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    René Fillet, le patron (1921-1996)

    Par Simone Lecoanet
    Par Dominique Boulet
    Par Marie-Thérèse La Gravière

    De la lecture publique...

    Entré à 25 ans à la BCP de l'Isère comme sous-bibliothécaire, René Fillet abordait alors une carrière où, d'année en année, il inventa des solutions à des problèmes non encore explicités et prouva le mouvement en marchant. Il n'hésitait pas à transporter des caisses, voire à conduire le bibliobus. En même temps, il terminait un doctorat en droit.

    En 1951, il fut nommé directeur de la BCP de Charente-Maritime. Muté à la BCP de Loir-et-Cher en 1952, il fut remplacé à Saintes par Marie Médard qu'il épousa l'année suivante. Ils obtinrent alors deux postes à Tours.

    La BM de Tours, sinistrée en 1940 et gérée par neuf personnes, occupait, comme la BCP, des locaux exigus à la mairie. Seuls, les plans du futur bâtiment en bordure de Loire étaient définis. En 1957, cette nouvelle bibliothèque entrait en service, comprenant une bibliothèque enfantine dont les activités s'inspiraient de l'Heure Joyeuse" de Paris et une discothèque (première discothèque publique en France). Il y eut bientôt une section spéciale pour les adolescents. Dès 1956, un bibliobus municipal desservait les écoles. Un second, puis un troisième, devaient s'y adjoindre. Des associations, des centres sociaux sollicitèrent des dépôts de livres. L'"heure du conte » fut diffusée dans des quartiers moins favorisés. À partir des années soixante la section enfantine, puis celle des adolescents, reçurent des classes pour un travail de documentation. Cette activité devint institutionnelle en 1965, en liaison avec l'Inspection académique.

    La section de lecture publique se développant, un système par enregistrement phonique des prêts fut créé pour éviter les files d'attente, le travail le plus long étant effectué hors de la présence des lecteurs par une trieuse électronique (c'était le début de l'automatisation (1) ). En 1962, s'ouvrit la première succursale. Trois autres suivirent, selon le développement de la ville - les services municipaux avaient pris l'habitude de penser à la bibliothèque. De nombreuses expositions furent organisées, le plus souvent sollicitées par des associations locales. Parmi les sujets abordés, citons la vie de Saint-Martin dans l'art du livre ; la Première et la Seconde Guerres mondiales en Touraine, la « Touraine en 1975 », exposition de prospective réalisée en 1963.

    Tourné vers l'avenir, René Fillet ne négligeait pas le passé, gérant les crédits de dommages de guerre attribués par le ministère de la Reconstruction. Il reconstitua en particulier une réserve de livres précieux et sut attacher de très généreux mécènes à la cause de la BM de Tours.

    La BCP d'Indre-et-Loire, qu'il dirigeait, connut un développement exceptionnel. En 1960, le bibliobus fut équipé de rayons au lieu de transporter des caisses. En 1961, le conseil général d'Indre-et-Loire subventionna l'Association des amis de la BCP, créée dès 1955 : deux bibliobus supplémentaires circulèrent dans le Lochois, puis dans le Chinonais. Le personnel des bibliobus d'abord rémunéré par l'Association des amis, passa par la suite des concours d'État et les bibliobus furent transférés à l'État. En 1964, les adultes eurent accès aux rayons grâce à un bibliobus spécial qui s'arrêtait dans les gros bourgs en diffusant de la musique pour signaler son passage. En 1969, des documentalistes de la BCP allèrent dans les collèges du département former les élèves à la recherche, selon la formule pratiquée à la BM de Tours.

    De nombreux stagiaires vinrent se former sur le terrain : candidats au CAFB, étudiants de l'IUT de Tours en sciences de l'Information, élèves de l'École nationale supérieure des bibliothèques où René Fillet enseigna dès l'origine la sociologie de la lecture (il y eut jusqu'à 27 stagiaires de la même promotion !), archivistes-paléographes à partir de 1970.

    Pendant l'année scolaire 1966-1967, il participa au Groupe d'études sur la lecture publique en France. Mais il resta à Tours tous les lundis pour maintenir le dynamisme de la BM et de la BCP. En 1974, il fut envoyé un mois en mission à Dakar pour les débuts de l'École de bibliothécaires fondée par monsieur Bousso.

    Quand il fut nommé directeur de la BPI en 1977, le personnel de la BM de Tours comprenait soixante-dix membres pour lesquels il était « le patron » toujours créatif, admiré et aimé, confident occasionnel de ceux qui avaient des difficultés. Les anciens qui restent aujourd'hui, bouleversés de sa brusque disparition, reportent toute leur amitié sur Mme Fillet qui fut sa dévouée collaboratrice.

    À la BPI

    René Fillet est arrivé à la suite du fondateur Jean-Pierre Seguin en 1977. Il est venu à la demande pressante de ce dernier et du directeur du Livre, monsieur Grohens. On peut penser que ce changement ne se fit pas sans difficulté. Le bibliothécaire de la bibliothèque municipale de Tours passait d'une structure familiale à un établissement de 250 personnes dont 51 conservateurs ! Il quittait la vie d'une grande bibliothèque municipale de province très bien implantée dans sa ville pour un établissement tout neuf, en plein coeur de Paris, dépendant à la fois de la direction du Livre et du Centre Pompidou.

    Ce fut sous sa direction que furent créées bien des structures qui subsistent encore aujourd'hui comme le service Études et recherches ", les service Choix-traitement regroupant achats et catalogage séparés auparavant. Il mit fin à l'accueil permanent effectué par des personnes accueillant le public de 12 heures à 22 heures, pour obliger tout le personnel à faire un tiers de son temps en service public. Les grilles de service public créées à cette époque sont toujours utilisées. C'est sous son impulsion que furent réalisés le premier catalogue imprimé et surtout la première informatisation avec un catalogue en ligne dès 1982 (système Scarabé).

    Son franc-parler, sa malice donnaient lieu parfois à des réunions passionnées. Il n'hésitait pas à mettre la main à la pâte et on a pu le voir la veille d'une inauguration d'exposition avec clous et marteau.

    Et combien de ses collaborateurs a-t-il poussé à passer des concours !

    Il est mort dans le merveilleux jardin de sa maison tourangelle (2) où par une belle journée d'été, le personnel de la BPI, venu en car, avait pu, après pique-nique et discours, admirer les arbres qui lui avaient été offerts à son départ en retraite en 1983. Beaucoup se souviennent de sa gentillesse et de sa générosité.

    1. R. Fillet en a rendu compte dans le BBF, 1961, n °4, pp. 169-185. retour au texte

    2. À Beaumont-la-Ronce, dont il fut conseiller municipal dès 1971, puis maire de 1983 à 1989. retour au texte