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    Commission "Information bibliographique"

    Par Dominique Lahary

    La commission "Information bibliographique" de l'ABF, qui s'est d'abord modestement appelée "groupe de travail", s'est formée en avril 1992. Quelques collègues, membres ou non des instances dirigeantes de l'association, ne cessaient, lorsqu'ils se rencontraient à diverses occasions, de parler des questions soulevées par la politique de l'Etat en matière d'information bibliographique et par l'offre dans ce domaine du secteur privé. Avec un leitmotiv : "ça ne va pas".

    La technicité de ce dossier, ou plutôt la croyance exagérée en sa technicité, empêchait qu'il soit abordé dans les susdites instances. Pierre-Yves Duchemin et moi-même avons donc proposé qu'un groupe de travail soit formé. Nous avons réuni quelques collègues, la petite équipe s'est étoffée au fil des mois, et nous sommes aujourd'hui une dizaine, tous parisiens ou franciliens, ce qui est agréable pour le trésorier national, mais n'a pas vocation à perdurer. J'invite les collègues intéressés à nous rejoindre, en particulier ceux des bibliothèques universitaires encore sous-représentés.

    On peut se reporter au premier bilan qui a été publié dans le n°158 du Bulletin d'informations. J'en développerai ici certains aspects.

    Les sources

    Il ne s'agira ici que des réservoirs bibliographiques relatifs à la production courante des monographies imprimées de l'édition française, ou francophone, ce qui exclut les non-livres et les notices étrangères.

    Soient donc les deux réservoirs : la base ELECTRE, essentiellement diffusée sur CD-ROM, et la base BN-OPALE, dont la partie bibliographique, la BNF, est également principalement diffusée sur CD-ROM. L'un offre une information plus fraîche, mais immature, l'autre s'y reprend à deux fois (notices dépôt légal, de faible intérêt, puis notice complète) pour fournir, au bout du compte, un met copieux, normalisé et contrôlé.

    L'existence de deux sources, concurrentes ou complémentaires, pose plusieurs problèmes. Elles ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Il en résulte que de nombreuses bibliothèques ont recours à chacun d'elles, soit indifféremment soit successivement (en écrasant des notices de l'une par celles de l'autre). Or, leur hétérogénéité ne rend pas facile leur coexistence sur une même base locale.

    La plupart des logiciels actuels constituent des autorités, ou au moins des index, en tout cas des entrées contrôlées à l'occasion des chargements bibliographiques. Si la base est alimentée par les deux réservoirs, il en résulte une joyeuse pagaïe dans ces entrées contrôlées. Pagaïe que l'on tend à réduire en intervenant soit dans les notices, soit dans les autorités. Ainsi se constitue ce qu'on pourrait appeler le CRL, catalogage rectificatif local, une espèce nouvelle en voie de prolifération.

    Cette hétérogénéité n'est pas satisfaisante. Les bibliothèques ont besoin de récupérer des notices dès le stade de l'acquisition. Pourquoi ne pas chercher à mettre sur pied une offre cohérente et progressive ? Dès l'annonce de parution, ou dès la parution, une notice serait disponible. Elle serait ensuite enrichie en une ou deux étapes, la dernière, établie document en main, proposant une description complète avec tous les accès nécessaires, y compris les vedettes matières.

    Ce n'est pas une utopie. Cela existe, aux Etats-Unis. Et des discussions ont déjà eu lieu par le passé entre le Cercle de la librairie et la Bibliothèque nationale. Elles ont malheureusement échoué.

    Faut-il se résigner ? Il ne s'agit certes pas de nationaliser le Cercle, ce qui ne serait guère dans l'air du temps. Mais que les édiyteurs collaborent avec la BN pour la mise sur pied d'un catalogage coordonné et progressif reposant sur des entrées homogènes et un numéro d'identification commun favorisant les procédures d'écrasement.

    L'enjeu est d'importance. On annonce la disparition du catalogage local. Une enquête à ce sujet serait intéressante, mais il paraît clair que le condamné, non seulement survit, mais prospère, engraissé qu'il est par la complexification du catalogage en MARC. Nous nous vautrons avec délices dans les champs et les sous-champs, nous ruisselons d'indicateurs et de dollars. Notre profession a toujours eu une tentation : le refuge dans des tâches catalographiques au détriment du service public. N'assistons-nous pas à une recrudescence, dans une version modernisée, de ce vieux travers ?

    Ou nous marchons sur la tête, ou l'informatisation doit notamment se traduire par un allégement des tâches de catalogage. Pour cela, une seule solution : la récupération. Cela dépend des sources, mais aussi des supports.

    Les supports

    Il y a un grand paradoxe. Nous venons de réclamer avec insistance des notices plus fraîches. Or, c'est le congelé qui fait un tabac. La plupart des bibliothécaires ne jurent que par les CD-ROM, qu'on leur livre, selon les cas, mensuellement ou trimestriellement. C'est que des avantages emportent l'adhésion : le coût et la rapidité de mis en oeuvre.

