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    Formation moyenne

    Séminaire d'Auxerre

    Par Annie Béthery, Directrice de Médiadix

    Il a semblé utile de retarder la parution de ce compte rendu du séminaire " Formation moyenne " qui s'est déroulé à Auxerre, le 28 juin 1991, dans la mesure où certaines réponses ont été apportées début novembre à plusieurs des questions qui ont alimenté cette journée très dense, suivie par un public manifestement inquiet sur l'avenir de la formation.

    Mais il convient d'abord de souligner la qualité de l'organisation de cette journée, et de remercier Madame Duvernier, directrice de la Bibliothèque municipale d'Auxerre, ainsi que ses collaborateurs, de l'accueil réservé aux congressistes, lesquels ont pu, lors d'une visite malheureusement trop rapide en raison des contraintes horaires, apprécier la qualité et la diversité des services offerts par cette Bibliothèque aux Auxerrois.

    Le programme de la journée comprenait d'abord les interventions de trois directeurs de centres de formation, Christine Girard (Bordeaux), Présidente de la Commission pédagogique nationale des Centres de formation aux carrières des bibliothèques, qui dressait un bilan de la réforme du CAFB et exposait ses réflexions sur le contenu d'une formation bac + 2, Pierre Lamblin (Lille) et Silvio Marchetti (Dijon) qui analysaient respectivement la cohabitation CAFB/ DEUST et CAFB/DUT ; Marie-France Maury, bibliothécaire du Conservatoire de Toulouse présentait ensuite les besoins spécifiques des bibliothécaires musicaux ; ce tour d'horizon sur la situation des CRFP était clôturé par Nic Diament, à propos de l'expérience d'enseignement à distance menée depuis 1989 par Médiadix avec la collaboration du service d'enseignement à distance de l'Université de Paris X (Télédix). La parole était ensuite donnée à des représentants des collectivités locales, Monsieur Beuscart, Secrétaire général adjoint de la Ville de Tourcoing, et Monsieur Condemine, Maire-adjoint de la Ville de Mâcon, chargé des affaires culturelles, qui représentait la Fédération nationale des communes pour la culture. Enfin, Monsieur Goasguen, Inspecteur général des bibliothèques apportait des informations sur le concours des bibliothécaires adjoints de l'État et la formation de ces personnels.

    Les C.R.F.P.

    A Christine Girard revenait donc le soin d'ouvrir cette journée par le bilan de cette réforme qui s'est déroulée en deux temps :

    • 1987 : création ou restructuration de 12 Centres régionaux rattachés à des Universités, chargés de la préparation au Certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire et au concours de bibliothécaire adjoint d'État, chargés aussi d'assurer, de leur propre chef ou à la demande d'organismes divers, des sessions de formation continue.
    • 1989 : réforme du CAFB. et création de la Commission pédagogique nationale, chargée de la mise au point des programmes.

    Renforçant et élargissant les programmes créant une spécialisation image, fixant à 160 heures la durée du stage, cette réforme a eu des effets incontestablement positifs ; il faut noter ainsi la création de nouveaux diplômes universitaires intégrant la préparation au CAFB : licence Métiers du livre à Marseille, DEUST Information scientifique et technique à Lille. Or, les nouveaux statuts de la filière culturelle de la Fonction publique territoriale, dont chacun connaît aujourd'hui l'architecture, obligent à reconsidérer toute la question de la formation : sur les sept cadres d'emploi, seul celui des assistants qualifiés de conservation exige une formation préalable, un diplôme technico-professionnel préparé sur deux ans. D'où une constatation : le CAFB perd le monopole dont il bénéficiait jusqu'alors pour l'accès aux postes territoriaux ; d'où également une question : si les DUT Carrières de l'Information et les DEUST font d'emblée partie des diplômes technico-professionnels admis pour le concours d'assistant qualifié, quel est l'avenir du CAFB ? La Commission pédagogique nationale a été chargée d'établir une première maquette de formation qui devrait répondre au principe suivant : mise en place d'un enseignement professionnel (1 400 heures) moins spécialisé que l'actuel CAFB, mais donnant une large place à des matières générales telles que les techniques d'expression, les langues vivantes, l'informatique, l'histoire des idées et des sciences et l'administration ; il convient aussi de développer considérablement les matières de base liées à chaque spécialisation : littérature de jeunesse, histoire de la musique, du cinéma, etc. En effet, nos métiers sont depuis quelques années en constante mutation : plutôt que de cibler l'enseignement sur les techniques en cours, il est souhaitable de viser l'acquisition de méthodes et de repères. En somme, par une formation généraliste, de préparer des professionnels capables de s'adapter aux évolutions futures du métier. A la formation continue d'apporter à chacun au cours de sa carrière les connaissances spécialisées nécessaires.

