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    Défense et illustration de l'intercommunalité

    Par Marie-Christine Pascal, Directeur bibliothèque départementale de Saône-et-Loire

    Des différentes enquêtes réalisées, telle celle de Claudine Lieber (Direction du livre et de la lecture), il ressort que peu de bibliothèques départementales de prêt pratiquent l'intercommunalité (1/6e). Certaines ont instauré ce mode de desserte comme une action volontariste, assortie de conventions (convention entre les communes et/ou convention avec le conseil général), d'autres ont quelques bibliothèques intercommunales dans leur réseau, mais presque involontairement pourrait-on dire. Il semble cependant qu'une évolution se profile, liée à un projet de restructuration de la bibliothèque départementale.

    Une réelle intercommunalité

    Deux facteurs sont fondamentaux pour qu'existe cette réelle intercommunalité : la réflexion de la bibliothèque départementale de prêt sur l'état de son réseau et l'implication de son conseil général.

    La réflexion de la bibliothèque départementale de prêt sur l'état de son réseau: nombre de bibliothèques municipales, bibliothèques relais, antennes, ou tout autre terme équivalent à ceux définis par le ministère de la Culture ;

    • moyens de ces bibliothèques : local, budget, fonds, personnels ;
    • résultats en lecteurs et en prêts.

    Une telle évaluation (1) dont on ne dira jamais assez les bienfaits, permet, grâce à des données factuelles et objectives, de nombreux questionnements pouvant aboutir à une évolution. Il convient bien sûr de prendre en compte le passé de la bibliothèque, et les conditions géographiques et démographiques de son département.

    La nécessaire implication du conseil général qui, par des conventions, subventions, aides, peut favoriser et inciter les communes à travailler ensemble - malgré leur souhait de marquer leur différence par le volet culturel - et l'individualisme français (36 000 communes).

    De l'intercommunalité accessoire...

    Sont évoqués ici quelques cas de bibliothèques intercommunales :

    • dans le Cher une, regroupant deux communes,
    • dans la Marne deux, l'une à vocation cantonale, assortie de conventions, fonctionne bien surtout pour les écoles, l'autre, districale, est en cours de mise en place ;
    • dans le Tarn-et-Garonne une, créée en 1986 autour d'un bassin d'écoles (14 classes), très fréquentée par les enfants (410 pour 3 700 habitants) ;
    • dans le Vaucluse une, dans une communauté de communes de 2 000 habitants (5 communes), site pilote d'aménagement culturel du territoire : une bibliothécaire coordonne des missions complémentaires autour du livre et devrait, à cour terme, être rémunérée par la communauté de communes du pays de Sault, et deux groupes de trois villages qui ont, dès 1980 et 1982 (avant la création de la bibliothèque départementale de prêt), été convaincus par Anne-Marie Chapouton de l'importance de la lecture et ont d'abord assuré des vacations horaires, puis créé cinq postes ;
    • en Haute-Marne trois, à l'initiative des communes, favorisées par des subventions majorées du conseil général ;
    • dans les Landes trois, dont une cantonale. Le conseil général propose une aide pour achat de mobilier à usage culturel : la subvention est multipliée par le nombre de communes associées et est plafonnée à 20 000 F pour des opérations existantes ou à 60 000 F pour des créations ;
    • en Meurthe-et-Moselle deux, dont une bibliothèque de district regroupant neuf communes, soit 16000 habitants, et le projet de relais-livre en campagne dans l'EPCI de Colombey-les-Belles: 10000 habitants dans 41 communes sur trois cantons (2) . La bibliothèque centrale sera installée dans une résidence pour personnes âgées à Colombey-les-Belles et cinq relais dans des foyers ruraux ou des écoles, animés par des bénévoles. La somme de 600 000 F va être investie dans le projet pour l'aménagement des espaces, le recrutement d'un bibliothécaire et l'animation des relais ;
    • en Haute-Savoie sept, certaines ont des relais tous publics ou public spécifique, presque toutes avec personnel qualifié (formation élémentaire ou Certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire), budgets très divers ; le conseil général n'apporte pas d'aides spécifiques, la bibliothèque départementale de prêt fait un effort particulier en matière de mobilier et de livres pour prendre en compte la totalité de la population et a organisé, en 1995, un stage de formation spécifique aux relais. Ces bibliothèques intercommunales ont été créées depuis 1982.

