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Conférence mondiale des ONG, bilan à mi-parcours de la décennie internationale d'alphabétisation et 12e consultation collective de l'alphabétisation

1995
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    Conférence mondiale des ONG, bilan à mi-parcours de la décennie internationale d'alphabétisation et 12e consultation collective de l'alphabétisation

    Tokyo, 5-9 septembre 1995

    Par Françoise Danset, Bibliothèque départementale de prêt du Val-d'Oise

    Présentation

    En novembre 1994, le Conseil du programme général d'information de l'Unesco adopte une troisième version de Manifeste sur la bibliothèque publique, préparé par le Comité permanent des bibliothèques publiques de l'IFLA.

    Cette nouvelle version, plus particulièrement rédigée à l'intention des décideurs, rappelle le droit de chaque individu d'accéder à l'information et à la culture et insiste sur le rôle des bibliothèques en tant qu'institutions placées sous la responsabilité des pouvoirs publics.

    L'IFLA est membre de la consultation collective de l'Unesco pour l'alphabétisation et l'éducation pour tous, il était important qu'à la conférence mondiale des ONG pour l'alphabétisation, réunie à Tokyo du 5 au 9 septembre dernier, cette nouvelle version du manifeste de l'Unesco pour la bibliothèque soit officiellement présentée.

    1995, c'est le cinquantième anniversaire de la création des Nations unies, c'est aussi la moitié du chemin entre 1990, l'année mondiale de l'alphabétisation, et l'an 2000 pour lequel l'objectif était que chaque individu puisse bénéficier d'une éducation de base.

    Aussi pour l'Unesco un bilan s'imposait-il sur les progrès réalisés dans cette demi-décennie.

    On peut effectivement noter certains progrès : la scolarisation s'est sensiblement développée dans de nombreux pays, le pourcentage d'analphabètes dans la population adulte mondiale continue à décroître, et malgré la croissance de la population le nombre absolu d'analphabètes adultes a été stabilisé et commence à diminuer.

    Cependant, près d'un adulte sur cinq ne sait toujours ni lire ni écrire, soit près de 885 millions, et plus de trois analphabètes sur cinq sont des femmes ; sept sur dix vivent en Asie particulièrement en Chine et en Inde. On remarque que l'écart entre hommes et femmes ne diminue pas.

    Même si le taux global de la scolarisation a légèrement augmenté, quelque 130 millions d'enfants d'âge scolaire dans le monde ne sont pas scolarisés. Ils seront 144 millions à la fin de la décennie. Et le nombre d'enfants qui n'arrivent pas au bout de leur scolarisation fait parfois douter de l'efficacité des systèmes scolaires.

    Aussi l'éducation pour tous aujourd'hui est encore un défi, auquel nombre de gouvernements n'arrivent pas à faire face et pour lequel ils font appel à de nombreuses organisations non gouvernementales.

    La réunion de Tokyo

    C'est dans ce contexte que se sont réunis à Tokyo trois groupes distincts de représentants à la conférence mondiale des ONG:

    • * la consultation collective des ONG de jeunesse qui regroupe environ 80 ONG internationales qui se consacrent aux problèmes de la jeunesse. Cette consultation été créée en 1975 pour appliquer l'idée de l'Unesco selon laquelle les jeunes eux-mêmes devaient participer à l'élaboration et à la réalisation de programmes sur les problèmes qui les concernent. Environ 35 d'entre elles étaient présentes à Tokyo ;
    • la consultation collective des ONG pour l'alphabétisation et l'éducation pour tous qui regroupe des ONG internationales dont la majeure partie des activités est consacrée à des actions d'alphabétisation. Cette consultation a été créée en 1984 sur le thème de l'alphabétisation et, depuis 1990 et la déclaration de la réunion de Jomtien en Thaïlande, lors de l'année internationale pour l'éducation pour tous, elle a élargi son champ d'action à l'éducation pour tous. L'IFLA est membre de cette consultation ;
    • les ONG du Mouvement mondial Terakoya, qui sont des ONG ayant reçu l'appui de la Fédération nationale des associations Unesco du Japon. En japonais « ya » signifie l'endroit et « terako » celui qui apprend : Terakoya est un centre traditionnel d'enseignement.

    Depuis 1989 la Fédération nationale des associations Unesco du Japon apporte son soutien à des projets consacrés à l'alphabétisation dans les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, soit dans plus de quarante pays dont une douzaine représentés à la conférence. Cette fédération bénéficie d'un très haut niveau de financement.

    Le programme de la conférence consacrée à un bilan à mi-parcours de cette décennie de l'alphabétisation commencée en 1990, présentait donc une alternance de séances plénières et de réunions particulières à chacun des trois groupes.

    Les allocutions d'ouverture

    Après les allocutions d'ouverture prononcées par le président des Associations Unesco du Japon, par le représentant du directeur général de l'Unesco, Monsieur Federico Mayor qui était retenu à Pékin, par les hôtes japonais représentant différents ministères, deux discours-programmes étaient prononcés. L'un par Sir Cyril Mooney de Calcutta Rapport sur une école d'alphabétisation élémentaire » qui plaide résolument pour l'éducation non formelle basée sur les besoins d'une communauté et non sur des programmes inutiles basés sur la compétition, et par Monsieur Michael Lekin de la division de l'éducation de base à l'Unesco « The mid decade review of progress towards edu-cation for ail qui rappelle les derniers chiffres concernant l'alphabétisation et donne une vision un peu pessimiste des progrès peu significatifs réalisés en cinq ans. Des déclarations ont été ensuite faites au nom des trois groupes.

