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Gestion des fonds dans les bibliothèques départementales de prêt

1995
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    Gestion des fonds dans les bibliothèques départementales de prêt

    Par Françoise Def, Bibliothèque départementale de prêt des Deux-Sèvres
    Ce texte reprend une partie du mémoire rédigé dans le cadre d'un travail universitaire, a l'ENSSIB. Il débute par un rappel historique de la situation et des objectifs des bibliothèques centrales de prêt, que nous avons supprimé, car il ne trouvait pas sa place dans un dossier consacré à la gestion des collections.

    Constituer des collections, moyens et politique d'action

    Les dépenses d'acquisition ont connu, au cours des dix dernières années, un développement important : elles ont en effet plus que quadruplé, passant de 21,07 MF en 1981 à 99,53 MF en 1990, ce qui, compte tenu de l'inflation, correspond en fait à un triplement (1) .

    Si chaque bibliothèque départementale de prêt dépensait en 1990 en moyenne 3,60 F par habitant, des déséquilibres importants se faisaient jour puisque deux BDP dépensaient plus de 10 F par habitant, tandis que 25 en dépensaient moins de 3 et qu'une BDP devait se contenter d'un seul franc !

    Allant de pair avec une forte augmentation des dépenses d'acquisition, les collections connaissent un accroissement sensible. Ce développement important des collections permet une diversification des supports. En dix ans, la plupart des bibliothèques départementales de prêt sont devenues des médiathèques, proposant en plus des livres, d'autres types de documents : documents sonores, cassettes vidéo, affiches, cartes postales...

    Les BDP ancrent leurs acquisitions sur deux éléments essentiels :

    • l'identité du département dans lequel elles sont implantées, qui les conduit à entretenir la mémoire documentaire d'intérêt départemental ;
    • la solidarité qu'elles contribuent à assurer au sein de la collectivité départementale, afin que chaque citoyen quel que soit son lieu d'habitation dans le département puisse bénéficier d'un service de lecture publique.

    Deux grandes préoccupations se dégagent : la recherche de la qualité et le souci d'offrir un large panorama de l'édition. Les BDP semblent assez .. libres » dans leurs acquisitions ; tous les directeurs ou les responsables interrogés affirment posséder l'entière maîtrise du choix de leurs acquisitions, sans tenir compte de critères politiques, moraux ou religieux. La « censure » semble inconnue et le professionnalisme des bibliothécaires reconnu par les autorités de tutelle, qui jusqu'à présent n'ont fait part d'aucune consigne d'aucune sorte, dans le choix des titres acquis.

    En ce qui concerne les fournisseurs, les BDP privilégient les libraires locaux. Cet attachement est également partagé par les conseils généraux, avec le souci de soutenir le commerce local et de favoriser une présence culturelle dans le département. La coopération avec les libraires est surtout appréciée par les bibliothécaires pour leurs conseils au moment du choix des ouvrages et pour la possibilité de fournir des offices permettant une information régulière sur les nouveautés. Mais de l'avis unanime des bibliothécaires, le temps consacré à cette information est trop court !

    Diffuser... puis évaluer

    Les BDP utilisent plusieurs modes de mise à disposition des documents qu'elles achètent. Trois types de fonds peuvent ainsi être distingués :

    • les fonds immobiles * (présents dans 44% des BDP (2) ) restent dans les locaux de la BDP, destinés à la consultation, pour l'information du personnel de la BDP et des responsables des relais. Ces fonds sont de taille réduite (entre 50 et 100 volumes) et constitués pour l'essentiel d'ouvrages professionnels et de référence ;
    • les fonds « en prêt permanent » (dans 92 % des BDP) sont déposés dans les points de desserte du réseau (principalement les bibliothèques municipales). Le prêt permanent de phonogrammes étant encore peu répandu, il s'agit surtout de livres (8 000 en moyenne par BDP) qui constituent les « fonds de base . des bibliothèques municipales du réseau (3) ;
    • les fonds en circulation " (dans 100 % des BDP !) sont de très loin les plus importants dans toutes les BDP qui pratiquent deux modes de desserte : le prêt direct et le prêt par dépôt. Le premier mode de desserte qui consiste à s'adresser au public sans intermédiaire à la BDP ou dans un bibliobus tend à disparaître, la plupart des BDP ne l'estimant justifié que pour les plus petites communes. Le second mode de desserte est pratiqué par l'ensemble des BDP qui toutes desservent les bibliothèques municipales de leur réseau, mais aussi d'autres lieux de dépôts (pour 70 % d'entre elles les écoles primaires et maternelles ; pour 39 % les collèges ; pour 14 % les maisons de retraites, les entreprises, les prisons ; pour 99 % les mairies et foyers ruraux...).

    Les dépôts s'adressant à l'ensemble de la population sont bien les dépôts privilégiés des BDP. Parmi ces dépôts, ce sont ceux des bibliothèques municipales qui sont les plus importants, correspondant à des réalités très diverses. Toutes les BDP affichent une volonté de les favoriser, que ce soit par le nombre de volumes déposés ou par la fréquence de renouvellement ; il s'agit d'inciter les communes à participer à l'effort de lecture publique : « Aide-toi et la BDP t'aidera - pourrait bien être la devise de beaucoup d'entre elles.

