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    Le bibliobus de Dakar

    Par Oumar Faye, Responsable du bibliobus

    Introduction

    Le bibliobus fonctionne sans trop de perturbations, sous la tutelle de la Direction des Arts, des Lettres et des Bibliothèques (DALB), auparavant Direction des Bibliothèques Publiques (DBP).

    Le projet est géré par un bibliothécaire professionnel. Celui-ci supervise l'acquisition et le traitement du fonds documentaire et assure sa diffusion auprès des usagers. Destiné au monde rural, le bibliobus dessert 12 villages répartis sur 3 axes dans les régions de Dakar et de Thiès.

    I. Description du bibliobus

    Le bibliobus est un petit bus Renault type B70, d'une longueur de 7 m, avec un fourgon surélevé. Il est muni d'une porte latérale coulissante et d'une porte arrière à deux battants.

    L'intérieur est équipé d'un bureau de prêt situé dans la cabine près de la porte latérale et comprend un tiroir plumier et un tiroir pour fiches normalisées 75-125 mm. Il y a 36 mètres linéaires de rayon sur 6 niveaux d'étagères de hauteur réglable. Un meuble intérieur sert à ranger les documents réservés. Au dessus et sur les portes arrière, il y a deux panneaux d'affichage.

    En outre, le bibliobus est équipé d'un système de sonorisation avec un lecteur amplificateur, un micro, deux haut-parleurs extérieurs et deux haut-parleurs intérieurs. La ventilation est assurée par un ventilateur 12V Sulfaspire, situé au pavillon du véhicule.

    II. Le fonds documentaire

    Le bibliobus est le seul service de communication directe avec le public basé au siège de la Direction des Arts, des Lettres et des Bibliothèques. Mais, bien qu'il soitune bibliothèque publique, il présentedes spécificités liées à sa fonction itiné-rante, à son public très disparate et à sonsystème de prêt indirect.

    Autrement dit, répondant aux normes caractéristiques d'une bibliothèque publique, le fonds du bibliobus est très encyclopédique. De la lecture ludique et culturelle qu'on s'était fixée au départ, le fonds a très vite développé une dimension étude, du fait des exigences de son public.

    Le fonds compte 9 783 livres enregistrés soit 3 462 titres. Après le retrait de 2 500 documents non adaptés au fonctionnement d'un bibliobus, on peut dire que le fonds réel est de 7 283 volumes regroupés dans 3 062 titres.

    A ses débuts la masse documentaire comptait beaucoup plus de livres de littérature enfantine que de livres pour adultes. Ceci parce qu'on s'était beaucoup plus soucié des écoles élémentaires établies dans les villages. Aussi les livres dits documentaires étaient-ils très peu nombreux. Après une année de circulation, toute cette théorie est bouleversée par le niveau intellectuel et les objectifs des lecteurs. Autrement dit, la littérature enfantine et la littérature à fonction ludique sont les moins demandées. Dans la dernière commande, il a beaucoup été tenu compte des suggestions des usagers. Actuellement, le fonds est constitué d'une forte quantité de livres de philosophie, de pédagogie et de santé. Les livres de littérature africaine et les études portant sur l'Afrique y sont aussi en nombre très important.

    A travers ce bref aperçu du fonds, on constate que le bibliobus est l'équipement le mieux doté en livres du réseau national de lecture publique. Mais quelques domaines, tels que le maraîchage, l'arboriculture et l'élevage sont très peu représentés, bien que ces documents soient très demandés. Et à juste titre, dans la mesure où les villages desservis sont presque tous situés dans la zone des Niayes qui est le véritable jardin de la région de Dakar.

    III. Gestion et fonctionnement du bibliobus

    Le bibliobus a effectivement démarré ses activités le 13 avril 1988. Il dessert 12 villages dont 5 sont situés dans la région de Dakar et 7 dans la région de Thiès. Tous ces villages choisis sont des villages-centres, points de convergence de 4 à 5 villages qui gravitent tout autour. Ils sont accessibles par des routes goudronnées, et afin de faciliter les tournées, ils sont répartis en trois axes.

