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    Un grand réseau municipal en Allemagne

    La Stadtbücherei de Cologne

    Par Vanbésien Hugues, Bibliothèque centrale de prêt de l'Aisne
    C'est dans le cadre du programme de stages franco-allemands, organisés par le Ministère de la culture (Direction du livre de la lecture) et le Deutsches Bibliotheksinstitut (DBI) de Berlin que j'ai passé quatre semainesfin 1991 dans les bibliothèques de Cologne.

    Je tiens à remercier le DBI et la Stadtbücherei pour l'excellente organisation de ce stage et les collègues allemands pour le temps qu'ils ont bien voulu m'accorder, leur franchise et leur talent pédagogique.

    Le réseau municipal de Cologne formait le sujet principal de ce stage. Trois aspects m'ont paru particulièrement dignes d'intérêt et donneront sa trame à ce rapport. Tout d'abord, l'échelle de la ville (1 million d'habitants) et du service (1,3 million de documents, presque tous en libre accès ; 3,75 millions de prêts par an) qui ont peu d'équivalents parmi nos bibliothèques municipales. Ce réseau municipal obéit à un concept de la bibliothèque centre d'information qui privilégie le documentaire et l'information bibliographique, multiplie les supports. Enfin, ce réseau municipal est fortement organisé comme tel et entretient des relations fonctionnelles avec d'autres réseaux "emboîtés", locaux, régionaux et nationaux.

    La ville et sa desserte

    La ville de Cologne, bien que n'étant aucunement une capitale administrative, est une des grandes métropoles allemandes. Colonie romaine, ville épiscopale et universitaire, grand port fluvial et cité commerçante depuis le moyen âge, elle appartient aussi, par la rive droite du Rhin (Kôln-Deutz) au grand bassin industriel (chimie, métallurgie) englobant notamment Leverkusen et Düsseldorf.

    Cologne abrite nombre d'unités productives et de sièges de grandes entreprises, ainsi que des institutions régionales et fédérales. La diversité du substrat économique et social, la multiplicité des échelles en cause, ne sont pas sans conséquences sur les activités documentaires.

    L'environnement documentaire

    Le guide des bibliothèques de Cologne recense 94 bibliothèques, réseaux de bibliothèques et centres de documentation importants.

    Dans cet environnement documentaire, la bibliothèque municipale est une plaque tournante pour l'orientation des usagers : le prêt-inter n'existe pas à l'intérieur d'une localité d'un établissement à l'autre. En ce qui concerne la fourniture du document, il s'agit de pourvoir aux besoins documentaires de base de toute la population de la ville et de jouer un rôle de recours par rapport aux bibliothèques des communes limitrophes. Pour cela, on conjugue d'importantes collections, un prêt-inter bien organisé et bien rodé, et d'importants moyens bibliographiques. L'équilibre du système est notamment attesté par l'absence de "problème étudiant" dans la BM. Ceux-ci représentent un peu moins de 20 % des emprunteurs...

    La bibliothèque municipale, enfin, n'a plus de fonds ancien, les vieux fonds de lecture publique ayant été détruits pendant la guerre et les fonds anciens et précieux versés à la bibliothèque universitaire.

    Ainsi se trouve circonscrit le champ de la lecture publique, que viennent compléter trois services en direction de publics spécifiques : la bibliothèque des aveugles, le service aux personnes âgées en établissement et l'aide technique aux bibliothèques scolaires. Deux entités spécialisées s'y rattachent avec plus ou moins de bonheur et de synergie : "Germania Judaica" et "Littérature à Cologne" (voir ci-dessous).

    La diversité urbaine : la couverture territoriale

    La commune actuelle s'est constituée depuis un siècle par absorptions successives des communes périphériques. Elle atteint aujourd'hui 25 km dans sa plus grande largeur d'Est en Ouest et 30 Km dans sa plus grande hauteur du Nord au Sud.