    En conclusion, Christine Girard insiste sur le rôle déterminant que pourraient jouer les Centres régionaux, tant dans le domaine de la formation initiale que dans celui de la formation continue.

    Pierre-Jacques Lamblin insiste à son tour sur la nécessité d'une formation de niveau Bac + 2, minimum indispensable, qu'il s'agisse de lecture publique ou de documentation universitaire. Toutefois, à partir de l'expérience lilloise - cohabitation du CAFB et d'un DEUST " Sciences et techniques de l'information et de la documentation " - il met l'accent sur les difficultés qu'il a pu rencontrer : problèmes de compatibilité tant au niveau des contenus que de l'organisation des formations, coopération difficile entre enseignants universitaires et enseignants professionnels. S'il est convaincu du fait que l'Université est le meilleur lieu pour l'organisation de la formation, il s'interroge sur la participation future des professionnels. Demeure-ront-ils acteurs à part entière, ou ne joueront-ils qu'un rôle de second ordre ?

    La coopération à Dijon entre l'IUT Carrières de l'information et le Centre " Bibliest " semble plus facile ; il s'agit d'ailleurs d'une affaire déjà ancienne, les deux organismes ayant été créés dans les années 70. Plus que dans le cursus normal en deux ans (les étudiants de l'IUT préparent le CAFB en seconde année), la réussite réside dans la filière " année spéciale " qui, en 750 heures (un semestre), prépare des titulaires de licences et de maîtrises à la fois au DUT et au CAFB ; il existe également une filière continue diplômante pour les salariés. Silvio Marchetti livre les résultats d'une enquête menée auprès des promotions récentes de chacun des deux organismes : les diplômés du CAFB travaillent majoritairement dans le secteur public (plus de 80 %) ; ce sont surtout des sous-bibliothécaires (69 %), les autres ayant des postes soit d'employés, soit de bibliothécaires ; ils sont implantés surtout en Bourgogne, Franche-Comté et Champagne ; les titulaires d'un DUT ont plus de débouchés dans le secteur privé (40 %) ; 25 % à 30 % ont des salaires d'environ 8 000 Francs, 10 % à 15 % d'environ 12 000 Francs ; 40 % d'entre eux ont quitté leur région pour Paris, la Bourgogne et Rhône-Alpes venant ensuite (chacune 16 %). Enfin, Silvio Marchetti compare l'encadrement et le coût des deux formations : à l'IUT, 180 étudiants ont un enseignement de 800 heures par an ; il y a 11 enseignants permanents (7 détachés du secondaire, 4 du supérieur) ; y compris les heures complémentaires, on arrive à un total de 6 650 heures annuelles ; avec 420 heures annuelles pour 55 élèves, aucun enseignant permanent sauf le directeur, le système " Bibliest " est beaucoup plus économique.

