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    Commission "Bibliothèque de France"

    Par Alban Daumas

    Le compte rendu des activités de la Commission Bibliothèque de France, tel qu'il a été résumé à Chambéry, est étendu ici volontairement jusqu'au début du mois de juillet 1993. En effet, un certain nombre des questions évoquées pendant l'année ont dû être mises à jour par la commission par suite de décisions ou d'inflexions récentes. Elles concernent le statut juridique futur de la Bibliothèque de France, les publics qui la fréquenteront et ainsi de suite. D'autre part, depuis Chambéry, des articles ont paru dans la presse généraliste ou spécialisée, certains d'entre eux remettant en cause l'originalité même de ce que devait être la Bibliothèque de France. La commission a donc fait le point au début du mois de juillet sur un certain nombre de questions qui lui ont paru essentielles.

    Les décisions annoncées par le ministre de la Culture et de la Francophonie

    Au mois de mai, Jacques Toubon a créé deux groupes de travail chargés d'étudier le programme d'aménagement, le contenu et la mise en service de la Bibliothèque de France et l'avenir du site Richelieu/Vivienne. P. Belaval, président de l'ensemble, a reçu une lettre de mission indiquant que le groupe relatif à la Bibliothèque de France est chargé de "formuler des propositions sur l'ouverture à un large public... de valider l'ensemble du programme informatique... de réfléchir aux aspects institutionnels et juridiques de l'exploitation de la bibliothèque." De surcroît, le 1er juin le ministre a annoncé que seraient examinés "les liens entre la Bibliothèque publique d'information et la Bibliothèque de France" (?) et par la suite, le 9 juin, dans un entretien paru dans Le Monde, Jacques Toubon a dit "le dossier de la Bibliothèque de France... c'est celui où pèse le plus d'incertitude de fond... je ne signerai rien tant qu'on ne m'aura pas dit qui pourra exactement fréquenter le niveau de jardin... Mon intention est, en outre, de créer une sorte d'établissement public fédérateur qui coiffe la Bibliothèque de France et la Bibliothèque Nationale rue de Richelieu".

    Françoise Danset, présidente de l'ABF, a été auditionnée par le groupe de travail Belaval "Biblio-thèque de France".

    En parfait accord avec notre commission, outre du statut de l'établissement, elle a parlé en particulier du personnel qui y travaillera, des public, du réseau, de l'informatisation... Toutes questions qui sont reprises ce-dessous.

    Le statut administratif et juridique de la Bibliothèque de France

    A plusieurs reprises, la commission a réfléchi sur ce statut et a souligné l'importance qu'aura ce positionnement puisqu'il commande la vie matérielle (budgets de fonctionnement et d'investissement, contrôle des dépenses, etc) de l'établissement et les conditions de recrutement et de carrière du personnel qui y travaillera, sans compter le choix des hommes qui le dirigeront. C'est pourquoi la commission a souhaité que le statut vers lequel on semble s'orienter : celui d'un établissement public à caractère administratif (comparable à celui de la Bibliothèque Nationale actuelle) soit adapté aux ambitions de la Bibliothèque de France par des dérogations lui permettant une large autonomie financière garante de l'indépendance de sa gestion scientifique et intellectuelle. L'important sera en tout état de cause que la Bibliothèque de France puisse faire face à toutes ses missions et puisse avoir une politique de conservation, d'accroissement et de mise en valeur des fonds patrimoniaux continuant celle de tous les départements de la Bibliothèque Nationale actuelle, tout en exerçant pleinement ses autres fonctions.

    Les personnels qui travaillent à la Bibliothèque de France

    Elle souhaite que tout le personnel professionnel (conservateurs, bibliothécaires, magasiniers) soit régi par un statut unique, celui des corps actuels des ministères de la Culture et de l'Enseignement supérieur, ce qui facilitera la mobilité grâce aux nominations, mutations et détachements. Toutefois, il paraît possible d'accepter, pour des raisons de spécialisation ou de technicité, que 25 à 30% des effectifs bénéficient d'un régime particulier. Quoiqu'il en soit, la commission demande que l'on définisse de toute urgence : un organigramme complet des postes et emplois nécessaires, les nouvelles compétences requises et les profils souhaités. Il y a lieu d'autre part, de rédiger un règlement intérieur, d'organiser le transfert du personnel de la Bibliothèque Nationale sur le nouveau site et de publier un calendrier des recrutements prévisibles. A l'évidence, les effectifs actuels de la profession seront largement ponctionnés, d'où la nécessité d'organiser de nombreuses formations dans lesquelles la Bibliothèque de France devrait, selon la commission, fortement s'impliquer.

    Les publics admis à fréquenter la Bibliothèque de France et l'usage du niveau haut de jardin

    La commission souhaite avant toute chose que l'on ne dise pas "bibliothèque du rezde-jardin", d'une part, "bibliothèque du haut-de-jardin", d'autre part ; dans son esprit, il ne peut et il ne doit y avoir qu'une seule Bibliothèque de France.