    La ville se structure de façon concentrique avec un hypercentre (vieille ville et ville nouvelle du 19e siècle) sur la rive gauche du Rhin, limité par une première ceinture verte englobant les domaines universitaires. Cette zone est dévolue aux commerces et au tertiaire supérieur quoique les logements n'en soient pas exclus. La cathédrale et la gare centrale en sont le coeur et l'artothèque (qui est au moins autant un lieu d'exposition qu'un lieu de prêt) se situe à proximité. La bibliothèque centrale occupe le centre géographique (Am Neumarkt), à l'un des plus importants noeuds des transports collectifs.

    Au-delà s'étend un grand centre limité par une deuxième ceinture verte où apparaissent déjà les grands équipements (cimetières, stades, hôpitaux) et les activités industrielles, mais la tonalité reste intra-urbaine. C'est la zone de logements denses. C'est là que se répartissent, en couronne, l'essentiel des 16 annexes, etles anciens centres des communes ratta-chées. La troisième zone est formée pardes noyaux d'activités et d'habitats pluscontrastés et discontinus sur la frangeextérieure : lotissements pavillonnaires,petits ensembles collectifs, un grandensemble de 70 000 habitants(Chorweiler, avec une grande annexe).Les coupures dans le tissu urbain (voiesferrées, aériennes, autoroutes, zonesindustrielles, champs) s'accusent et lesliaisons pénétrantes (trains, tramway-métro) restent excellentes. Cette zone estla terre d'élection des bibliobus de prêtdirect (6 véhicules + 1 en réserve, 97points de desserte hebdomadaire).

    Ce réseau est, dans son ensemble, relativement ancien. En fait, les annexes ont largement précédé la centrale, ouverte en 1979. Les "petites annexes" (autour de 300 m2 et 30 000 documents) préexistaient comme BM des communes rattachées ou ont été construites en réponse à des demandes locales dans les années 50 et 60. Les "grandes annexes" (autour de 1 000/1 200 m2, 60 à 90 000 documents) ont vu le jour à partir des années 1970 dans le cadre d'un programme de création de mairies d'arrondissement dans lesquelles les bibliothèques sont systématiquement intégrées. Deux grandes annexes sont en service et deux autres en projet à court terme.

    Il est difficile d'apprécier la couverture territoriale, le contexte se prêtant mal aux plans de développement, mais certaines zones desservies par bibliobus ont des concentrations de populations qui justifieraient de nouvelles annexes. Le réseau actuel a d'ailleurs régressé depuis son âge d'or du début des années 80, perdant six annexes lors de la première crise budgétaire de 1982.

    La desserte urbaine : un service flexible et décentralisé

    Les points de desserte décentralisée offrent tous un service de base complet : ils sont multimédias au moins pour le prêt, et destinés à tous les publics (enfants et adultes). Les ressources en ouvrages de référence restent impressionnantes : les annexes les plus importantes disposent par exemple du Who's Who, et les bibliobus sont équipés du dictionnaire encyclopédique courant (Brockhaus).

    Tous les points de desserte sont aussi conçus comme des points d'accès à l'ensemble du réseau. Depuis dix ans, et sans attendre l'informatisation intégrée en ligne, la bibliothèque dispose d'un catalogue unique localisant tous les documents, sous forme de microfiches remises à jour tous les trimestres. Même les véhicules sont équipés de lecteurs. En fait, tout document présent au catalogue peut être réservé en n'importe quel point du réseau au moyen d'un bordereau en trois exemplaires dont l'un est envoyé au lecteur par la poste dès que l'ouvrage est disponible. Un prêt-inter interne (13 000 documents par an) fonctionne donc de la centrale vers les annexes mais aussi, dans une moindre mesure, des annexes vers la centrale. Toutes les annexes sont équipées de fax, qui servent à la messagerie et à la transmission de documents courts (articles, notices d'usuels). Deux camionnettes sont dévolues au trafic interne.

    Ce système est coûteux en temps de travail (traitement des bordereaux, recherche en rayons, vérification, etc... ) et l'introduction d'un système informatique intégré en ligne permettra des économies notables. Il ne marche en fait que parce qu'un très grand nombre de demandes sont satisfaites localement, selon un principe d'économie et de recours qui inspire aussi l'architecture des réseaux locaux, régionaux et nationaux. La coopération suppose une taille viable des unités participantes : c'est pourquoi les micro- bibliothèques sont proscrites. Une bonne architecture de la hiérarchie des unités documentaires permet de créer un véritable réseau fonctionnel, même avec un minimum de technologie...