    Parlant au nom des bibliothécaires musicaux, Marie-France Maury s'écartait de ses prédécesseurs en militant pour une formation spécialisée : on assiste à l'heure actuelle à un développement considérable des bibliothèques musicales (conservatoires, orchestres, radios) ; musibus et partothèques sont créées au sein des DRAC ou de structures associatives diverses. Or, la formation actuelle est tout à fait insuffisante pour le traitement des documents particuliers, notamment la musique imprimée. Il convient donc, dès la formation initiale, de prévoir un enseignement poussé et spécialisé dans ce domaine, complété bien sûr par l'indispensable histoire de la musique.

    Télé-enseignement

    L'après-midi commençait par l'exposé de Nic Diament, conservateur à Médiadix. C'est dans la carte des Centres régionaux de formation qu'il faut voir l'origine du télé-enseignement au CAFB : en effet pour répondre aux besoins des trous de cette carte (les régions de Languedoc-Roussillon, Pays de Loire, Corse, Champagne-Ardennes et jusqu'en 1990 Bretagne, ainsi que les DOM-TOM), a été mis en place l'enseignement par correspondance à la rentrée 1989.

    Qui bénéficie de cet enseignement à distance ?

    Si on veut dresser le portrait-robot du télétudiant, il faut d'abord souligner qu'il s'agit d'un étudiant empêché de suivre normalement les cours dans un centre... pour des raisons :

    • d'éloignement géographique ;
    • d'empêchement spécifique : handicaps, détention, présence sous les drapeaux... ou d'empêchement plus original (travail de nuit, soins des bêtes à la ferme, etc). Il y a aussi les cas sociaux (RMI, chômeurs, etc.) ou les cas personnels pathétiques (veuvages, divorces, etc.)

    Après dépouillement des dossiers, on découvre que les télétudiants sont surtout des femmes, en écrasante majorité (88,5 %), 65 % ont plus de trente ans, presque 60 % n'ont " que " le baccalauréat ou moins, 65 % d'entre eux travaillent (dont un cinquième en situation précaire...). Le téléenseignement est de façon privilégiée de la formation continue.

    a Quels problèmes pose l'enseignement par correspondance ?

    Il s'agit d'une tentative originale d'enseignement professionnel dans le cadre universitaire, ce qui pose parfois des problèmes de cohérence, de rythme (notre année scolaire commence en septembre, les inscriptions ont lieu en juin ...) ; des problèmes administratifs (Sécurité Sociale pour les étudiants à l'étranger...), d'organisation et de gestion matérielle (morcellement des envois), et pédagogiques (1 100 pages de polycopiés et 46 devoirs par étudiant et par an, à comparer avec un DEUG d'allemand qui représente un gros polycopié et six devoirs ).

    Il faut gérer les grands nombres :

    • un grand nombre de pages de cours, de devoirs et de corrigés ;
    • un grand nombre d'étudiants (265 en France et dans le monde) auxquels s'ajoutent tous les redoublants, les rattachés et les dossiers des futurs inscrits ;
    • un grand nombre d'enseignants (rédacteurs et correcteurs représentent chaque année plus de 70 personnes).

    C'est aussi un défi pédagogique : un enseignement qui s'adresse à des étudiants qui ne sont pas sélectionnés sur leurs qualités intellectuelles ou scolaires prétend préparer uniquement par écrit (ni cassettes, ni vidéos) des épreuves orales.

    Se posent aussi des problèmes dûs à l'éloignement : comment enseigner le choix de livres et la bibliographie à des personnes, à priori, éloignées de toute ressource documentaire, comment aider les étudiants à l'étranger à se procurer les livres au programme d'analyse adulte ...

    Enfin l'isolement de l'étudiant est et demeure le problème N° 1 ; isolement qui induit des découragements (soulignons l'importance du soutien moral téléphonique et épistolaire), des abandons et une forte proportion d'absentéisme à l'examen (absentéisme classique dans l'enseignement par correspondance.)