    Les tournées

    Les tournées s'effectuent tous les mercredis. Avec les 3 axes il y a 3 tournées par mois. Un calendrier annuel dénommé "planning des missions du bibliobus" est distribué à chaque village-relais afin d'informer des dates de passage.

    Une tournée nécessite deux procédures dont l'une est administrative et l'autre technique. Chaque fois qu'une sortie est programmée, des ordres de mission sont établis pour le responsable du projet et pour un autre agent chargé de l'assister. Il faut indiquer qu'en raison de l'absence d'un chauffeur affecté à la Direction, le responsable du projet fait office de conducteur permanent du bibliobus, avec l'autorisation spéciale du Secrétariat Général de la Présidence de la République. Une fois l'ordre de mission signé, une copie est déposée au niveau du chef du parc automobile du Ministère pour obtenir la dotation hebdomadaire de carburant fixée à 30 litres de gazole. La consommation du véhicule étant de 15 litres aux cent kilomètres, et les axes étant chacun long de 100 kilomètres au maximum, la consommation totale a été estimée à 30 litres par tournée et par axe. Le Ministère fournit la dotation annuelle en carburant et fait face aux charges liées à l'entretien du véhicule.

    La seconde phase de préparation des tournées concerne la partie bibliothéconomique. Il s'agit de charger le bus en tenant compte des commandes des lecteurs, de vérifier les fiches des livres et de classer ces derniers sur les rayons. Avec le désordre causé par les lecteurs à chaque tournée, ce travail de vérification et de reclassement prend facilement toute une journée. Au cours de sa tournée, le bibliobus s'arrête dans chaque village pour effectuer les prêts.

    Les prêts

    Le système de prêt adopté est celui du prêt indirect. Autrement dit, un responsable local est choisi dans chaque village pour servir d'intermédiaire entre le bibliobus et les lecteurs.

    Néanmoins, à l'arrivée du bibliobus, ces derniers peuvent y entrer et choisir les ouvrages qu'ils aimeraient lire. Bien qu'ils aient la possibilité de choisir, ils ne peuvent se procurer les documents qu'auprès du responsable du village. Pour ce faire, il faut attendre que toutes les modalités de prêt du bibliobus soient terminées. Celles-ci consistent à sortir toutes les fiches des livres choisis, à les compter et à vérifier si le nombre de fiches correspond effectivement au nombre de livres empruntés. Si tout est bien net, le responsable appose sa signature sur la fiche des statistiques de prêts sur laquelle tous les détails sont mentionnés. En ajoutant au temps consacré à cette opération de prêt, le temps nécessaire à la récupération des documents à rendre, le temps d'arrêt du bibliobus dans chaque dépôt est d'à peu près 30 minutes.

    De retour à la direction, la date de prêt est reportée sur toutes les fiches des livres sortis. La durée du prêt est d'un mois, puisque le bibliobus dessert chaque dépôt une fois par mois. Mais les dépôts peuvent conserver un livre pendant deux mois. Cependant, s'il s'avère qu'un document est resté trop longtemps dans un village, il est réclamé au responsable pour le prochain passage du bibliobus. Pour le prêt aux lecteurs, il est demandé aux responsables que la durée ne dépasse pas 15 jours, afin de permettre au maximum de lecteurs d'en profiter et en même temps d'éviter que les livres très sollicités soient monopolisés pendant trop longtemps par un village.

    La difficulté est d'arriver à faire respecter par les responsables le nombre de documents auxquels a droit chaque village. Ce nombre a été fixé à 100 titres. Il s'agit bien de titres car ils ne peuvent pas prendre deux exemplaires d'un même ouvrage. Actuellement, avec les difficultés de récupération constatées, le nombre a été ramené à 50 au lieu de 100 titres.

    Lorsque l'on observe les fiches des statistiques quotidiennes de prêt de chaque dépôt, on constate que les romans pour adultes et les bandes dessinées sont les plus sollicités. Les romans de jeunesse sont les moins lus, car les enfants ne s'intéressent qu'aux livres de leur programme et aux petits albums documentaires.