    Les personnels des services décentralisés sont soigneusement informés du développement des services de la centrale dont ils sont aussi les intermédiaires (ces temps-ci, il s'agit surtout de l'introduction des CD-ROM). Ils ont d'ailleurs, dans la plupart des cas et quel que soit leur cadre d'emploi, effectué au cours de leurscolarité un stage à la bibliothèque cen-trale d'au moins six semaines (voirtableau). La taille de la bibliothèque cen-trale ne doit pas masquer le caractèredécentralisé du réseau de Cologne : lamoitié du personnel et des collectionssont affectés aux services décentralisés.

    Evolution des activités et des moyens

    Les bibliothèques de la ville de Cologne poursuivent depuis une dizaine d'années l'édification d'un service conçu comme "centre d'information", privilégiant les médias documentaires et l'information bibliographique destinée à l'usager. On constatera, à la lecture des statistiques, cette prépondérance du secteur documentaire. Les responsables de la bibliothèque considèrent que la "lecture de loi-sirs" est une pratique culturelle fortement concurrencée, en régression, et cantonnée dans des minorités restreintes : personnes âgées, intellectuels, etc... Cette lecture de loisirs ne peut pas, ou plus, s'adresser à l'ensemble de la population ni justifier, pour la collectivité, l'existence du service culturel. Par contre, le livre et les nouveaux médias conçus comme des moyens d'information à des fins diverses, qu'elles soient professionnelles, civiques, directement pratiques ou subordonnées à une autre activité de loisir, ou comme moyen de formation sont l'objet d'une demande accrue. L'évolution des prêts semble leur donner raison : dans une conjoncture de croissance modérée, le volume de la fiction s'effrite, celui des documentaires domine, et les médias connaissent une forte croissance. La librairie et l'édition semblent d'ailleurs partager cette analyse. La composition du public témoigne, pour sa part de la validité de cette politique : on compte, parmi les usagers, 22% d'adultes actifs et 59% de 16-40 ans.

    Le volume du public, après la régression consécutive à la réduction du réseau en 1982, s'est stabilisé autour de 83 000 usagers recensés, avec un fort taux de renouvellement. Ce chiffre particulièrement "honnête" (on ne recense que les usagers ayant effectivement emprunté dans l'année) sous-estime la fréquentation réelle, car depuis l'introduction de l'inscription payante, les cartes de lecteur des adultes tendent naturellement à devenir "conjugales" et la bibliothèque centrale, offrant à peu près les ressources de la Bibliothèque Publique d'information, est évidemment fréquentée par des "consulteurs" non inscrits. Les responsables de la bibliothèque estiment modestement à 10% leur taux de pénétration.

    En 1982, une cure d'austérité, brutale et chaotique, s'est traduite par :

    • la suppression de 30 postes et la fermeture de 6 annexes, imparfaitement remplacées par de nouvelles dessertes du bibliobus ;
    • l'amputation de 40 % du budget d'acquisition ;
    • la réduction de 60 à 40 heures hebdomadaires d'ouverture de la bibliothèque centrale ;
    • l'introduction de l'inscription payante au-dessus de 18 ans (15 DM pour douze mois).

    Par la suite les moyens d'acquisitions ont retrouvé et dépassé leur niveau antérieur mais les réseaux et les effectifs n'ont pas été reconstitués, les autres postes de dépenses restent réduits au minimum (4 500 DM pour la communication, autant pour les impressions, 10 000 DM pour les animations, hors 15 000 DM assurés au secteur Jeunesse par un legs !).

