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Du bon usage de la formation ABF et de quelques autres...

1997

    Du bon usage de la formation ABF et de quelques autres...

    Par H. Van Besien, Centre de formation de Picardie

    La formation d'auxiliaire de bibliothèque a été mise en place par l'Association des bibliothécaires français dans le cadre d'un souci et d'une revendication constante de l'Association en faveur d'une professionnalisation, à tous les niveaux, des personnels des bibliothèques.

    Reposant sur la solidarité professionnelle, elle prend place dans une réflexion et une action globale sur la formation et sur les recrutements et doit rester en cohérence avec celles-ci.

    Cela suppose :

    • 1. que la formation ABF reste ce qu'elle est, une formation élémentaire, destinée à un public qui n'a pas accès aux formations professionnelles de niveau plus élevé et dont le recrutement n'impose pas la moindre qualification, préalable ou postérieure à l'entrée dans le métier ;
    • 2. que la formation ABF, surtout dans les régions où l'accès aux formations professionnelles de l'enseignement supérieur est difficile, ne devienne pas un succédané du CAFB ou un palliatif à l'absence de formation professionnelle des catégories B : son contenu ne le permet pas ; suivre cette tendance conduirait à la déqualification des personnels de bibliothèque ;
    • 3. que l'organisation de la formation prenne en compte, autant que possible, les possibilités individuelles et collectives d'accès à l'emploi des élèves, à la fois par souci de solidarité et par souci de rentabilité : l'investissement humain, que représente cette formation, tant du côté des enseignants que du côté des enseignés, doit être pérennisé.

    La situation actuelle de l'emploi et de la formation expose, au regard de ces conditions et de ces objectifs, la formation ABF à une série de paradoxes et de contradictions du fait de la montée de la précarité, de certaines pratiques de recrutement des collectivités, du démantèlement du dispositif de formation professionnelle.

    La formation d'auxiliaire de bibliothèque peut aggraver les aspects négatifs de la situation, elle peut aussi, dans une certaine mesure, les contrecarrer.

    Cela dépend de nos propres pratiques de recrutement, du discours que nous tenons aux collectivités recruteuses et, c'est sans doute ce que nous pouvons, en tant qu'association et centre de formation, le mieux maîtriser, de la sélection des élèves au moment de l'inscription.

    Les agents du patrimoine des bibliothèques où coexistent plusieurs cadres d'emploi constituent la cible la plus évidente de la formation élémentaire, surtout dans les années qui suivent leur entrée dans le métier, quand la formation peut contribuer à créer une dynamique professionnelle, voire une dynamique de carrière. Pour cette population, la question de la sélection ne se pose pas. Mais combien d'établissements ont-ils systématisé l'envoi en formation des agents de catégorie C ?

    Les personnels en situation précaire sont une deuxième cible mais ici, la nécessité de la sélection commence à s'imposer. Avons-nous à former le contrat emploisolidarité, parfois seul animateur de la bibliothèque, qui sera douze mois plus tard remplacé par un autre contrat emploi-solidarité? Et ce, d'autant plus facilement que son employeur ne supporte pas le coût de sa formation. L'inscription des personnels en situation précaire devrait être liée à l'appréciation des possibilités d'accès à l'emploi, soit sur place, soit à proximité et, dans ce dernier cas, une durée plus longue est requise (CEC, Emplois de ville etc.) ainsi qu'un meilleur niveau général, et une action de tous les instants pour que fonctionne, pour la catégorie C, un véritable marché de l'emploi, ouvert, concurrentiel, reposant sur des jurys de recrutement associant des professionnels... Les demandes d'inscription des « précaires » en provenance de communes trop petites pour créer des emplois, ou des établissements reconnus pour pratiquer le turn-over de la précarité ou des unités documentaires de l'Éducation nationale (CDI et BCD, voire BU pour lesquelles l'accès à l'emploi permanent est particulièrement verrouillé») devraient être refusées de manière motivée.