    De ce point de vue, et sous réserve des difficultés annoncées plus haut, nous sommes à peu près bien pourvus du côté des imprimés. Mais, par une singulière ruse de l'histoire, les "nouveaux" médias sont en France les mal aimés de ce "nouveau" support qu'est le CD-ROM. Et l'on s'interroge encore sur la mystérieuse raison qui fait que les médiathèques, officiellement à l'ordre du jour, ne disposent toujours pas de ce moyen simple et bon marché de constituer leur catalogue de phonogrammes et de vidéogrammes. Cette exigence pourtant évidente ne doit cesser d'être rappelée en toute occasion.

    On dira que ces notices sont disponibles sur le Serveur bibliographique national. Du moins, ce sera bientôt le cas. Or, ce serveur ne décolle pas. Il est boudé par ses clients potentiels. Coût excessif des notices et de la connexion ? Complexité de la procédure de consultation ? Ou simplement méconnaissance de ce mode de fourniture pourtant fort utilisé en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Allemagne ? L'ABF est prête, sans aucun a priori, à patronner la réalisation de tests dans quelques établissements pour vérifier les fonctionnalités et les coûts de ce système. Cela suppose des conditions financières propres à motiver les collectivités participantes.

    Les coûts, le droit

    Si l'on veut encourager la récupération de notices, afin d'encourager les gains de productivité, la normalisation et la qualité des catalogues, les coûts de cession doivent être modestes. C'est l'exigence du marché, qui donne pour le moment la préférence aux CD-ROM. Et si l'on veut encourager les échanges, il ne saurait être question de pénaliser les réseaux dans la politique tarifaire.

    Mais il existe un autre obstacle au développement de la circulation des notices : les problèmes de droit. Les engagements de non prolifération, voire de non modification que doivent souscrire les acheteurs de notices sont en contradiction non seulement avec les besoins, mais d'ores et déjà avec les pratiques. Il faudra bien mettre les pendules à l'heure.

    Les formats

    La notion de format bibliographique vient de faire une entrée discrète dans le domaine réglementaire : selon les termes des 4e et 5e de l'article 12 du décret n°93-174 du 5 février 1993 (JO du 7 février) réformant le concours particulier en faveur des bibliothèques municipales, l'Etat ne subventionnera les informatisations collectives ou en réseau qu'à condition que "ces opérations [permettent] de travailler dans le format d'échange nationalement défini". Un arrêté est d'ailleurs en préparation pour définir ledit format.

    On veut croire que ces exigences ne concernent que l'échange, auquel cas elles sont parfaitement légitimes, mais l'ambiguïté de la rédaction de ce décret ("Travailler dans un format d'échange") est révélatrice de la confusion qui règne dans ce domaine.

    Evitons donc de confondre format d'échange, c'est-à-dire la structure selon laquelle des données sont transmises, pour être éventuellement traduites pour être traitées par le système local, et format de travail, ou de saisie, ou interne d'un logiciel. L'un n'équivaut pas forcément à l'autre, même s'il importe d'éviter les pertes ou les distorsions d'informations.

    D'autre part, quels que soient les désirs des uns et des autres, force est de constater que nous sommes installés, en France, dans un irréversible pluralisme des formats. La Bibliothèque nationale, aujourd'hui rejointe par la Bibliothèque de France, produit dans son propre format, l'INTERMARC. Le format UNIMARC, préconisé comme format d'échange, est devenu le format de travail d'un grand nombre de logiciels implantés notamment dans les bibliothèques publiques. Mais d'autres formats MARC, notamment l'américain, sont présents. En matière d'échange, UNIMARC n'a pas le monopole puisque des bibliothèques universitaires récupèrent des notices OCLC en LCMARC. Enfin, UNIMARC lui-même n'est guère uni : on en repère au moins trois versions, sans compter d'éventuelles adaptations locales : celle, officielle, du manuel publié sous la responsabilité de l'IFLA, qui fut peu ou prou celle du réseau Libra, celle des notices du CD-ROM de la BNF (également disponible sur le SBN), celle enfin, tout-à-fait inédite sous laquelle les notices de la base BN-OPALINE seront bientôt disponibles sur le même serveur, et qui présente un catalogage analytique par deux niveaux de sous-notices.

    Il est clair que le schéma directeur de l'information bibliographique, qui continue à être appliqué comme par inertie, doit faire l'objet d'une mise à plat. Nous espérons dans les mois qui viennent contribuer à rouvrir le dossier, afin que les bibliothèques, c'est-à-dire leurs publics, puissent disposer de l'information bibliographique dont elles ont besoin, quand elles en ont besoin, et au prix auquel elles peuvent se permettre de l'acheter.