    En conclusion, le téléenseignement est un outil indispensable au service de la formation continue, il a fait la preuve de son efficacité, la disparition du CAFB n'entraînera pas celle, nous l'espérons, de cet instrument pédagogique. L'expérience acquise en trois ans nous permettra de nous adapter rapidement aux nouvelles missions de Médiadix.

    Du côté des employeurs

    Les représentants des collectivités territoriales, MM. Condemine et Beuscart, attestaient ensuite de la qualité de 'la formation au CAFB et de sa très bonne adéquation aux emplois. On notera en particulier la proposition de Monsieur Beuscart : afin de permettre une meilleure insertion du personnel culturel au sein de la fonction publique territoriale, il serait souhaitable que les candidats effectuent une partie de leur stage dans un service autre que culturel ; ils seraient ainsi mieux préparés à leur statut de fonctionnaire territorial.

    Il s'agissait enfin de la formation des bibliothécaires-adjoints de l'État... Monsieur Goasguen faisait état d'une enquête menée en 1990 auprès des admissibles pour mieux connaître les conditions de préparation aux concours, dont les matières recouvrent en partie celles du CAFB : en fait 3 candidats sur 5 préparaient en même temps CBA (Concours de bibliothécaire-adjoint de l'État) et CAFB. Les épreuves sont les mêmes qu'en 1950 (4 épreuves écrites, 4 épreuves orales) avec un programme nettement alourdi en matière bibliothéconomie, plus une épreuve facultative d'informatique rajoutée récemment.

    Aucun programme en revanche pour le concours de bibliothécaire-adjoint principal (une épreuve écrite, un entretien avec le jury).

    De toute façon les nouveaux statuts à paraître obligent à mettre à plat tout le dispositif existant jusqu'à présent. Il convient notamment de redéfinir le CBA comme accès à un corps B type, et d'alléger notablement, et le programme, et les épreuves. Quant au concours de BAP, convient-il de le maintenir ? La réflexion est engagée.

    Et demain ?

    Ces différentes interventions n'ont pas manqué de susciter questions et commentaires des participants du séminaire.

    • Une préoccupation partagée : l'avenir du CAFB, l'avenir des Centres de formation. Chargé de la formation initiale à la sous-direction des bibliothèques, Alain Gleyze faisait le point sur les solutions envisageables, sans toutefois être en mesure alors de se prononcer sur l'avenir des Centres. Le Ministère de l'Éducation nationale souhaite une simplification des filières de formation. Il est donc difficile de compter sur une transformation du CAFB en diplôme universitaire spécifique. On peut en revanche prévoir une intégration des contenus dans un diplôme universitaire existant, DUT ou DEUST, ce qui aurait l'avantage de faire bénéficier la formation des services généraux de l'université. Une nouvelle voie est également ouverte par les Instituts universitaires professionnalisés (IUP), dont l'entrée se fait à bac +1, et qui prévoient une sortie à bac + 2 (le DEUP), à bac + 3 (licence professionnalisée), à bac +4 (maîtrise). Le choix entre ces différentes possibilités pourrait se faire en fonction des circonstances locales.
    • Un souhait partagé : un vrai cursus de formation allant de celle des magasiniers à celle des chercheurs dont la présence manque cruellement dans le monde des bibliothèques.
    • Autres questions : qu'en sera-t-il des formations post-recrutement dans la Fonction publique territoriale ? A qui le CNFPT la confiera-t-il ?

    Si parmi ces interrogations, certaines - notamment la dernière - restent aujourd'hui sans réponse, il en est au moins une sur laquelle on a maintenant une certitude : en effet, lors d'une réunion des Directeurs de Centres de formation, Monsieur Renoult (DPDU) et Monsieur Calenge (DLL) ont annoncé le maintien de ces structures. Leurs missions : préparation aux concours et formation continue. Il s'agit là d'une décision heureuse et logique, et qui, au moins en partie, répond au voeu formulé par Christine Girard dans son exposé d'ouverture du séminaire.