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    Les bibliothèques tchèques en transition

    Par Jarmila Burgetovâ, Secrétaire générale Association des bibliothé-caires et des documentalistes de la Républiquetchèque (SKIP) c/o National Library, Klementinum190, 110 00 Praha 1. Tél. et fax: + 42 02 - 21 663 295

    Fin 1989, la République tchèque - dans le cadre de la Tchécoslovaquie - comptait 5 761 bibliothèques publiques et 2 662 succursales ; fin 1991, nous avions 6 224 bibliothèques avec 2 078 succursales. Autrement dit, chaque commune disposait d'une bibliothèque publique. En 1991, on enregistrait 1 239 habitants par bibliothèque, les collections représentaient 60 millions d'ouvrages soit 5,7 livres par habitant.

    Le système des bibliothèques tchèques a subi après 1990 toute une série de changements importants. Pour ce qui concerne les bibliothèques publiques, il s'agissait de les «désétatisatiser» , de les faire passer de la tutelle de l'Etat à celle des organes municipaux et communaux. Ce processus a entraîné une désintégration des structures coopératives des bibliothèques - des réseaux départementaux et intercommunaux de la lecture publique. Dans le cadre de ces systèmes coopératifs, des bibliothèques dont le personnel a reçu une formation professionnelle apportaient une aide qualifiée ou des services techniques à des petites bibliothèques animées par des bénévoles. Ce système garantissait des services de qualité. La loi de 1959 sur le système unifié des bibliothèques de 1959, qui reste formellement en vigueur, ne fonctionne pas en réalité. Depuis 1991, une nouvelle loi sur les bibliothèques est préparée qui devait supprimer cette discontinuité dans l'évolution de la lecture publique - discontinuité largement responsable de la baisse du niveau des services des bibliothèques. Mais le climat politique au Parlement tchèque n'a malheureusement pas été favorable à l'adoption d'une telle loi.

    L'année dernière, après les élections législatives (élections à l'Assemblée des députés), on pouvait noter une certaine volonté de renverser la situation, de susciter de nouvelles discussions sur la loi sur les bibliothèques publiques. Des débats sérieux recommencent tant au Conseil supérieur des bibliothèques (un organe consultatif du ministre de la Culture) qu'au sein de notre organisation professionelle - l'Association des bibliothécaires et documentalistes de la République tchèque (SKIP).

    Ce processus d'évolution et de transformation n'est pas encore achevé. Bien que possédant le droit de constituer des bibliothèques départementales, certains organes de l'administration départementale se débarrassent néanmoins de leurs bibliothèques et les transfèrent peu à peu sous la tutelle des municipalités. Dès lors, il ne dépend plus que de ces dernières pour que les bibliothèques - autrefois départementales - puissent remplir des fonctions régionales, supra-locales.

    Chaque année de nouvelles bibliothèques départementales deviennent donc des établissements municipaux : tandis qu'en 1990 on dénombrait 72 bibliothèques départementales, on n'en comptait plus que 36 à la fin 1996, et l'on prévoit encore une baisse. Ce processus est naturellement accompagné par des restrictions de personnel et de budgets des bibliothèques «transformées».

    La possibilité d'une solution réfléchie se heurte au bloquage de la nouvelle loi sur les collectivités territoriales de niveau supérieur. Cette loi, prévue par la Constitution, devrait résoudre la question de l'autonomie de l'administration régionale. En 1991, des régions - et donc des fonctions et des structures administratives régionales - ont été abolies. Des bibliothèques scientifiques d'Etat qui exerçaient des fonctions régionales, notamment pour la lecture publique, ont perdu leurs fonctions territoriales. Ces bibliothèques fonctionnent aujourd'hui sous la tutelle du ministère de la Culture. Elles devraient passer sous la tutelle des nouveaux organes régionaux - » après l'adoption de la loi sur les collectivités territoriales de niveau supérieur.

    Selon des statistiques de 1996 le réseau de la lecture publique comptait 6 133 bibliothèques avec 1 493 succursales. Nous avons donc perdu, dans les années 1990-1996, 372 bibliothèques et 1 169 succursales. Le nombre moyen d'habitants desservis par une bibliothèque a, lui, augmenté, de 1 239 en 1991 à 1 325 en 1995. Le nombre par habitant de volumes par bibliothèque - 5,7 - n'a par contre pas changé. La comparaison avec les données de 1989, 1990, ou 1991 ne produit pas une impression catastrophique, mais il faut noter que l'activité des bibliothèques publiques est de plus en plus défavorablement influencée par l'accroissement incessant des prix des livres, des périodiques et autres documents, ce qui entraîne par rapport aux années préce-dentes une baisse de la présentation des nouveautés aux lecteurs. L'insuffisance des moyens financiers destinés aux achats des documents est très sensible, surtout dans les petites bibliothèques animées par des bénévoles.