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    Carte de la Saône et Loire

    Une mention particulière pour deux groupements de communes :

    • Noyers-sur-Serein, dans l'Yonne (750 habitants) : bibliothèque associative depuis 1971, elle devient intercommunale de fait en 1983 grâce à l'achat d'un petit bus qui rayonne sur tout le canton, et son fonctionnement en est confié au SIVOM de Noyers en octobre 1994. La bibliothèque concerne le canton (2 900 habitants) ainsi que cinq communes extérieures (900 habitants) et fonctionne grâce au bénévolat (25 à 30 heures par semaine, 1 personne avec CABF + 2 autres personnes). Les écoles et le collège viennent à la bibliothèque ou sont desservis sur place, grâce à l'Alphabus (2 500 livres) qui tourne 6 fois par mois. Les résultats : 1 500 lecteurs (sur 3 566 hab.), 16 500 prêts (11 par lecteur),
    • le SIVOM du canton de Saint-Peray, en Ardèche : 7 communes (3 cantons) se sont regroupées (3 300 habitants) pour réaliser une bibliothèque intercommunale afin de redynamiser et de développer un secteur rural en difficulté. Un projet « relais-livre en campagne a été élaboré et prévoit le recrutement d'un agent du patrimoine ainsi qu'un budget d'acquisition de 40 000 F.

    En passant par des expériences encouragées...

    Même si les exemples ne sont pas importants quantitativement, ils démontrent la volonté des élus communaux ou départementaux d'encourager les structures intercommunales :

    • la Dordogne : 3 bibliothèques intercommunales dont une cantonale, regroupant 19 communes. Une convention entre les communes régit le fonctionnement de la bibliothèque intercommunale (emploi, budget d'acquisition de 10 F par habitant, comité de gestion). La BDP apporte pour sa part des bonifications dans la desserte en livres, le conseil général une aide spécifique à l'animation (depuis 1995) : 40 % avec un plafond de dépense subventionnable de 30 000 F HT. Il apportait une aide bonifiée à la construction (180 000 F), remplacée en 1995 par des contrats d'objectifs (travaux, matériel, mobilier) à destination des cantons ;
    • le Haut-Rhin a décidé de créer, en 1991, à titre expérimental, deux médiathèques de secteur (bassin de vie de 10 000 à 14 000 habitants). Trois autres projets sont prévus. Une convention médiathèque de secteur/département du Haut-Rhin en prévoit le fonctionnement. L'équipement doit correspondre à des conditions minimales de fonctionnement : fonds de 1,5 volume par habitant et 0,5 document audiovisuel, 30 périodiques, un assistant de conservation et un agent du patrimoine pour 3 000 habitants, un assistant et deux agents pour 4 000 habitants, un bibliothécaire, deux assistants et trois agents pour 10 000 habitants. L'aide du département consiste à majorer de 10 % la subvention de 30 % pour construction. Il subventionne par ailleurs l'équipement informatique (25 %) et le personnel (30 %).

    à un réseau intercommunal

    Le département précurseur en a été la Saône-et-Loire, en 1986, suivie par l'Aube, en 1992 et le Maine-et-Loire, en 1993.

    L'exemple de la Saône-et-Loire

    Créée en 1982, la bibliothèque départementale de prêt a constaté, dès 1985, qu'une intercommunalité de fait, naturelle, existait (3) . De nombreux lecteurs extérieurs fréquentaient la bibliothèque, faute d'en avoir une dans leur commune. Il a été décidé, après réflexion sur cet état de fait et sur la structuration du jeune réseau de la BDP, de proposer aux communes souhaitant une bibliothèque et proches d'une commune dotée d'une bibliothèque fonctionnant bien, une association fondée sur une convention. Pourquoi ? D'une part, la volonté d'impulser la création de véritables bibliothèques, avec local réservé, personnel qualifié et budget d'acquisition, était incompatible avec un « saupoudrage les moyens - la bibliothèque départementale de prêt déposant en moyenne 600 documents par bibliothèque - d'autant que le nombre de communes dans l'aire d'attraction est particulièrement élevé (566). D'autre part, l'objectif était de dégager des moyens financiers accrus, et d'augmenter le nombre de livres en circulation. Par ailleurs, une étude a été réalisée en 1988 dans le cadre d'un mémoire de DESS, à l'ENSSIB, et reprise dans un document permettant de faire le point sur les enjeux et les critères de l'intercommunalité pour les bibliothèques rurales (4) .

    La bibliothèque départementale de prêt aidait (et aide) le réseau intercommunal par une bonification du nombre de livres déposés (1/3).

    La BDP propose 4 formes de fonctionnement intercommunal :

    • soit une bibliothèque intercommunale au sens propre du terme, c'est-à-dire largement ouverte à tous les habitants des communes associées,
    • soit l'utilisation d'un véhicule (bus ou fourgonnette) desservant les communes,
    • soit un relais de lecture réservé à un public spécifique (enfants, adultes, maison de retraite...),
    • soit relais de lecture ouvert à tout public.