    Le budget 1992 a réparti entre les services culturels de nouvelles mesures d'économie. Comme il est difficile d'économiser encore sur les moyens de fonctionnement et les personnels et que la bibliothèque veut maintenir et même développer le service, les 600 000 DM d'économie (sur un budget de 18 millions dont 3 pour les acquisitions) seront couverts par un accroissement des recettes. Les inscriptions passeront de 15 à 22 DM et le tarif des amendes sera relevé. Le système d'amende, progressif selon la durée du retard, se veut à la fois dissuasif et taxateur, et est radué de l'avertissement au dépôt de plainte. La procédure complète exige 4 ou 5 courriers et autant de vérifications sur listings et en rayons. Elle est lourde à supporter en temps de travail. Tout le monde en est bien conscient, mais le compromis politique passe par là... Au-delà la direction songe à mieux identifier ses usagers institutionnels ou professionnels pour définir un niveau de services payants....

    Ces mesures inquiètent bibliothèques petites et moyennes des environs qui craignent, non sans raison, de se voir appliquer sommairement les mêmes principes Les restrictions budgétaires se traduisent à la fois par un renchérissement (la gratuité était de règle) et une dégradation du service avec des effets catastrophiques sur la fréquentation.

    Acquisitions

    A la décentralisation de la desserte répond une concentration des services techniques : forte pour les acquisitions, totale pour le traitement intellectuel et matériel du document. Les services intérieurs, installés dans le bâtiment de la bibliothèque centrale, sont entièrement distincts des services publics et disposent d'un personnel spécialisé. Le traitement du document bénéficie d'effets de réseau nationaux : services bibliographiques de la Centrale d'achat des bibliothèques (EKZ) (1) et de la Deutsche Bibliothek de Francfort a/M., prééquipement des documents commandés à l'EKZ.

    Pour les romans, les suggestions d'acquisitions sont faites par les services publics. Les bibliothécaires les élaborent à partir de la sélection de l'EKZ qui se présente sous forme de fiches de catalogues (pour partie antérieures à la publication). Chaque service dispose d'un quota annuel pour les romans et les livres de poche. Ces derniers ne sont pas catalogués. L'annexe de Chorweiler a disposé en 1991 d'un quota de 200 romans et de 200 ouvrages de poche. Les suggestions sont adressées au service central qui assurera toutes les opérations suivantes. Pour les documentaires, les suggestions d'acquisition sont le fait de "Lektoren" (lecteurs) du service intérieur central, spécialisés dans cette tâche...

    Le budget d'acquisition, selon une pratique courante, est réparti au préalable pour chaque classe et pour chaque support en fonction de l'importance de la production et des priorités de la bibliothèque. Le prix moyen des ouvrages par domaine intervient dans la répartition et sert à établir pour chaque "Lektor" un quota de volumes.

    Il y a 5 "Lektoren" exclusifs, renforcés par trois bibliothécaires non spécialisés en charge de classes peu fournies (théologie, philosophie...). Chaque "Lektor" est multimédia à l'intérieur de son domaine de compétence. Les instruments d'acquisition sont naturellement très divers, les deux sources principales et générales étant la sélection de l'EKZ, qui recense 12 000 à 13 000 titres de documents par an (y compris des jeux, des vidéos, etc...) et les notices de pré-catalogage de la Deutsche Bibliothek (80 000 titres par an), utilisées ici sous forme de fiches. La BM achète entre 25 et 30 000 titres chaque année, et plus de 100 000 documents de tous types. Les supports sont multiples, avec un grand intérêt pour les non-livres (cartes, partitions, jeux, disquettes, CD-ROM à partir de 1992) mais pas particulièrement pour les vidéos (2 700 unités dans le réseau dont 1 800 à la centrale) ni pour les documents musicaux.

    La bibliothèque a certains domaines d'excellence en raison de sa situation dans le réseau régional. Ce sont les instruments bibliographiques, de par sa fonction de bibliothèque de deuxième niveau, plus la pédagogie et la documentation professionnelle. Comme il n'y a pas de bibliothèque nationale dans le Land de Rhénanie, un plan d'acquisition a réparti les acquisitions entre une quarantaine de bibliothèques, qui reçoivent pour leurs domaines d'excellence des subventions du Land. Ce plan vise l'exhaustivité pour la production allemande et une partie significative de la production étrangère, au service du réseau régional de prêt-inter...

    Les éliminations sont décidées dans les services publics. Leur volume est variable (45 000 documents en 1989, 57 000 en 1990). On conserve à la centrale une série complète de chaque périodique.