    Les élèves des lycées et collèges qui forment le plus grand nombre des lecteurs, posent plus de problèmes aux dépôts. Résidant tous en ville, ils raflent tous les livres au programme pour les conserver pendant toute l'année scolaire ; et, pire encore, avec l'intention de ne plus les rendre. Une autre difficulté concernant le prêt est celle occasionnée par les instituteurs. Ceux-ci plus encore que les élèves, en plus de la monopolisation, n'hésitent pas parfois à partir avec un ou deux livres, lorsqu'ils sont affectés dans un autre village.

    En 18 mois, le bibliobus a prêté dans les 13 villages qui constituent son réseau : - 6948 livres dont 6049 ont été rendus et 899 ne sont pas encore récupérés. Ces livres ne peuvent être déclarés perdus dans la mesure où chaque responsable peut donner le nom du lecteur qui détient tel ou tel document. La récupération se fait quand même, mais elle est sporadique. Seul le cas de Taïba Ndiaye inquiète dans la mesure où le responsable dit que les lecteurs ont refusé de rendre les ouvrages.

    Situation des dépôts et leurs responsables

    Les dépôts sont généralement logés dans des services administratifs ou dans les domiciles des responsables. Ainsi, la situation est la suivante :

    • les dépôts de Bambilor et Yenne sont logés dans des centres sociaux gérés par des agents appelés "éducateurs populaires", dépendant du Ministère de la Santé et de l'Action Sociale ;
    • à Sangalkam, c'est l'Etat Civil qui accueille le dépôt et un commis s'occupe des prêts ;
    • pour Notto Gouye Diama, Taïba Ndiaye et Ndiass, ce sont les Maison communautaires qui abritent les dépôts, placés sous la responsabilité des secrétaires ;
    • à Mont-Rolland et Sébikotane, ce sont des foyers des jeunes dépendant du Ministère de la Jeunesse et des Sports qui abritent les dépôts ;
    • à Boukhou, le dépôt est géré par un agent sanitaire, en service au centre de santé (ce centre a été construit par la communauté rurale) ;
    • à Niakoulrab, Kayar et Popenguine, où les responsables ne servent dans aucune institution administrative, on a été obligé de constituer les dépôts de livres chez eux.

    En ce qui concerne les responsables des dépôts, ils répondent tous aux critères initialement arrêtés par la Direction des Arts, des Lettres et des Bibliothèques pour l'acceptation d'un village comme dépôt. Ainsi, ils doivent être :

    • des résidents permanents de leur village, afin de mieux s'assurer de l'exactitude des adresses des usagers de leur dépôt ;
    • disponibles et dévoués, afin d'assurer une gestion rigoureuse des fonds qui leur sont confiés.

    Pour illustrer ce dernier point, nous citerons l'exemple de Mont-Rolland et de Taïba Ndiaye, où les responsables ont un jour été voir des instituteurs dans leur nouveau poste d'affectation pour retirer des livres qui leur avaient été prêtés. Cependant, d'une manière générale, il manque aux responsables une bonne organisation ou une certaine fermeté face à leurs lecteurs.

    IV. Difficultés de la gestion du bibliobus et suggestions pour y remédier

    Entretien

    Tous les coûts de gestion du bibliobus (entretien, réparation, carburant) sont à la charge du Ministère de la Culture.

    L'entretien ne pose pas d'énormes diffi-cultes, du fait que le bus ne bouge pas beaucoup. Ainsi, l'entretien ne se fait pratiquement que deux fois par an. Pour les réparations, les demandes introduites à plusieurs reprises ne sont jusqu'à présent pas satisfaites. Ceci malgré l'intervention du Ministre auprès du Chef de Service de l'Administration Générale et de l'Equipement du Ministère (SAGE). Heureusement pour le bus, toutes les pannes ne sont pas liées au moteur ni aux organes essentiels, dont la défectuosité pourrait entraver les déplacements.

    Carburant

    Avec le carburant, on touche au véritable casse-tête du fonctionnement du bibliobus. Malgré le planning annuel des tournées établi, imprimé et distribué chaque année à toutes les autorités impliquées dans le fonctionnement du bibliobus, l'acquisition du carburant pose d'énormes difficultés au niveau du Ministère.