    Il est très facile de remplir un centre avec des CES et même de faire des bénéfices en pratiquant des tarifs au taux maximum de remboursement des employeurs par les conventions CERFA, mais les centres n'ont pas à survivre sur ce mode en leurrant de futurs chômeurs et en participant par l'alibi de la formation à l'extension de la précarité.

    L'appréciation, comme critère de sélection des élèves, des possibilités d'accès à l'emploi, ne doit pas non plus couvrir les processus de déqualification rampante instaurée par la situation actuelle des cadres d'emploi de catégorie B : le profil de l'individu (niveau d'étude) et surtout le profil de l'emploi deviennent alors des critères de la sélection. Cela concerne surtout des communes dont le poids démographique fait qu'on peut attendre, en appliquant les recommandations du ministère de la Culture, qu'elle compte plusieurs salariés (en gros à partir de 5 000 habitants). Les conseillers pour le livre (qui financent la construction des équipements) ou les directeurs des bibliothèques départementales, en général impliqués dans la vie de ces bibliothèques (et qui sont par ailleurs si attachés à la professionnalisation des directions de BDP) n'obtiennent pas toujours que la direction de tels équipements soit confiée à des professionnels qualifiés régulièrement recrutés et doivent souvent se satisfaire de la création d'un emploi « fabriqué localement, avec des conséquences bien connues : faible niveau lié à l'absence de concurrence entre candidats, inexpérience du candidat, sur un emploi où l'isolement fait que celle-ci est plus nécessaire que partout ailleurs, sédentarité voulue et subie pour la durée d'une carrière... Et d'un autre côté, chômage pour les jeunes professionnels, mobilité réduite pour tout le monde... Que dire de l'argument selon lequel on ne trouve pas d'assistants » quand aucune annonce n'a jamais été passée ? Ou « qu'il n'existe plus d'autre formation » quand la faible demande liée, entre autres, au non-recours au recrutement régulier, est une des raisons de la non-mise en place des formations d'application...

    L'ABF n'a pas à permettre des arrangements locaux qui ne sont que des non-recrutements de personnels qualifiés...

    Dernière cible de la formation élémentaire, les bénévoles des réseaux départementaux. La longueur et le coût de cette formation excluent sa généralisation à tous ceux-ci et les formations « maison des BDP sont là pour ça. Elles peuvent même pour asseoir l'influence des BDP et les chances des élèves, être dans ce cas considérées comme des conditions préalables à la formation ABF. La régulation des candidatures de bénévoles est donc plus ou moins assurée. Cependant l'usage du bénévolat est exposé aux dérives évoquées plus haut : de nombreux bénévoles ont en fait une aspiration d'emploi qui justifie le recours aux précautions précédentes, et on peut douter que donner la formation ABF aux bénévoles d'une commune de 5 000, voire 10 000 habitants, en l'absence de salariés qualifiés ou de salarié tout court, aille vraiment dans le sens d'un développement de la lecture publique... la collectivité pourra s'enorgueillir de disposer maintenant d'une équipe qualifiée ", Nombre de bibliothèques sous statut associatif (centres sociaux ou autres) posent, avec des personnels de statuts divers (de la précarité à l'animateur salarié) le même genre de questions, en milieu rural ou dans les quartiers des grandes villes...

    La prise en compte des possibilités d'accès à l'emploi ne devrait pas, bien entendu, être envisagée uniquement en tant que critère de sélection. Sa dimension positive consiste à mettre en place, plus ou moins formellement, un suivi des élèves après leur scolarité : Bourse des emplois organisée, repérage des élèves par les enseignants, recours aux anciens élèves en cas de remplacements, de recrutements, demande de diplôme dans les annonces de recrutement sont des procédés à envisager. Avec l'avantage, dans la mesure où les centres de formation sont un des rares lieux où se côtoient bibliothèques municipales et bibliothèques départementales dans une action commune, de réaliser une certaine circulation des gens et des expériences entre ces deux secteurs... Ce n'est qu'au prix de ces précautions que nous parviendrons peut-être à préserver l'intérêt de la formation pour tous et la poursuite des objectifs de l'association.

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    Appel aux adhérents intéressés par les fonds littéraires