    Vers un système intégré

    La bibliothèque est équipée depuis 1977 d'un système informatique Basis doté des fonctions prêt et de stockage des données bibliographiques (en local). Le point fort du système a été l'édition sur microfiche du catalogue auteurs-titres pour le réseau et pour le prêt-inter.

    Tout le traitement des documents se fait sur bordereaux, la fiche de précatalogue de l'EKZ ou du DBI est chargée progressivement des données locales.

    Un système intégré en ligne est en cours de conception et d'installation. La fonction prêt et la fonction catalogue (sous son aspect bibliographique) sont considérées comme classiques, quoique mettant en jeu une grosse masse de documents (1,3 million), une extrême diversité de supports et de modalités de prêt, et quelques 10 000 "incidents" simultanés (sanctions et réservations).

    La bibliothèque attend surtout de son nouveau système qu'il lui procure un catalogue matière, des possibilités de recherche documentaire poussées, et un bon OPAC à la disposition du public. Ces dernières fonctions ne sont pas encore résolues de façon satisfaisante par les différents systèmes que nous avons eu l'occasion d'observer. Il s'agit aussi de récupérer les notices, y compris les mots matières, auprès de la Deutsche Bibliothek, sur bandes.

    Courant 1990, il fut choisi de procéder à un test sur les principaux aspects des modules classiques et sur un premier développement des modules innovants. Deux systèmes (BASIS et ALS) furent retenus et effectivement installés à la centrale et dans deux des annexes, porteurs d'une grande partie de la base catalographique. La phase de test, étalée sur deux ans, permet à ALS et à BASIS de faire évoluer leur produit, et à la BM de parvenir à ce qui se veut le système le plus moderne d'Allemagne. Les responsables sont enchantés du travail mené avec les deux sociétés. Il est encore trop tôt pour apprécier le résultat, les deux systèmes étant loin d'être "finis" (pas de thésaurus, pas de recherche booléenne pour l'un...).

    Statistiques (Lecteurs et prêts)

    Publics 1989 (Voir les tableau^ page 63)

    On remarque sans surprise que 44,7 % des actifs et 77,2 % des étudiants s'inscrivent à la centrale, que 82,8 % des enfants, 79.5 % des retraités et 71,2 % des femmes au foyer s'inscrivent dans les annexes ou au bibliobus. La plupart des scolaires n'ont pas cours l'après-midi. Les étudiants et les adultes sont inexistants dans le public des bibliobus et d'autant plus présents que la bibliothèque est grande, avec des collections fournies. Les chiffres détaillés du comportement des lecteurs montrent que les adultes actifs sont les gros consommateurs de documentaires et de non-livres mais que leurs emprunts sont inférieurs à ceux des autres groupes.

    La bibliothèque centrale

    Le bâtiment

    Programmé vers 1968, parvenu au stade de projet architectural en 1974, la bibliothèque centrale a été ouverte en 1979. La surface totale est de 14 300 m2 dont 1 300 forment une réserve d'espace occupée par des salles de cours de l'Ecole supérieure spécialisée. Les surfaces utiles se décomposent en 4 800 m2 d'espaces publics, 2 400 de services intérieurs et 1 600 de magasins.

    Le bâtiment articule trois volumes cubiques légèrement emboîtés pour offrir un rez-de-chaussée et 4 plateaux de services publics accolés au rez-de-chaussée et 6 niveaux de services intérieurs. Les magasins sont en sous-sol, avec 2 niveaux de 2 étages de rayonnages autoporteurs. De petits monte-livres aboutissent derrière la banque de renseignement de chaque section. Les documents ainsi acheminés sont commandés par téléphone et parviennent en général en moins de 15 minutes.

