Du fait de son statut mixte (lecture publique / lecture universitaire) et de son principe d'innovation, la Bibliothèque publique d'information est au coeur de la question actuelle à quoi sert une bibliothèque ? », liée au « pourquoi une bibliothèque ? », qui elle-même conditionne le « pour quoi une bibliothèque ? », la question finale étant « quelle bibliothèque ? » Le projet de restructuration du centre Georges-Pompidou qui l'héberge est l'occasion qui la rend plus vive.
La BPI accepte et prône le renseignement : c'est le fait de ses bureaux d'information au service du public (face à la pression de la demande) et c'est le projet de sa direction - Martine Blanc-Montmayeur, ainsi que Souad Hubert pour sa politique étrangère ». Par renseignement il faut entendre la fourniture d'information modale, produit semi-fini (document ou type de document et/ou centre de ressource pouvant contenir l'information recherchée), comme d'information finale, produit fini (l'information cherchée elle-même) (1) . La fonction de renseignement est inscrite dans le programme originel de la BPI : le service de réponse par téléphone à l'origine, devenu Public Info, chargé des dossiers de presse et des réponses aux questions sur minitel, en est un exemple. L'établissement s'appelle Bibliothèque publique d'information et le concept d'information en bibliothèque tire toujours vers la documentation.
La logithèque (espace logiciels) exclut l'entrée / sortie sur disquette et l'impression, donc le traitement d'un document. Ne reste donc (pour l'instant) que la fonction d'apprentissage, mais l'ambiguïté est grande : ici il s'agit d'apprendre l'utilisation d'un logiciel (apprentissage de techniques, certes faiblement pédagogique puisque dépourvu d'exercice et de sanction), mais là il s'agit d'apprendre sur un sujet (apprentissage de connaissances), ce qui rejoint la fonction des stations multimédia (distribuées sur les secteurs de savoir de la bibliothèque) où le contenu est censé être exclusif de la technique de consultation. La médiathèque de langues est aussi en porte à faux : la langue est à la fois une technique (de communication) et une connaissance (par ses te-nants-aboutissants culturels). Sur les vidéodisques, la mise à disposition d'images (vocation culturelle) côtoie les images d'exercice à l'épreuve du Code de la route. De même la pression de la demande a conduit à un espace d'information sur les métiers : ici c'est à la fois la documentation (le renseignement) et en quelque sorte l'école (dans sa fonction d'orientation) qui se trouvent réunies dans le secteur d'une bibliothèque.
La vocation d'information de la BPI est confirmée et sa vocation de « formathè-que ou d' « éducathèque est clarifiée dans le projet de rénovation.
Certes, qu'il s'agisse d'école (Jules Ferry), de documentation (Paul Otlet) ou de bibliothèque (Eugène Morel), il s'agit, du point de vue du destinataire, d'apprendre (au sens large : apprendre une nouvelle comme des connaissances) et l'apprendre peut être rangé en bloc dans le champ de l'école, matrice originelle. La bibliothèque a pour vocation de transmettre des connaissances, mais par un autre biais. La distinction entre l'apprentissage de techniques et l'apprentissage de connaissances se justifie par le fait que la technique, plus formelle, ne contredit pas le postulat de la bibliothèque : d'un côté, la démarche individuelle, « autonome », secrète (au moins discrète) attendue par la bibliothèque de la part de l'usager (2) ; de l'autre, la démarche non idéologique de la bibliothèque vers le lecteur : la mise à disposition pluraliste de collections.
Le principe est sauf seulement si on considère que la technique est neutre, en libre service, dépourvue de la contrainte (si ce n'est la nécessité sociale de qualification) et du jugement d'autrui, et qu'il s'agit d'auto-formation.
Le nouveau phénomène de fréquentation par des groupes de jeunes est un autre aspect de la même mutation : c'est la fin de la démarche individuelle et discrète.
On retrouve donc la bibliothèque écartelée entre trois positions : sa vocation classique, une fonction de renseignement (documentation) et une fonction d'enseignement (éducation).
Ces deux dernières se rejoignent d'ailleurs : docere signifie bien enseigner en latin et le projet de documentation par Paul Otlet a bien cette finalité (3) . De ce point de vue, le musée est confronté au même problème que la bibliothèque, c'est-à-dire accepter de voir ses fonctions se diversifier, donc accepter de choisir ou de distinguer entre :
Il est remarquable de voir réapparaître face à la bibliothèque ses deux alter ego de l'éducation et de la documentation. Il ne s'agit pas de déplorer, mais de faire des choix en connaissance de cause. Et de ce point de vue il est rassurant de voir la BPI en pointe de la réflexion, donc apte à proposer aux bibliothèques de lecture publique un panorama systématique des voies qui peuvent être suivies, donc un programme pour l'avenir.