    En tout état de cause, la commission est favorable à une large ouverture pour un public diversifié d'une partie des collections de la Bibliothèque de France, partie spécialement constituée et installée au niveau haut de jardin. Les collections placées en libre accès n'y devront pas être semblables à celles d'une bibliothèque publique, (fût-ce la BPI), ni à celles d'une bibliothèque universitaire (fût-elle encyclopédique). Mais être constituées d'une part, de façon à permettre aux chercheurs d'engager leurs travaux ou de compléter leur documentation par un accès facile et rapide aux grands ouvrages de référence internationaux, d'autre part, de façon à permettre à tout lecteur, quel que soit son centre d'intérêt, de s'informer sur l'état d'une question, les derniers progrès d'une discipline. Le public utilisateur du niveau haut de jardin disposera donc d'une vaste collection de référence largement ouverte sur tous les horizons en documents français et étrangers (audiovisuels y compris). Ce public, vu son nombre, devra probablement être filtré. La commission pense que cela pourra se faire de 4 façons : a) par l'offre documentaire elle-même ; b) par un service d'accueil et d'orientation renseignant efficacement les demandeurs d'usage sur les possibilités et les limites des collections du niveau haut de jardin ; c) grâce à une carte d'accès, gratuite ou d'un prix symbolique ; d) en fixant un âge minimum (la commission propose celui de la majorité civile : 18 ans).

    Au total, le vrai problème est le suivant : ne pas séparer d'une façon étanche les deux niveaux rez et haut de jardin, mais au contraire, établir une véritable osmose entre eux en veillant à la cohérence et à la cohésion des collections, à une grande facilité et tranquillité dans leurs travaux pour les chercheurs et à un accès possible en cas de nécessité pour tous les usagers aux fonds patrimoniaux.

    L'avenir du dépôt légal et de la bibliographie nationale

    La commission s'est aussi inquiétée de la future organisation du dépôt légal et des responsabilités réparties annoncées. Que deviendra aussi le serveur bibliographique national et comment, et par qui, sous quelle direction sera rédigée la bibliographie nationale ? Toutes questions, à sa connaissance non encore résolues clairement.

    L'informatisation de la Bibliothèque de France

    Les quelques renseignements parvenus jusqu'à la commission à ce sujet donneraient à penser qu'il y a un gros retard dans la mise en place du système particulier choisi. Par ailleurs, il semble que l'ambition initiale d'une informatisation intégrant de multiples fonctions devra être revue par une mise en place progressive. Faute d'informations, on ne peut ici en dire plus, sauf à s'interroger sur la pertinence des choix déjà faits.

    Le catalogue collectif des monographies, le réseau et les pôles associés

    La commission insiste sur l'urgence qu'il y a à voir ce catalogue collectif mis en place. En effet, toute l'articulation de la Bibliothèque de France avec le réseau de ses pôles associés en dépend étroitement. On peut s'étonner des arrêts subis dans les études et réflexions à ce propos, même si désormais, un statut autonome a été attribué au catalogue collectif sous la forme d'un GIP réunissant les ministères de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, la Bibliothèque Nationale et la Bibliothèque de France.

    A propos du schéma du réseau centré sur la Bibliothèque de France, la commission pense que la procédure d'appel d'offres ne constitue pas une politique qui puisse permettre d'organiser un maillage du pays incluant les fonds documentaires les plus rares, les plus riches et les plus précieux. Elle souhaite que l'annonce d'un échéancier réponde à l'attente de la communauté nationale, partie prenante du projet et au grand dessein de la communauté scientifique internationale, de coopération étroite entre les grandes bibliothèques nationales.

    La place de la Bibliothèque de France dans le Prêt inter-bibliothèque

    La Bibliothèque de France devrait reprendre et continuer d'une façon plus large le rôle du Centre de prêt de la Bibliothèque Nationale (CPBN) de Ver-sailles, aussi la commission souhaite-t-elle que soit confirmé le rôle de point central d'orientation et de correspondant international s'agissant du PIB de la Bibliothèque de France et que soit décidée la continuation ou non d'un fonds propre à un centre de prêt national basé sur le dépôt légal, au moins autant que le catalogue collectif des monographies ne sera pas pleinement et largement fonctionnel.

    La Bibliothèque de France et la valorisation de la recherche bibliothéconomique

    La commission souhaite vivement que beaucoup soit fait pour maintenir et promouvoir les acquis en matière d'innovations bibliothéconomiques et de progrès technologiques, s'agissant de l'information scientifique et technique, et que soit fortement assigné à la Bibliothèque de France un rôle permanent d'étude, de recherche et de perfectionnement dans ces domaines.

    Sur tous les problèmes, questions et décisions concernant la Bibliothèque de France, la commission demande instamment que les avis des professionnels, les bibliothécaires, soient plus recherchés et suivis qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent et que pour ce faire, soit mise en place une structure de concertation permanente.

    NB : Le compte rendu ci-dessus était rédigé lorsqu'on été connues, par la conférence de presse du ministre de la Culture et de la Francophonie du mercredi 21 juillet, les conclusions des "groupes de travail Belaval". La commission a constaté que nombre de ses suggestions sont concordantes ou très proches de celles retenues par Jacques Toubon et que l'avis des professionnels semble maintenant mieux entendu : on ne peut que s'en féliciter.