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    La lecture à haute voix

    Par Corinne Brun, Cité de la musique - Médiathèque pédagogique

    Les animations originales et diversifiées autour de la lecture à haute voix proposées par Yves de Williencourt ont amené plusieurs bibliothèques à poursuivre avec lui des séries d'ateliers ou classes lecture. La notion de partenariat est ici prise en compte dans la mesure de l'étroite collaboration entre les acteurs du projet dont le déroulement s'opère dans un temps donné, et qui est significatif d'un objectif précis pour un public ciblé.

    C'est une forme de partenariat qui se décline selon les sites, et qui peut comprendre le montage d'un projet et/ou la formation de bibliothécaires à la lecture à haute voix.

    De la lecture au dialogue

    Un des principaux objectifs d'Yves de Williencourt est d'apporter à son public et à ses partenaires autre chose qu'une animation ponctuelle. Nous avions parlé l'année dernière (n° 167 du Bulletin de l'ABF) des ateliers-classes-lecture organisés avec la bibliothèque et les écoles, destinés principalement aux CP et CM. L'expérience très concluante menée avec la bibliothèque de Choisy-le-Roi s'est développée avec des interventions en LEP. Dans ces classes réputées difficiles, le moment de lecture à haute voix est suivi d'un dialogue ; la captation de ce public s'appuie sur des techniques qu'Yves de Williencourt a acquises par son expérience enrichie de plusieurs disciplines (théâtre, enseignement, communication). Constatant la grande écoute et le dialogue suscités lors de ces séances, des bibliothécaires ont demandé une formation avec cet intervenant.

    Une formation à la lecture à haute voix pour les bibliothécaires

    Ces demandes de formation ont été souvent formulées pour l'ensemble de l'équipe, dans un esprit de cohésion autour d'un projet. Sabine Colombe, bibliothécaire à Rungis, réagit « à chaud » après une première formation : "Même si chaque membre de l'équipe ne projette pas d'animer des séances ou de lire devant un public immédiatement, on se sent tous concernés, et la découverte de certaines facettes de nos collègues renforcent nos relations professionnelles. - » Une bibliothécaire de Jouy-le-Moutier renchérit: « L'équipe a été unanime sur la première formation, nous préparons nos textes pour la deuxième ! »

    À Choisy-le-Roi, une deuxième formation a regroupé une dizaine de personnes, soit un tiers de l'équipe, qui étaient restées motivées sur le projet de lecture à haute voix depuis l'année précédente. Catherine Martel nous confirme à nouveau : « Yves met en valeur chaque personne du groupe et révèle même à certains leur voix ! » Individuellement, cet apprentissage permet de se positionner par rapport au groupe, de savoir prendre la parole avec confiance, afin de faire passer une émotion. C'est toujours une découverte de mesurer la distance qui sépare la lecture pour soi de la lecture pour autrui. « C'est un déclencheur, et l'on ne peut plus travailler comme avant», conclut Annick Guinery, directrice de la Bibliothèque des jeunes de Choisy-le-Roi.

    Aller lire en LEP

    Avec l'idée de faire découvrir ou mieux connaître un genre littéraire, un auteur, un style, les bibliothécaires vont lire eux-mêmes dans les classes, à ce public qu'ils souhaitent voir venir en bibliothèque. Ils prennent ainsi le relais de l'intervenant qui est devenu passeur de techniques vocales et corporelles, sources d'échange. Catherine Martel: les résultats obtenus par les séances de lecture sont d'autant plus spectaculaires que ces jeunes sont en situation d'échec scolaire, d'éloignement par rapport à la lecture. Il y a un impact réel. Un adolescent explique : Quand on lit à haute voix, on arrive bien à apercevoir certains trucs, mais quand on lit dans sa tête, on n'arrive pas à voir les mêmes choses -. Catherine Martel poursuit en soulignant l'importance de l'investissement des enseignants. Un enseignant du LEP Jacques Brel de Choisy-le-Roi reste très étonné de l'écoute des élèves : Ils écoutaient comme des enfants de maternelle, bouche bée, alors que ce sont des majeurs de lycée professionnel, avec leur langage, leurs façons défaire... et qui refusent beaucoup de choses. » Un refus qui peut faire déraper une séance si ces jeunes se sentent trop déroutés. Annick Guinery : » Il faut en même temps les surprendre et les garder dans leur structure. Cela demande une cohésion et un objectif précis, sans lesquels ils ne sont pas canalisés. »

    À Creil un site réinvesti pour l'animation

    L'ouverture de la Médiathèque de Creil avait entraîné la fermeture des annexes de quartier. Mais sur le plateau, une des zones les plus « sensibles de France, cette fermeture s'est révélée préjudiciable pour la vie du quartier et un projet de réouverture se fait pour consacrer cette annexe uniquement à l'animation.

    Marie-Christine Irigoyen, responsable de la Médiathèque de Creil: » Avec Yves de Williencourt, le projet est de mettre la lecture à haute voix au service de l'échange, de l'écoute, de la parole. Nous avons décidé de travailler en-dehors des scolaires, alors nous allons constituer les groupes nous-mêmes, par niveaux, en collaboration avec d'autres structures comme le centre de loisirs. Nous avons aussi l'objectif de constituer plusieurs groupes de natures différentes : adultes illettrés avec des lecteurs, intergénération, bébés avec un parent, soutien scolaire, pour terminer en fin d'année par une grande rencontre de tous ces groupes. La formation pour les bibliothécaires concernera toute l'équipe, cela nous paraît essentiel pour ce projet collectif. »

    Un spectacle pour proposer des animations suivies

    Yves de Williencourt a récemment présenté à Amiens un spectacle de lecture à haute voix Les Oreilles kidnappées qui, avec une mise en scène très simple, au coeur de la bibliothèque, jouait avec la lumière dans les rayonnages et a « fonctionné » avec un public très captivé. Marie-Pierre Cauvin, de la bibliothèque d'Amiens a été frappée par l'échange instauré : < Un petit garçon qui connaissait un livre lu par Yves a répondu très naturellement à des phrases en suspens. » Plus qu'une simple représentation, ce moment se veut une pierre de touche pour attirer le public vers des ateliers suivis. C'est un moment pour mettre en lumière le travail qu'il propose ailleurs, sous d'autres formes.

    Annick Guinery : « Les Oreilles kidnappées donnent une image de ce que la lecture à haute voix peut apporter, et cela nous a motivé à nouveau pour poursuivre ces animations avec les adolescents. »

    D'autres structures pour un même objectif

    Avec l'URLIP (Union régionale de lutte contre l'illettrisme en Picardie), Yves de Williencourt a suivi un groupe d'adultes constitué d'illettrés et de lecteurs. Laure Aubert, de l'URLIP: Il s'agissait de mélanger les publics, défaire tomber des barrières. Des gens considérés comme bons lecteurs se sont rendus compte qu'ils pouvaient avoir moins d'impact que ceux qui butaient sur les mots. »Jeanne Vuilbert ajoute : Yves de Williencourt a trouvé des textes d'origines diverses pour faire passer cette émotion et faire connaître un patrimoine littéraire ; pour montrer à ces gens qu'on n'apprend pas seulement à lire afin de trouver un travail mais pour accéder à une culture, à ses racines et puis transmettre quelque chose à ses enfants. Yves est en fait un ambassadeur du livre. »