François LaRamée nous a quitté brutalement le 29 juillet 1996, victime d'un arrêt cardiaque. François La Ramée fut de 1941 à 1944 le pseudonyme en Résistance de notre collègue et ami Alban Daumas. Ses proches ont découvert le fait en triant ses papiers intimes : modestie et pudeur d'un homme qui entendit l'appel du 18 juin 40 et chercha toujours plus à faire qu'à dire (1) .
Alban Daumas est né le 31 décembre 1924 à Nice dans une famille de quatre enfants. Son père, Aimé Daumas, fut instituteur à Menton, puis inspecteur de l'enseignement primaire à Louhans (Saône-et-Loire) et sa mère, Catherine Flocia, directrice d'école. La famille Daumas était apparentée aux nombreuses dynasties paysannes de la haute vallée du Var (Gioan, Pricco, Clary, Carlo, Tubottini). Le fruit, dit-on, ne tombe pas loin de l'arbre. Il fut un élève brillant, abonné aux mentions, du certificat d'études primaires (1er du canton) à la licence en histoire-géographie puis au CAFB et au diplôme supérieur de bibliothécaire (admis 9esur la liste du concours de bibliothécaire d'État en 1959).
En même temps que ses études il entama sa vie professionnelle en 1955 comme... paveur à la ville de Toulon. Quel signe du destin pour un bibliothécaire, précisément chargé de défricher les voies de la connaissance que de commencer comme paveur !
En 1959, suite à sa réussite au concours, il est nommé à la BU de Lyon où il réorganise les services du prêt entre bibliothèques et des thèses, puis est chargé des sections Médecine et Sciences (aménagement, construction, déménagement). En 1963, à sa demande il est nommé à la bibliothèque universitaire de Nice, alors rattachée à celle d'Aix-Marseille. En vingt-sept ans il fit d'une modeste collection d'ouvrages la BU que nous connaissons. Il l'a conçue, construite, développée, léguée en 1989 toujours avec ce style qui lui fut propre, celui du républicain romain auquel sa rigueur, sa simplicité, son humour et son austérité toute méditerranéenne faisaient penser.
Sa vie professionnelle, très active lui conféra une grande notoriété dans le monde des bibliothèques. Outre la BU de Nice qu'il monta entièrement, il fut le créateur du système AGAPE d'automatisation de la gestion des catalogues de périodiques, devenu composante du Catalogue collectif national. De même il créa l'URFIST-PACA en 1982. Il participa à de nombreux congrès internationaux de l'IFLA, de LIBER (Ligue internationale des bibliothèques d'étude et de recherche) et de l'AUPELF (Association des universités partiellement ou entièrement de langue Française). Il organisa en 1983, pour le compte de l'AUPELF, un colloque dont le thème L'évaluation dans les bibliothèques faisait partie d'une de ses préoccupations constantes. Ainsi il fut l'expert auprès de l'Afnor et de la CE pour les statistiques des bibliothèques. Il fut le promoteur de la création de plusieurs banques de données scientifiques avec des laboratoires de l'université de Nice. Enfin, il introduisit l'usage d'OCLC à la BU de Nice et fut l'animateur du conseil des utilisateurs d'OCLC-France.
Son action dans la vie associative fut, elle aussi, significative. Membre fondateur de l'ACB (ex AENSB), de l'ADBU, de la section BU de l'ABF, il consacra une énergie considérable au fonctionnement harmonieux de ces associations. Il fut vice-président de l'ABF de 1986 à 1988, un membre éminent et actif de l'ABCDEF et de l'Association des amis de la Bibliothèque nationale de France jusqu'à sa disparition. De même, son activité syndicale dans le SNB-FEN fut notable comme membre du Comité technique paritaire de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique et de la Commission administrative paritaire des conservateurs.
Sa production éditoriale fut considérable. Il publia plus de cinquante articles dans le Bulletin des bibliothèques de France, les revues de l'AUPELF et de l'ABF. Ses thèmes de prédilection furent l'automatisation des bibliothèques, les catalogues collectifs et d'une manière plus générale l'introduction des nouvelles techniques dans la documentation. Il sut, dès l'origine, comprendre l'importance de l'informatique dans les bibliothèques et anticiper les usages multiformes qu'en feraient les bibliothécaires. Il suivit aussi attentivement le domaine de la formation des utilisateurs. Il écrivit plusieurs chapitres de y Histoire des Bibliothèques Françaises (2) .
Ses éminentes qualités furent reconnues par des distinctions auxquelles sa discrétion répugnait : chevalier de l'ordre national du Mérite, commandeur des Palmes Académiques, médaille d'or de l'université de Nice-Sophia Antipolis.
Il est impossible d'évoquer Alban Daumas sans parler de son exceptionnel art de la synthèse. Il fut le bibliothécaire qui savait clore un débat avec panache et diplomatie. Soutenu par un art oratoire consommé, il sut toujours faire entendre sa petite musique. Ses idées simples, originales, fortes furent toujours écoutées et bien souvent entendues.
Tous ceux qui l'ont connu, collègues de l'ABF ou d'ailleurs, personnels de la BU et de l'université de Nice-Sophia Antipolis, gardent présent en leur mémoire le souvenir de son exceptionnelle personnalité. Ils lui témoignent ici leur respect, leur estime, leur amitié, leur affection.