    Dans tous les cas de figure, un comité de gestion comportant élus et bibliothécaires de chaque commune se met en place pour organiser la desserte, la fréquence des rotations, pour coordonner les acquisitions et le traitement des documents.

    En 1990 et 1991, le conseil général, après proposition du directeur de la bibliothèque départementale de prêt, a instauré des règlements d'intervention : crédit d'achat de livres (10 000 F par commune, à partir de la deuxième association, maximum 90 000 F), bonification du taux et du plafond pour acquisition de mobilier, subvention pour mobilier des relais de lecture.

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    Convention intercommunale (1)

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    Convention intercommunale (2)

    Ainsi, 670 000 F ont-ils été affectés pour crédits d'achat de livres à 29 bibliothèques, et 138 communes ont-elles bénéficié des aides en mobilier (890 000 F).

    Le réseau de la BDP compte actuellement 45 bibliothèques intercommunales (voir carte ci-dessus) qui rassemblent 157 communes sur les 233 desservies. Quatre syndicats de communes ont inscrit la compétence bibliothèque » au 31 décembre 1994. Sont en projet pour 1996 :

    • une bibliothèque de communauté de communes, soit 11 communes dont la plus importante a 4 500 habitants. Des relais de lecture sont prévus dans les autres communes. La bibliothèque est en cours d'aménagement (610 m2), une section discothèque est prévue ; l'informatisation sera effectuée fin 1995 ; un bibliothécaire à plein temps et un agent du patrimoine à mi-temps sont recrutés ;
    • une bibliothèque de district : 6 communes d'un canton de 6 300 habitants, 3 pôles. Un agent du patrimoine coordonnera les acquisitions et le traitement des livres. L'informatisation est également à l'étude.

    Une enquête sur le fonctionnement de ces bibliothèques intercommunales a été réalisée, en 1992, et des réunions de secteur consacrées à ce thème organisées à l'automne 1994 (5) .

    Quels en sont les résultats ? Les relais de lecture sont majoritaires (ouverts à tout public à 90 %, 10 % seulement à l'école). Beaucoup ont un budget d'acquisition, un fonds de livres (600 en moyenne), les animateurs sont parfois qualifiés (diplôme de l'ABF), et les lecteurs représentent 15 % de leur population. Un cinquième des communes, ne pouvant avoir de local, a choisi de fréquenter la bibliothèque siège. Deux communes enfin utilisent un bibliobus et couvrent leur canton : ce sont des communes de 6 000 à 9 000 habitants. Quant à la satisfaction des équipes, elle est plutôt bonne, malgré une charge de travail accrue, et parfois non reconnue.

    L'Aube et la restructuration de son réseau

    Rendue nécessaire par la restructuration d'un réseau ancien, composé de très nombreux dépôts, l'intercommunalité a été proposée en 1992, ainsi que deux autres modes de fonctionnement : bibliothèque communale, point de lecture. Actuellement, 12 bibliothèques intercommunales (sur 48 bibliothèques relais) fonctionnent. Chacune regroupe de 2 à 4 communes qui avaient déjà des liens, soit regroupement pédagogique, soit affinités culturelles.

    Le règlement d'intervention de la bibliothèque départementale de prêt, ainsi que différentes conventions, réglementent les droits et les devoirs de chacune des parties : budget d'acquisition minimum, personnel formé, horaires, dépôt de mobilier, dépôt permanent et dépôt renouvelé, livres demandés...

    Les réseaux intercommunaux de bibliothèques en Maine-et-Loire

    La mise en place de cinq réseaux intercommunaux de bibliothèques s'est largement inspirée de l'expérience pilote menée par la bibliothèque départementale de prêt de Saône-et-Loire.

    Le fonctionnement de ces réseaux peut se résumer de la manière suivanté (6) : une bibliothèque relais dessert des bibliothèques associées dans le cadre d'une convention signée entre les communes concernées et la bibliothèque départementale de prêt. Le bibliobus passe deux fois par an dans la bibliothèque relais et accueille les bénévoles de l'ensemble du réseau qui viennent choisir les documents pour les acheminer ensuite dans leurs locaux respectifs. Entre les passages du bibliobus, des rotations d'ouvrages sont organisées sur une partie des prêts BDP et des fonds propres de chaque bibliothèque du réseau.