    Avec un ordre de mission signé par le Directeur de cabinet, le chef du SAGE et son gestionnaire matière n'hésitent pas à dire dans un premier temps qu'il n'y a pas de carburant. Ce n'est qu'après insistance sur l'importance des tournées et sur leur indispensable réalisation que l'on parvient à avoir gain de cause.

    Pour aider à la résolution de ce problème, une lettre a été adressée au Ministre de la Culture. Dans sa réponse, le Ministre demandait, compte tenu de la réduction des crédits du carburant, d'organiser dorénavant deux tournées par mois. Ceci nous a obligé, pour ramener le nombre d'axes à deux au lieu de trois, à regrouper les deux premiers.

    Cette formule crée une nouvelle situation avec le nouvel axe n°l qui regroupe 8 villages, pour un parcours long de 250 km. Tenant compte de la consommation du véhicule, il ressort que les 30 1. de gazole de dotation restent nettement insuffisants.

    Ainsi, pour résoudre définitivement le problème du carburant, il a été suggéré d'éliminer le relais de Taïba Ndiaye qui est isolé et très éloigné des villages groupés de l'axe n°l. Cette solution serait regrettable car c'est le village qui a le plus grand nombre de lecteurs. Mais c'est quand même celle qui permettrait l'équilibre du travail.

    Récupération des livres auprès des dépôts

    Sur ce point, nous remarquons la faiblesse de certains responsables et l'absence du sens du bien public de la part des lecteurs. Pour résoudre ce problème, nous pensons qu'il va falloir redéfinir le profil et les critères de choix des responsables.

    Auparavant, il nous semble indispensable d'organiser une journée d'étude réunissant tous les responsables des dépôts. A cette occasion, le point pourra être fait en exposant les difficultés rencontrées avec les lecteurs, de manière à aboutir ensemble à des propositions pour la solution des problèmes et surtout mieux définir les modalités de prêt.

    Le volet animation qui n'était pas écarté, n'a jusqu'à présent pas connu sa phase d'exécution. Telle qu'elle était conçue, l'animation pourrait être un facteur d'incitation à la lecture et de publicité pour le bibliobus. Elle pourrait en même temps servir à sensibiliser les populations sur toutes les questions sensibles du système de prêt.

    Animation

    On pourrait retenir les formes d'animation suivantes :

    • des projections de diapositives dans les dépôts suivant un programme défini pour l'année. Du reste, le bus a été équipé d'un groupe électrogène pour favoriser ce genre d'activités au villages non encore dotés d'électricité ;
    • des expositions sur le livre et la bibliothèque en général pour mieux sensibiliser les lecteurs ;
    • des causeries-débats avec la participation des villageois.

    L'ensemble de toutes ces manifestations devrait être prévu en dehors des heurs de tournées. Toutefois, tout ceci implique des dispositions nouvelles pour la prise en charge du carburant, etc. L'ornementation du bus et la musique sont aussi un agrément pour les tournées.

    Conclusion

    Comme il est conçu, le bibliobus est véritablement un maillon important du réseau national de lecture publique. Avec un fonds documentaire à peu près proportionnel au nombre de ses usagers, le réseau bibliobus a, malgré les difficultés, connu des résultats satisfaisants et son avenir est prometteur.

    Conçu pour être un test dans les régions de Dakar et de Thiès, il pourrait être étendu à d'autres régions du pays, si toutefois les problèmes matériels qui se posent déjà pour la petite expérience de Dakar et Thiès étaient résolus et si une situation financière plus favorable pouvait être envisagée.

    Initié au profit d'une population rurale sans véritables structures culturelles, le fonctionnement du bibliobus ne peut se réaliser sans un certain nombre de difficultés. Cependant, la soif de lecture et le besoin de s'informer ressentis dans tous les villages doivent constituer des raisons suffisantes pour ne pas abandonner cette expérience, quelles que soient les difficultés rencontrées.

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    Statistiques des documents déposés