à l'échelon national la volonté politique de mettre en place ce qui devrait être dans quelques années le système de droit commun d'accès à distance aux ressources documentaires nationales.

    Les propositions de la phase 1 peuvent être résumées pour l'essentiel par le schéma conceptuel suivant qui représente dans sa globalité le système d'information cible à viser pour le CCF, quelque soit le scénario technique retenu pour sa réalisation. Insistons sur le fait que cette représentation fonctionnelle ne préjuge en rien des choix d'architecture technique.

    Le rapport insiste enfin sur le "prérequis" en matière d'informatisation des bibliothèques qu'il est nécessaire d'atteindre avant la mise en place du CCF.

    Nous sommes en effet confrontés actuellement à une situation de vide informatique. Les bibliothèques disposant des fonds les plus intéressants pour le CCF sont peu ou pas informatisées (à peu près 170.000 notices et 225.000 localisations pour le réseau SIBIL et environ 200.000 notices pour les bibliothèques utilisant l' OCLC).

    Cette situation peut provoquer en phase de montée en puissance des phénomènes d'engorgements sur quelques bibliothèques au lieu d'aboutir à une meilleure répartition des demandes.

    Il est donc indispensable et urgent de lancer des projets de conversion rétrospective des fichiers des Bibliothèques définies comme prioritaires et de mener à bien leur informatisation dans le respect rigoureux des normes bibliographiques et informatiques.

    La phase II, quant à elle, avait pour but de présenter des ébauches de scénarios de réalisation du système informatique du CCF pour permettre au Comité de Pilotage de choisir celui qui offrait les meilleures garanties de faisabilité technique, financière et institutionnelle.

    Trois scénarios ont été étudiés, les différences portant essentiellement sur la présence ou l'absence d'un serveur de données et sur la manière de le réaliser. Ces trois scénarios peuvent être schématisés ainsi:

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    Schéma du catalogue collectif

    Scénario 1 : Les catalogues locaux sont interrogés directement par les utilisateurs grâce à un reroutage de leurs requêtes vers ceux-ci. Dans ce cas le service CCF n'offre qu'une fonction d'accueil et de reroutage mais ne stocke pas de données susceptibles de donner une réponse même limitée à l'utilisateur. Celui-ci doit reposer sa question dans chaque catalogue consulté et dans le langage de commande propre à chacun d'entre eux.

    Scénario 2 : Il suppose l'existence d'un serveur de données réalisé à partir d'un progiciel de gestion de bibliothèques en l'adaptant aux besoins spécifiques du service CCF tels que définis précédemment . Le coût de réalisation de ce serveur est estimé à environ 15 MF, adaptation du progiciel comprise. Dans ce cas le serveur de données stocke les notices et les index correspondants dans un fichier unique suivant un format préétabli et récupère les notices localisées des catalogues participant au service CCF après conversion dans un format unique.

    Scénario 3 : Il s'appuie lui aussi sur l'existence d'un serveur de données qui cette fois est réalisé par un développement spécifique à partir d'un SGBD. Dans ce scénario - et c'est une différence capitale par rapport au précédent - le serveur ne stocke que les index donnant accès aux notices et aux localisations qui leur sont associées. Il ne stocke donc pas les notices et va les demander lorsque l'utilisateur les lui demande. L'accès aux notices complètes s'effectue dans ce cas par reroutage vers les catalogues informatisés concernés et les utilisateurs les voient alors dans les différents formats d'origine (Pancatalogue, SIBIL, CCN, BN-OPALE, Catalogue local de telle bibliothèque...). Les avantages de ce scénario sont conséquents : il offre une solution plus ouverte, plus évolutive, pouvant s'appuyer sur des matériels et des logiciels de base plus efficaces. Surtout, - et c'est l'avantage capital compte tenu de la situation française actuelle - il s'agit d'une architecture fédérative grâce à laquelle il est plus facile de respecter les impératifs de développement propres à chaque institution partenaire.