    Les services publics s'étagent de la façon suivante :

    • au rez-de-chaussée l'espace des quotidiens, la section jeunesse (proche de l'entrée, en sous-sol), la banque de prêt/retour unique et, en arrière de celle-ci, une vaste salle permettant de stocker 60 chariots de documents restitués ;
    • au 1er étage, sur le plus grand des plateaux, les sections 1 (Bibliographie générale, informatique, sciences de la nature, économie, mathématiques, médecine, techniques), et 2 (langues et littérature) ;
    • au 2e étage, l'histoire, la géographie, la sociologie, la politique, le droit, le fonds local, formant une section ;
    • au 3e étage, la section religion, psychologie, pédagogie, philosophie avec le fonds en libre accès de la bibliothèque Germania Judaïca ;

    Vignette de l'image.Illustration
    Lecteurs et prêts 1990

    Vignette de l'image.Illustration
    Public 1989

    • au 4e étage, la section art, théâtre, musique.

    L'ensemble est desservi par un escalier encagé et deux batteries d'ascenseurs, le même dispositif se retrouvant pour les circuits intérieurs. Le principal cloisonnement est entre les services intérieurs et les services publics, mais c'est aussi un cloisonnement fort dans l'organisation. La nécessité d'espaces de bureaux et de stockages légers à proximité immédiate des banques de renseignement, pour le personnel du service public, s'est révélée à l'usage et a donné lieu à des cloisonnements sauvages. La banque d'information générale (orientation générale et cas bibliographiques désespérés) a du mal à trouver sa place. Les banques de renseignement, qui ont vu se multiplier les matériels (terminaux, lecteurs de CD-ROM...) sont aujourd'hui un peu sous-dimensionnées. Il n'y a pas d'espaces d'animation spécialisés.

    Les places assises sont disséminées en petites unités de deux places avec, en outre, au premier étage une concentration d'une quinzaine de "carrels", certains équipés de micro-ordinateurs (à réserver). Le bâtiment est simple, dépourvu d'effets architecturaux et très flexible. Une partie des cloisons des services intérieurs sont des parois précaires boulonnées au plafond. Les câblages courent sur le treillis métallique des faux plafonds et descendent jusqu'aux appareils dans des gaines rondes de plastique transparent... Ce n'est que la nuit tombée et toutes lumières allumées, que l'édifice révèle, depuis l'extérieur, sa grande transparence.

    La mise en espace des collections

    Toutes les sections sont multimédias mais les supports audiovisuels sont stockés sur des meubles distincts. Sauf en section musique, la consultation sur place n'est pas possible. Seuls les emballages de CD et des vidéos sont présentés, les documents eux-mêmes étant retirés à la banque de prêt : cette solution prévaut dans toutes les bibliothèques visitées. Certains documents précieux ou convoités (disquettes, cartes au 1/25 OOOème, normes D.I.N., certains jurisclasseurs ou périodiques...) sont également confinés dans des meubles fermés, ouverts à la demande, ou derrière les banques de renseignement. Ils sont, selon les cas, transmis contre remise de la carte d'usager ou contre bulletin, ce qui permet aussi de tenir les statistiques de leur utilisation et de décharger la bibliothèque des usagers illicite (copies...) par engagement de l'usager.

    La classification propre à la bibliothèque municipale n'est pas un outil très fin pour la recherche documentaire, mais se prête bien à l'organisation de l'espace et à la signalisation. Elle compte 23 classes alphabétiques, chaque section en "gérant" de 3 à 6 ou 7. Chaque classe correspond à une zone de rayonnages. Elle est déclinée à un premier niveau de grandes disciplines par une signalisation suspendue au dessus des travées. En tête de travée, sur la tranche du rayonnage, figure une décomposition exhaustive de la classe, avec des indices de trois lettres et leur signification, et la localisation des indices selon la numérotation des travées. En arrière de chaque travée, toujours sur la tranche, figure les contenus des deux faces. L'ensemble de la classification avec la localisation par étage est rappelée par des panneaux muraux aux points stratégiques : entrée, accès des étages, lecteurs de micro-fiche. L'ensemble de la signalisation est amovible.

    Points forts des collections

    Les CD-ROM : depuis 1990, la bibliothèque propose un nombre grandissant de CD-ROM aux banques de renseignement. Le mini CD-ROM sera introduit en 1992. Les CD-ROM généraux sont présents à toutes les banques, chaque section dispose en outre de CD-ROM spécialisés et le service d'information générale détient toute la collection. Les CD-ROM, manipulés par les bibliothécaires, servent pour le renseignement et l'information bibliographique, y compris en fournissant gratuitement des listings.

