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    CAFB

    Notes et réflexions pour un bilan

    Par Pierre-Jacques LAMBLIN, Directeur de l'Institut de formation aux métiers du livre et de la documentation de l'Université Lille III

    Il ne me semble pas utile d'analyser le C.A.F.B. actuel pour en préconiser des améliorations et des aménagements qui s'ajouteraient à une longue liste de voeux pieux. Ce serait là de l'acharnement thérapeutique.

    Je crois plus judicieux de partir du C.A.F.B. actuel pour formuler les manques que devrait combler une formation professionnelle de niveau Bac+2 dans un 1er cycle universitaire, à la lumière de ce que nous essayons d'entreprendre à l'Université de Lille III avec le DEUST "Sciences et techniques de l'information et de la documentation".

    Les réflexions qui suivent sont formulées comme elles me sont venues et ne constituent pas une analyse structurée de la question.

    Dénomination

    Première remarque apparemment anodine : c'est une erreur d'avoir réformé le C.A.F.B., en 1989, en lui gardant son ancienne dénomination. La formation C.A.F.B., depuis qu'elle existe, traîne une réputation de bricolage et de bénévolat avec laquelle il aurait fallu rompre en commençant par adopter une autre dénomination.

    Statut

    Le C.A.F.B. est-il vraiment un diplôme national ? Remarquons que ce diplôme n'a jamais eu de véritable programme, si ce n'est un contenu dont les grandes lignes et le volume horaire sont fixés par décret.

    Les universités dont dépendent les centres de formation ne demandent pas au ministère de l'Education nationale une habilitation pour la formation comme ce devrait être le cas pour un véritable diplôme national de plein droit.

    Pouvant être préparé en un an après le bac, le C.A.F.B. a, de fait, un statut bac+1 bâtard. Les cursus universitaires ayant comme niveau minimum le Bac+2, le C.A.F.B. manque de crédibilité mais, paradoxalement, pas vraiment de contenu puisque l'inflation des questions qu'on y met pour remplir le "programme" fait que le niveau Bac+2 serait justifié pour que chaque question puisse être correctement traitée.

    C.A.F.B. et université

    L'insertion de la formation élémentaire des bibliothécaires et des documentalistes dans un cursus universitaire complet est nécessaire. La qualité pédagogique et le contenu de la formation ne sont perfectibles que s'ils évoluent dans un cursus offert à l'étudiant (Bac+2, +3, +4). La continuité doit permettre à ceux qui ont arrêté leurs études de les reprendre pour accroître leur qualification personnelle et améliorer leur situation professionnelle.

    C'est d'autant plus important qu'une formation de bibliothécaires et de documentalistes aura toujours, par nature, une fonction de formation continue et de promotion sociale en raison de l'évolution accélérée des techniques et des structures du recrutement. Les employeurs les plus importants sont en effet des employeurs institutionnels (communes, départements, régions, Etat, établissements publics, etc.) qui ont une tradition de recrutement, regrettable, à des niveaux de qualification modeste (Bac) et de promotion interne. L'université doit s'adapter à cette réalité.

    Quant aux étudiants qui suivront une formation en continu de Bac+1 à Bac+4, ils devront acquérir des connaissances sans cesse confrontées à la réalité (c'est une formation professionnelle où le côté pratique et "chosifiant" est particulièrement fort), mais qui doit aussi éviter (ce que ne fait pas la formation C.A.F.B. actuelle) le descriptif sans perspectives, l'utilitarisme à court terme, le prosaïque sans analyse de fond.

    L'insertion dans un cursus doit aussi permettre d'ouvrir l'enseignement à des enseignants-chercheurs universitaires. Ce n'est pas mésestimer les bibliothécaires que de constater que l'enseignement qu'ils donnent pèche souvent par excès de détails, par manque de recul critique sur leur propre pratique professionnelle, recul critique qu'ils pourraient avoir s'ils avaient le temps d'y réfléchir dans la perspective de la transmission de leur expérience et de leurs connaissances, avec un horaire aménagé (enseignement à temps partiel par exemple).

    Ce n'est pas non plus faire preuve d'une confiance naïve dans l'université, ni surestimer les universitaires, que de souhaiter une participation accrue de ceux-ci à la formation. Il faut aussi être extérieur au monde des bibliothèques et des centres de documentation pour analyser leur fonctionnement et pour transmettre aux futurs bibliothécaires-documentalistes des connaissances de culture générale,scientifique et technique et de formation universitaire qui soient susceptibles d'ouvrir leur esprit au delà du court terme. Il faut leur donner des bases pour un complément éventuel de formation universitaire extraprofessionnelle.

    L'essentiel, ici, n'est pas tellement d'apprendre que d'apprendre à apprendre et d'acquérir une capacité à une constante autoformation.

    Ajoutons qu'un cursus complet permettrait d'associer l'enseignement à la recherche et de le féconder par celle-ci. C'est peu de dire que la bibliothéconomie française souffre d'un manque évident de recherche et de publications produites par les chercheurs et des bibliothécaires-chercheurs.

    Statut des Centres

    Une association de type conventionnel est nécessaire avec une grande bibliothèque universitaire ou municipale.

    Il y a des raisons pratiques et pédagogiques : Il est inenvisageable d'investir dans l'acquisition des moyens "logistiques" pour l'enseignement de la R.D.I. (Recherche documentaire informatisée), de la gestion informatisée de bibliothèque et du catalogage informatisé pour un seul centre de formation en raison du coût disproportionné par rapport au nombre d'étudiants et de la constante remise à jour nécessaire en raison du développement des techniques et connaissances acquises dans un centre de formation "autosuffisant".

    La qualité, l'ouverture de l'enseignement et la nécessité, évoquée plus haut, d'un cursus complet imposent de même qu'un centre de formation au C.A.F.B., aux concours de recrutement et à un diplôme de 1er cycle de type DEUST, soit associé ou intégré à une U.F.R. (U.F.R/ consacrée à l'I.S.T., U.D.R. des Sciences de l'Education ou autre). L'"indépendance" des centres est une erreur parce qu'elle signifie :

    • * la misère et le repli sur soi
    • * un statut social subalterne dans l'université
    • *l'impossibilité de trouver un statut administratif ou, au moins, un statut administratif cohérent.

    L'augmentation horaire et de contenu du C.A.F.B. 1989 a des effets positifs mais ce contenu reste restreint. Il y a des manques :

    • sciences de l'information
    • informatique-bureautique
    • informatique de gestion- recherche documentaire informatisée
    • anglais
    • sociologie des publics
    • initiation économique et juridique.

    Il y a aussi des défauts "structurels" : l'importance excessive donnée au catalogage et à la bibliographie "papier", inconvénient accru par l'absence de lien organique avec une bibliothèque importante et informatisée, évoqué plus haut, et rendant d'autant plus nécessaire et urgent la création de ce lien. Un exemple : des travaux pratiques de catalogage informatisé, à peu près irréalisables dans la plupart des centres, devraient être faits sur cas réels, dans la perspective d'une mise à disposition du public effective des documents traités.

    Etat de mes cogitations le 20-12-90.