    Les groupes de travail

    Dans les réunions de chaque groupe comme dans les réunions plénières, des tables rondes ont été organisées permettant des échanges d'expériences et des échanges de vue sur des sujets précis par exemple : les enfants de la rue, la jeunesse rurale, les femmes et les adolescents, alphabétisation et développement humain, les méthodes de réalisation d'un projet, les forums régionaux, le problème des langues et des cultures locales, de l'éducation à la démocratisation et à la paix, etc.

    Il va sans dire qu'à part les informations de base recueillies dans les déclarations programmes, c'est dans les groupes de travail et dans les tables rondes que se sont exprimées les opinions et faits les échanges les plus intéressants.

    De nombreuses ONG, pour ne pas dire la plupart, sont des ONG confessionnelles ou idéologiquement assez marquées. Aussi retrouve-t-on ces particularités dans les opinions exprimées au cours des débats sur des thèmes précis. Elles sont au contraire assez soigneusement gommées lors de l'élaboration des textes et déclarations finales qui donnent lieu à de nombreuses séances d'écriture et de réécriture.

    Le bilan

    Après trois jours de travaux de groupes, les rédacteurs mettent au point une série de résolutions qui seront votées en séance plénière.

    Ces résolutions portent sur :

    • la mise en place d'un observatoire de l'alphabétisation susceptible de rappeler au niveau des États et au niveau international l'importance de l'alphabétisation, et de maintenir l'opinion publique internationale en alerte ;
    • la nécessité de développer des actions de partenariat entre les différents secteurs publics, privés et associatifs en mobilisant les jeunes et les étudiants en utilisant les ressources des moyens modernes de communication, et en associant l'accès au sport, à la musique et aux jeux ;
    • la nécessité de prévoir les moyens spécifiques pour la formation de formateurs, et les actions d'évaluation ;
    • l'attention à apporter aux problèmes et aux aspirations spécifiques des femmes, et l'importance de la mise en place de programmes respectant la particularité de chaque âge et de chaque sexe.

    Sur le plan des impressions personnelles on se demande un peu pourquoi cette réunion entre des organisations très différentes et sur un thème aussi vaste. Certes on a pu glaner des informations intéressantes, rencontrer quelques fortes personnalités, recueillir des documents produits et très peu diffusés par les différentes organisations.

    Mais le temps consacré au fonctionnement interne des instances des différents groupes comme au fonctionnement interne des instances de l'Unesco semble un peu excessif. Sans doute est-ce le propre de tout fonctionnement associatif. Les séances de bilan et de programme de chacun des groupes semblent relativement floues, on y mêle les questions de fond et les questions de forme.

    De plus le doute est exprimé de savoir si l'Unesco attache vraiment de l'importance aux travaux des ONG, et si elle souhaite véritablement leur participation dans le domaine de l'alphabétisation.

    À cette interrogation, le représentant de l'Unesco répond que les consultations collectives ont été conçues pour servir de réservoir d'idées susceptibles d'aider à la mise en place des programmes de l'Unesco. Cependant les circuits de décision ont changé depuis 1989 et les programmes sont aujourd'hui préparés par un bureau permanent, et les décisions prises par des bureaux professionnels, les consultations sont donc moins nécessaires et il avoue quelques doutes et hésitations sur le devenir de la consultation collective, et sur le suivi des résolutions prises à Jomtien en 1990. Il indique que le bureau de la consultation sera reçu par l'Unesco.

    La présence et le rôle de l'IFLA

    Et la voix des bibliothécaires dans tout cela ? En fait, tant du côté des gens de terrain, formateurs ou organisateurs de campagne d'alphabétisation, que du côté des représentants des états-majors des grandes ONG, le mot et le concept bibliothèque sont relativement inconnus, de même que la référence aux services publics d'éducation et de formation des différents pays dans lesquels ils oeuvrent se fait avec la plus extrême réticence : les ONG ont bien du mal à envisager qu'elles devraient être considérées comme des forces temporaires d'appoint, et dans l'idéal pouvoir disparaître. Il est vrai que certaines d'entre elles sont de puissantes organisations et défendent leur fonds de commerce.

    Cependant il est frappant de constater que les alphabétiseurs se soucient des problèmes de l'apprentissage, et aussi des outils de l'apprentissage, mais pas du suivi ou de l'évolution des acquis.

    Seuls quelques représentants des pays en voie de développement, dont un ancien bibliothécaire, soulignent la disparition inéluctable de ces acquis sans un relais et une coopération avec des pourvoyeurs de ressources documentaires.

    Sans doute faut-il à chaque consultation un bibliothécaire de service, pour rappeler que la bibliothèque c'est tout simplement l'outil de la post-alphabétisation, ce qui permet de prolonger le droit à l'éducation par le droit à l'information. Rappeler aussi que l'accès à l'éducation, à la culture, à l'information relèvent du droit de tous les citoyens de chaque pays concerné par leurs actions.

    Ceci est parfaitement exprimé dans la nouvelle version du manifeste pour la lecture publique rédigé pour l'Unesco par le comité permanent de la lecture publique de l'IFLA, et il était particulièrement opportun de pouvoir présenter ce texte dans ce cadre de la consultation permanente des ONG.