    Le service d'information générale pratique aussi l'interrogation des banques de données (théoriquement plus de 800 banques) à un prix un peu supérieur à celui des BU, où l'interrogation est fortement subventionnée. Il effectue vingt recherches par mois. Le public se répartit, à peu près également, entre les étudiants, les professions libérales, les utilisateurs privés et les autres services municipaux. Ces moyens informatiques complètent d'importantes collections d'usuels traditionnels. Celles-ci sont très riches dans les domaines spécialisés mais curieusement lacunaires à un niveau encyclopédique. L'édition n'offre ni l'équivalent du "Que sais-je ?", ni celui de l'Encyclopaedia uni-versalis.

    Les autres services spécialisés

    La bibliothèque des aveugles

    La présence d'une bibliothèque pour les aveugles dans le service municipal de lecture est une originalité, car ces bibliothèques forment en Allemagne un réseau national, associatif, qui a une importante activité de production de documents et travaille surtout par voie postale (en franchise). Les points forts de ce réseau sont Stuttgart, Berlin, Hambourg, Münster et surtout Marbourg, la "centrale".

    La bibliothèque des aveugles de Cologne n'a pas de production documentaire. Elle achète les documents dans le commerce et auprès du réseau national. Elle pratique l'envoi postal et le prêt sur place. Son catalogue compte 3 000 cassettes et 300 usagers.

    L'introduction fin 1990 de la machine Lesophon (firme Novothek, à Constance), utilisée jusqu'ici dans les bibliothèques universitaires, renouvelle l'insertion des bibliothèques pour des aveugles dans les services de lecture publique, puisque la machine peut lire n'importe quel imprimé. La machine a été installée à la bibliothèque centrale pour disposer de collections plus importantes. Ce qui pose question du rapatriement de l'ensemble de la bibliothèque pour aveugles. Lesophon est un poste de travail informatisé avec clavier, expression sonore des commandes, scanner, synthèse vocale (anglais, français, allemand avec accents dialectaux), impression braille.

    Le service aux bibliothèques scolaires

    Le développement de bibliothèques d'écoles/centres de documentation et d'information (CDI) et la collaboration avec les bibliothèques municipales est un phénomène relativement récent (2) . La politique suivie dans ce secteur n'est pas sans analogie avec celle appliquée dans les quartiers ou les petites communes : la bibliothèque se définit d'abord par la présence de personnels professionnels et un volume suffisant de collections, les effets de réseau sont recherchés comme facteurs d'économie.

    Dans les années 70, il y avait des livres plus ou moins neufs... dans toutes les écoles, mais pas de bibliothèques à proprement parler. La création de bibliothèques/CDI a concerné d'abord les "Gesamtschulen", l'une des deux branches de l'enseignement secondaire, c'est-à-dire de grands établissements (entre 1000 et 2000 élèves) offrant un enseignement de tronc commun avec options - par opposition au système "ancien" et parallèle des collèges et des lycées par filières. Ces établissements ont été construits (ou modifiés) avec des locaux à usage de bibliothèque et la ville a assuré le développement de CDI en donnant à la bibliothèque municipale un rôle de tête de réseau et en recrutant et rémunérant des agents qualifiés (bibliothécaires diplômés et assistants). Ce dernier point est d'ailleurs la cause d'un conflit de compétence car le personnel pédagogique relève du Land et, si l'on considère que les CDI ont une fonction pédagogique, ce serait au Land et non à la ville d'en assurer la charge... Les documentalistes sont des agents municipaux, techniquement recrutés par la BM, mais ils ne sont pas gérés par elle et n'émargent pas à son budget.

    La bibliothèque municipale intervient comme service technique par le biais d'une cellule spécialisée qui conseille pour la conception et l'équipement des espaces de bibliothèque, reçoit les suggestions d'acquisitions et passe les commandes, traite les collections acquises (équipement, catalogage, indexation à l'aide d'une classification dérivée de celle de la bibliothèque municipale). Ce travail est effectué au profit de 13 CDI desservant 10 000 à 12 000 élèves.