    Dans ce cas la prise en compte des fichiers collectifs existants et de la dimension régionale est plus aisée. Il n'est pas en outre nécessaire de réaliser la conversion des données vers un format unique, opération que l'on sait coûteuse, difficile et génératrice de pertes d'informations. Enfin, la réalisation de ce scénario n'est sans doute pas plus coûteuse à l'échelon national que l'adaptation d'un progiciel existant proposée dans le scénario 2.

    Les inconvénients doivent cependant être pesés.

    L'utilisateur n'ayant pas accès d'emblée aux notices peut se contenter des informations fournies par les index avec les risques correspondants d'erreurs dans l'identification des documents.

    Il s'avérera en outre difficile d'analyser à priori la charge des systèmes informatiques périphériques sollicités pour la présentation des notices complètes.

    Enfin ces derniers devront respecter l'obligation d'être (ou de se rendre) physiquement accessibles ce qui supposera soit qu'ils respectent les normes d'interconnexion des systèmes ouverts, soit que le service CCF développe à son niveau les interfaces de communication nécessaires. Pour pallier les trois inconvénients précédents, il faudra procéder à une analyse très fine des besoins prévisibles des utilisateurs en terme de recherche et d'identification pour qu'ils puissent dans les cas les plus courants et de façon fiable, se contenter des informations stockées dans le serveur de données.

    Vignette de l'image.Illustration
    Solution préférentielle

    Notons, par ailleurs, que dans les scénarios 2 et 3 la fonction, essentielle, d'accueil de l'utilisateur doit être traitée de façon similaire, le choix du scénario retenu portant pour l'essentiel sur la façon de réaliser le serveur de données.

    Cette fonction de présentation doit permettre :

    • la réception des demandes de localisations,
    • la réception des demandes de recherches bibliographiques,
    • la réception des demandes d'identification des bibliothèques,
    • le dialogue (transparent) avec le serveur de données,
    • l'affichage de résultats,
    • le reroutage éventuel vers les systèmes déportés, à des fins de PEB, de réservation de documents ou de demandes de fourniture de documents.

    L'analyse des avantages et des inconvénients du scénario 3 fait pencher la balance en sa faveur, dès lors que l'on envisage le CCF en terme d'avenir, d'évolutivité et d'interconnexion, tant à l'intérieur de l'hexagone qu'avec l'étranger.

    Ce scénario peut être représenté selon le schéma ci-dessus.

    La situation actuelle

    Le comité de pilotage s'est réuni le 14 septembre et a validé dans leur ensemble les propositions du rapport de la phase 1 en soulignant que l'association à cette 1ère phase de réflexion des institutions concernées s'était déroulée dans de bonnes conditions. Quant au choix de scénarios, il a rejeté le scénario 1, sans trancher entre les deux autres. En conséquence, il a décidé de relancer un groupe de travail et de proposition, de composition similaire au premier et chargé de mener une étude d'organisation et de réalisation du CCF, de demander à ce groupe de travail de piloter la réalisation de deux maquettes informatiques représentatives des scénarios 2 et 3 pour être en mesure de faire un choix raisonné. S'agissant de l'opération Pancatalogue, la sous-direction des bibliothèques du Ministère de l'Education Nationale a précisé qu'elle ne souhaitait pas être le point de départ et/ou le pilote de l'opération, étant entendu que le Pancatalogue serait cependant pleinement partie prenante du CCF.

    Le nouveau groupe de travail CCF va se réunir le 27 novembre pour lancer les travaux de cette nouvelle phase.

    1. Nous emploierons ici, par souci de clarté, la dénomination de Catalogue collectif de France (CCF) pour le distinguer, au stade actuel de la réflexion du Catalogue collectif national des publications en série. Ceci ne préjuge aucunement de l'appellation définitive qui sera adoptée. retour au texte