    Peu à peu les BDP passent d'une logique de prescription à laquelle les contraignaient leurs faibles moyens, à une logique de distribution vers un large public. Bon nombre de bibliothèques sont désarmées pour analyser la fonction qui reste leur fonction centrale : la gestion des documents. Notre propre expérience, et aussi les contacts que nous avons eus, nous ont convaincus de la difficulté d'appréhender de façon rationnelle la réalité quotidienne. Évaluer un service culturel semble difficile. Les professionnels craignent souvent qu'une analyse plus précise des coûts ne conduise l'autorité de tutelle à vouloir les réduire et à restreindre leur activité ou leur marge de manoeuvre.

    « Avons-nous les moyens d'avoir des objectifs de gestion ? » se demandait un directeur de BDP. Cette interrogation est assez révélatrice de la perplexité dans laquelle sont plongées bon nombre de BDP quant à la gestion de leurs fonds. Chaque BDP établit ses propres statistiques mais les données recueillies diffèrent de l'une à l'autre ; une initiation aux techniques de recueil et d'interprétation statistiques semble souhaitée pour mesurer la pertinence des données recueillies, tandis qu'une normalisation permettrait de disposer d'une évaluation au plan national... en espérant une publication rapide des statistiques concernant les BDP !

    et s'insérer dans le paysage documentaire national

    En dépit de certaines craintes qui s'étaient manifestées au moment du changement de tutelle, aucune remise en question fondamentale des missions des BDP n'a eu lieu après la décentralisation. La dernière décennie représente même pour elles une période plutôt faste de développement de leurs moyens. Elles les ont consacrés à rendre plus riche et plus diversifiée l'offre documentaire qu'elles proposent dans les communes de moins de 10 000 habitants du département, selon des modalités de desserte qui tentent de s'adapter de plus en plus aux besoins de la population.

    Le service de diffusion, mis en place par des « pionniers explorant les vastes étendues de la lecture en milieu rural, a bien évolué pour s'adapter aux demandes d'un public devenu plus exigeant, mais la mission fondamentale est restée la même : mettre à la disposition des habitants des petites communes les documents nécessaires à leur plaisir, à leur travail ou à leur information.

    Cette fonction repose sur de larges consensus, tant à l'intérieur des établissements qu'entre les BDP, pourtant elle peut se révéler fragile et le manque de formalisation qui l'accompagne peut constituer un handicap pour la reconnaissance du service. Même si aucun problème manifeste n'est actuellement apparu quant au choix des documents, les bibliothécaires ont-ils bien l'assurance de pouvoir continuer à effectuer des choix qui respectent la pluralité des opinions, qu'elles soient d'ordre moral, religieux ou politique ? D'autre part, les partenaires de la BDP, dont le rôle s'est renforcé avec la décentralisation, ne sont-ils pas en droit d'attendre une définition claire des objectifs à atteindre ainsi qu'une évaluation des moyens mis en oeuvre et des services rendus ?

    Le rôle de tête de réseau est de plus en plus affirmé pour les BDP, qui s'investissent dans la structuration de l'espace rural, imaginant des solutions originales en fonction de la configuration de leur département et contribuant à maintenir ou développer des services de proximité, appréciés pour leur convivialité et pour la contribution à l'animation sociale et culturelle des petites communes. Mais l'incitation au développement de la lecture se heurte à l'absence de textes réglementaires définissant les missions des conseils généraux dans le domaine de la lecture publique et les obligations des communes en matière de bibliothèque. Les efforts entrepris reposent sur la bonne volonté des uns et des autres.

    La bonne volonté peut-elle suffire à garantir au lecteur un service de qualité ? Celui-ci est difficile à apprécier et à mesurer ; il passe par des mètres carrés de bâtiment de bibliothèques, du personnel compétent et des achats de documents susceptibles de répondre aux besoins de tous et s'adressant à chacun. Après avoir assuré une mission de diffusion du document, puis d'animation d'un réseau de lecture, la prochaine étape des BDP ne serait-elle pas d'organiser la couverture documentaire du territoire départemental ? Cela supposera une mise en relation des partenaires concernés par le livre et la lecture, mais aussi par le domaine plus vaste de l'information. Cela supposera aussi un repérage des gisements documentaires et bien sûr une étude approfondie du public potentiel, pour gagner de nouveaux publics.

    Au moment où des projets ambitieux se mettent en place, avec notamment l'ouverture prochaine de la Bibliothèque nationale de France associant des pôles régionaux, n'y a-t-il pas une place à donner aux BDP pour qu'elles puissent s'insérer efficacement dans le paysage documentaire national ? N'est-ce pas un enjeu considérable pour que les 29 millions de citoyens à qui elles s'adressent potentiellement puissent bénéficier des ressources documentaires du monde de demain ?

    1. Les chiffres concernant le budget et les collections des BDP sont extraits des guides des BDP publiés par l'ADBDP en 1990 et 1991. Voir aussi l'article de Bertrand Calenge : Les bibliothèques centrales de prêt, dix années de mutation - - - Bulletin des bibliothèques de France 1992, tome 37, n° 4. retour au texte

    2. Les pourcentages cités concernant les fonds sont ceux de l'enquête réalisée par l'ADBDP en 1991. retour au texte

    3. Il s'agit essentiellement de l'application d'une directive de la Direction du livre et de la lecture qui souhaitait que soit ainsi affecté à toute nouvelle bibliothèque municipale implantée dans une petite agglomération un fonds d'ouvrages de référence (NDLR). retour au texte