    Littérature à Cologne (LIK)

    Cette cellule, qui se réduit à un chargé de mission, a été créée sur les constats d'une difficulté des archives municipales à traiter les sources littéraires, après le départ pour l'étranger de certaines pièces du patrimoine local.

    Littérature à Cologne exerce maintenant trois missions : réunir les sources sur les auteurs littéraires natifs de Cologne ou y ayant vécu : archives, livres, cassettes, photos, articles de presse.... (une grande partie des moyens budgétaires, en particulier ceux qui permettent d'intervenir dans les ventes, ne vient pas de la bibliothèque municipale mais de fondations) ; faire office de "bureau littéraire", et soutenir le travail des auteurs, notamment des jeunes auteurs. Ce qui se rapproche du travail des maisons d'édition : lire les manuscrits, établir une relation intellectuelle autour d'un projet littéraire. Mais cela comprend aussi une information sur les possibilités de diffusion (édition, revues, radio-diffusion...) et sur les aides sociales ... ; promouvoir enfin la création littéraire.

    Germania Judaïca

    La bibliothèque Germania Judaïca est née en 1959 d'une urgence politique. Après la profanation d'un cimetière israélite, un certain nombre d'intellectuels, dont Heinrich Bôll, constituèrent une fondation pour créer cette bibliothèque avec un double objectif : informer sur l'antisémitisme, défendre et valoriser le patrimoine du judaïsme allemand.

    L'aspect militant, l'action culturelle/poli-tique en. direction du grand public se sont finalement estompés faute de moyens,. mais il est demeuré une bibliothèque spécialisée à vocation scientifique. Dans les années 70, la bibliothèque fut sauvée financièrement par le Land qui prit en charge le personnel (3 agents et un étudiant) et par la ville qui l'héberge dans le bâtiment de la nouvelle centrale.

    conclusion

    Les bibliothèques municipales de Cologne ont une conception de la bibliothèque publique cohérente : cette conception de la bibliothèque centre d'information a, d'une certaine façon, été imposée au public et s'est révélée adaptée à l'évolution économique et sociale. Il s'agissait moins de répondre à des attentes particulières, habituelles ou exprimées, que de proposer un outil.. Les bibliothécaires de service public sont formés à reconnaître les besoins du lecteur et à y répondre en utilisant les ressources du réseau. Le public, dont les pratiques documentaires et la capacité à utiliser une bibliothèque sont peut-être plus poussées qu'en France, n'a pourtant qu'une faible autonomie, et peu de familiarité avec cet outil complexe.

    1. EKZ - (Einkaufszentrum) : centrale d'achat des bibliothèques, à Reudingen. Société spécialisée dans le service aux bibliothèques dont le capital a été constitué par les collectivités locales. La ville de Cologne en est actionnaire. L'EKZ regroupe les commandes de documents des bibliothèques, se procure ceux-ci directement auprès des éditeurs et équipe les documents dans ses ateliers. La finition est faite éventuellement dans une Fachstelle pour les petits établissements (étiquettes, étuis, fiches). Ce service est étendu à tous les types de documents et comprend, pour les vidéos, la négociation des droits. Les bibliothèques l'utilisent pour une partie plus ou moins importante de leurs acquisitions. Le service bibliographique de l'EKZ, sur fiches de pré-catalogue, est le principal instrument d'acquisition en lecture publique. L'EKZ est aussi un fournisseur de matériels, du petit article adhésif au mobilier en passant par les affiches, autocollants, etc... Voir, à ce sujet, le compte rendu du voyage d'études de l'ADBCP en Bade-Wurtemberg à paraître dans "Transversales". retour au texte

    2. Le corps de doctrines et de normes des CDI figure dans une publication du Deutsches Bibliotheksinstitut : Deutshes Bibliotheksinstitut. - Materialen zur Schulbibliothek 1 : Schul bibliotheken (Grundheft). - 1. Aufl.,. - Berlin, 1988. Ce secteur dispose aussi d'un périodique spécialisé : Schulbibliothek aktuell. ISSN 0341 471 X. retour au texte