    En 1997, les bibliothèques tchèques se trouvent à mi-chemin de leur transformation. Il y a des traits positifs : la situation des bibliothèques se stabilise peu à peu. Les bibliothécaires savent formuler nettement les manques et déterminer vers quoi diriger leurs forces et leur attention. Le changement du comportement des bibliothécaires est aussi à noter : ils ont compris qu'il faut lutter pour gagner sa place au soleil, que leur tâche primordiale réside dans un service et qu'il vaut mieux orienter leurs efforts vers les besoins des lecteurs et des utilisateurs. Le système de marché dans lequel nous nous sommes retrouvés a donc plutôt reçu un écho positif. La renaissance de notre organisation professionnelle en 1990, et la constitution des autres instituts sont indirectement liées à la situation qui vient d'être évoqué. Au premier rang, l'Association des bibliothécaires et documentalistes de la République tchèque (SKIP) compte pour le moment plus de 1 200 membres.

    L'existence et les activités de notre association professionnelle se sont révélés justifiées par la possibilité d'intervenir dans les discussions professionnelles. SKIP a fait ses preuves, par exemple, au cours des débats sur les prêts des documents sonores, où nous avons contribué à l'établissement des règles actuellement en vigueur.

    Rappel : jusqu'au printemps 1993 les prêts des documents sonores étaient possibles grâce à des contrats passés entre les bibliothèques et une des sociétés de gestion collective des droits d'auteurs : l'Union de protection des auteurs ; mais cette organisation a décidé - en se rapportant à la loi sur les droits d'auteurs - de ne plus renouveler les contrats ni permettre les prêts des documents sonores aux bibliothèques à partir du 1er janvier 1994. Des négociations sans fin entre représentants des bibliothèques et organisations de gestion des droits d'auteurs ont donc eu lieu, pour finalement aboutir à un accord : les prêts des documents sonores en bibliothèques seront possibles à la seule condition qu'un contrat soit passé entre des sociétés de gestion collective des droits d'auteurs et une institution centrale (par exemple le ministère de la Culture ou la Bibliothèque nationale), qui s'en occuperait pour les bibliothèques, et garantirait l'accomplissement de leurs obligations auprès des organismes de gestion des droits d'auteurs. Aucune institution centrale ne voulait prendre sur soi cette responsabilité, si bien que SKIP a pris l'initiative de se charger de l'accomplissement du contrat au nom de ses membres associés (cette possibilité existe conformément aux statuts du SKIP qui réunit non seulement des membres titulaires, individuels, mais aussi des membres associés [bibliothèques] ). En bref, après des discussions qui ont duré plusieurs mois, on est parvenus, en 1994, à signer un contrat sur les prêts des documents sonores en bibliothèques entre SKIP et les trois organismes de gestion collective des droits d'auteurs. Le contrat est renouvelé chaque année et une cotisation (pas très élevée) est versée par SKIP aux sociétés. Un avenant stipulant l'augmentation annuelle de la cotisation a été ajouté au contrat pour l'année 1997, augmentation qui correspond à l'accroissement du taux de l'inflation (le taux d'inflation de l'année précédente officiellement publié).

    Mais si SKIP a pu influencer de manière positive la situation, il reste néanmoins des situations où nous n'avons pas eu autant de succès, à propos de la loi sur les publications non-périodiques adoptée en 1995, par exemple.

    Cette loi a modifié le régime de dépôt légal, malgré les protestations du public professionel, et est contraire aux évaluations négatives exprimées dans des analyses élaborées par notre association lors de la préparation de la loi. Du fait de certaines disposition de cette loi le nombre total des publications déposées a baissé sensiblement, à cause aussi de la diminuation du nombre des bibliothèques gestionnaires du dépôt légal (aujourd'hui au nombre de trois seulement !..). Onze bibliothèques centrales et régionales ne sont donc plus habilitées à recevoir le dépôt légal. Les conséquences en sont vraiment funestes. L'étendue et la qualité des collections des bibliothèques subissent une pénalisation ; à partir de quoi des service interbibliothèques, au niveau régional et sectoriel, ne peuvent plus être garantis.

    Comme partout dans le monde, on se plaint aussi chez nous du peu de prestige de la profession de bibliothécaire. Cependant, nous espérons bien achever notre transformation et rehausser l'image des bibliothèques lors d'une prochaine étape.