    En contrepartie, la BDP prête un nombre plus important de livres, accorde une « prime d'achat de livres de 10 000 F et dépose des documents sonores et audiovisuels. De plus, à côté des prestations assurées pour l'ensemble des bibliothèques affiliées à la BDP (formation des bénévoles, prêt d'expositions, visites d'assistance technique), des prestations spécifiques sont instituées en faveur des réseaux intercommunaux (prêts longue durée, constitution de sélections thématiques, aide à la constitution d'un dossier de documentation...). Enfin, une aide à l'informatisation est prévue sous la forme d'un prêt de micro-portable pour chaque réseau.

    Les 5 réseaux regroupent 21 communes et ont été impulsés à partir de 1993. Une bibliothécaire cantonale a été recrutée (poste de catégorie B), dans 2 réseaux (7) et sa présence permet de mieux suivre les bibliothèques et de proposer des animations, comité de lecture adultes mensuel par exemple.

    Néanmoins, les réseaux intercommunaux gérés conjointement par des professionnels et des bénévoles ont ainsi développé les initiatives suivantes :

    • des formations et appui technique auprès des bénévoles ;
    • la gestion des rotations d'ouvrages entre bibliothèques ;
    • la constitution d'un comité de lecture avec achat collectif de livres à partir d'un office librairie et la rédaction d'un bulletin de liaison ;
    • l'achat groupé de fournitures pour l'équipement des livres ;
    • une coopération avec les écoles, la bibliothécaire se déplaçant vers les scolaires avec une documentation et des supports pédagogiques en lien avec d'autres partenaires culturels (école de musique par exemple) ;
    • des actions d'animation (exemples: une exposition sur les arbres avec des modules adaptés à chaque bibliothèque, un rallye-lecture sur l'Europe avec neuf communes d'un canton et la participation du bus anglais de la BDP, etc.).

    En guise de bilan

    Cette illustration de la réalité intercommunale, sans doute non exhaustive, permet de dégager quelques points de principe et de fonctionnement :

    • l'intercommunalité concilie le maintien de l'identité communale et les nécessités de coopération entre communes, les partenaires sont égaux et définissent leurs actions par un accord équitable ;
    • la convention est l'instrument de cet accord. Elle est indispensable car elle définit précisément les domaines d'action, les moyens à mettre en commun, en prenant en compte les réalités locales et les circonstances, elle permet (éventuellement) de reprendre son indépendance sans dommage ;
    • elle est précédée d'une information aussi large que possible auprès des élus et des bibliothécaires qui ont la même volonté de construire cette intercommunalité. Imposée à une équipe, elle ne peut que fonctionner difficilement. Cette information peut prendre la forme de dossier (8) , réunions, journée d'information, articles, visites... ;
    • elle demande un suivi et une évaluation de la part de la BDP qui ainsi peut modifier et adapter son fonctionnement en raison de la progression et de la réussite des bibliothèques intercommunales ;
    • elle est efficace si elle est encouragée par une action volontariste du conseil général. Une bonne coopération passe par des moyens importants d'incitation. En même temps qu'une convention apporte des garanties, l'incitation financière doit apporter des avantages indiscutables ;
    • elle nécessiterait une implication plus forte des différentes collectivités. Pour l'État : augmentation du taux de subvention dans le cadre du concours particulier (actuellement + 10 %), pour les régions : aide à la création de postes intercommunaux, pour les départements : aide bonifiée dans le cadre de la dotation globale de l'Équipement, par exemple.

    L'enjeu de la coopération intercommunale dépasse la simple rationalisation des moyens des communes. Il s'agit de construire un réel aménagement du territoire qui puisse « assurer, à chaque citoyen, l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire, et créer les conditions de leur égal accès au savoir (9) ».

    1. Singulièrement facile grâce au logiciel EVALBIB, conçu par Alain Caraco (Bibliothèque départementale de la Savoie). retour au texte

    2. Voir La gazette des communes, n° 1 294, 23 janvier 1995, p. 21. retour au texte

    3. Cf. Une bibliothèque dans un pays rural: lecture et lecteurs à Saint-Gengoux-le-National. / Frédéric Schmidt. - BCP de Saône-et-Loire, 1985. retour au texte

    4. Cf. Bibliothèques intercommunales. / Olivier Doubroff. - BCP de Saône-et-Loire, 1988. retour au texte

    5. Voir Mots, Images et Sons (bulletin de liaison de la BDP), n° 5 et 6, septembre 1994, janvier 1995. retour au texte

    6. Voir - La bibliothécaire volante de Montre-vault-, Livres Hebdo, n° 167, 30 juin 1995, p. 45. retour au texte

    7. Voir dossier complet dans Transversales, n° 41, juin 1994, pp. 5-11. retour au texte

    8. Voir Dossier bibliothèques intercommunales de la BDP de Saône-et-Loire. retour au texte

    9. Art. premier de la loi n° 95-115 du 4 février 1995. retour au texte