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    Libraire, un fournisseur comme un autre ?

    Par Denis Hoog, Libraire Association des libraires spécialisés pour la jeunesse Librairie des enfants, Versailles

    Qu'elle soit petite, moyenne ou grosse, la gestion d'une bibliothèque implique des choix où les critères économiques sont nécessairement présents. Après tout, quoi de plus normal dans cet objectif de saine gestion d'offrir à budget égal au plus grand nombre possible de lecteurs le plus grand nombre de livres. Cette logique entraînera le gestionnaire sérieux à trouver le fournisseur qui lui fera la meilleure remise et lui permettra ainsi d'acquérir plus d'ouvrages. Si en outre le délai de livraison paraît convenable et les ouvrages non livrés quantité négligeable, le gestionnaire pourra considérer que les termes essentiels du contrat sont réalisés. Il recherchera éventuellement un fournisseur complémentaire pour des livres plus difficiles à obtenir.

    Ce mode de raisonnement caricatural n'a plus tellement cours dans les bibliothèques, et celles qui travaillent avec les librairies spécialisées jeunesse » ne s'inscrivent pas dans cette logique.

    Des préoccupations communes

    Ce n'est pas un hasard si de nombreuses librairies « jeunesse ont tissé des liens avec le réseau des bibliothèques municipales ou départementales, même si ces rapports n'ont pas toujours entraîné des relations commerciales - lorsque les décisions de cette nature échappent aux responsables des bibliothèques.

    Ce qui nous rapproche c'est la même passion du livre, la même conception de l'enfance et un respect de l'enfant qui impliquent pour nous une grande rigueur dans l'analyse et le choix des ouvrages que nous conseillons. Ce sont ces mêmes préoccupations qui nous conduisent naturellement à nous rencontrer et à échanger.

    Il est intéressant de comparer les demandes des jeunes lecteurs en bibliothèque et les achats en librairie, de constater et d'analyser les raisons qui font que certains livres sont souvent empruntés et par ailleurs peu achetés et vice versa. En librairie, il faut considérer l'influence du classement par collections et le rôle plus important de l'adulte qui regarde aussi le prix du livre. Nous confrontons aussi nos observations sur les choix des enfants en notant l'influence des modes, soit locales pour un auteur ou un illustrateur, soit nationales comme actuellement celle des collections « Horreurs ou épouvantes ». En général ce type de demandes commence d'abord en librairie avant de s'étendre aux bibliothèques. Le débat existe entre nous de savoir s'il faut encourager ou non cette tendance au nom du slogan « la lecture avant tout ".

    Le rôle de conseil, dans nos deux professions est évidemment très proche ; tenir compte de la personnalité de l'enfant, de ses goûts, éveiller sa curiosité et l'entraîner à la découverte de soi-même à travers les lectures les plus variées, ce sont là les démarches qui nous sont communes.

    Une source importante d'informations

    Le libraire sera aussi pour les bibliothèques une source importante d'informations. Pour connaître les nouveautés les bibliothèques disposent de tout un arsenal de revues d'informations et de critiques sur les nouvelles parutions. Cette connaissance des ouvrages si elle est nécessaire n'est évidemment pas suffisante, la confrontation directe avec le livre est indispensable. Pouvoir lire textes et images des albums, documentaires et romans, en discuter avec d'autres, cela fait partie de notre travail quotidien aux uns et aux autres.

    Pour mettre en pratique cette démarche de manière structurée, des comités de lecture se sont organisés un peu partout en France autour de librairies « jeunesse » qui fournissent à intervalles réguliers, souvent mensuels, les nouveautés qu'enseignants, documentalistes, psychologues, orthophonistes et parents, bref tous ceux qu'intéresse la littérature de jeunesse, se répartissent à analyser. Le mois suivant ces ouvrages seront collectivement critiqués et discutés en ayant toujours à l'esprit les enfants auxquels ils sont destinés. La participation à de tels comités amène chaque membre à beaucoup de modestie, le verdict des jeunes lecteurs n'est pas toujours celui escompté, ceci n'entraînant évidemment pas des choix qui seraient avant tout dictés par le lectorat.

    Le libraire, en contact direct avec les éditeurs, sera aussi une source d'informations sur la politique éditoriale des maisons d'édition, les nouvelles tendances et créations de collections, les changements des responsables éditoriaux qui provoquent chez nous inquiétude ou espoir.

    Il pourra par ses relations et par ses connaissances effectuer les recherches sur tel auteur, tel livre introuvable, retrouver la trace de cet éditeur quasi clandestin dont l'adresse comme par un malin plaisir ne cesse de changer.

    À l'échelon régional ou local, bibliothécaires et libraires « jeunesse » se retrouveront souvent côte à côte pour participer à des animations autour du livre. Le libraire par ses relations pourra aider à la recherche d'auteurs, illustrateurs ou éditeurs qui contribueront à ces manifestations.

    La reconnaissance d'une compétence

    Toutes ces actions communes démontrent à l'évidence que les libraires « jeunesse ne sont pas que de simples fournisseurs de livres. La reconnaissance de leur compétence se concrétise par leur participation fréquente aux cycles de formation ABF. Cette reconnaissance implique de la part des bibliothécaires une compréhension des impératifs économiques qui impose au libraire de ne pas participer à une surenchère de remises. Le projet de plafonnement des remises actuellement à l'étude au ministère de la Culture devrait dans cette optique avoir le soutien de l'ensemble des bibliothécaires.

    Bibliothécaires et libraires se retrouvent ensemble aussi pour faire la fête, la fête au livre de jeunesse, que nous célébrerons le 10 juin lors de la remise du 10° prix « Sorcières » à la Grande Bibliothèque.

    NDLR - Les intertitres sont de la rédaction.