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    La catalogue de la bibliothèque de Valenciennes

    Une expérience multimédia

    Par Marie-Pierre Dion, Conservateur en chef bibliothèque de Valenciennes
    Par Umberto Eco, De bibliotheca
    Les catalogues doivent être subdivisés au maximum on mettra le plus grand soin à distinguer le catalogue des livres de celui des revues et ces deux premiers du catalogue par matières, sans oublier les livres d'acquisition récente et ceux d'acquisition plus ancienne. Si possible l'orthographe des deux catalogues (acquisitions récentes et anciennes) sera différente...

    Cette règle de l'anti-bibliothèque pourrait illustrer a contrario les objectifs du catalogue de la bibliothèque de Valenciennes : éviter au lecteur un émiettement des procédures et un éclatement trop grand des services dans un espace très cloisonné. Le catalogue devait contribuer à simplifier les démarches des usagers et rester le point central d'accès à l'information dans la bibliothèque. Unifié, enrichi et ouvert sur d'autres ressources numériques, il devait faciliter l'orientation du lecteur au sein de la masse documentaire et accroître son autonomie dans l'établissement. On espérait répondre à la fois aux souhaits fréquemment exprimés par le public quant à la richesse visuelle du catalogue et à l'aspiration des bibliothécaires à proposer de nouveaux services et types de documents sans accroître les manipulations techniques liées aux supports récents.

    La transformation du catalogue s'inscrit dans une série de bouleversements plus importants. Agrandie, restaurée et restructurée de 1991 à 1994, la bibliothèque de Valenciennes se rattache désormais au genre des « médiathèques » même si elle conserve dans un cadre historique une dimension patrimoniale marquée (1) . Dotée d'un réseau local régulé par un commutateur ATM (2) , elle sera d'ici peu le coeur de l'Anneau culturel de Valenciennes, réseau de communication à haut débit reliant entre eux les établissements culturels, éducatifs et sociaux de la ville, avec une ouverture, via l'université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, sur les réseaux internationaux.

    Inauguré le 3 décembre 1994, le réseau local a permis d'associer le logiciel de gestion de la bibliothèque à des serveurs multimédias. Derrière des interfaces graphiques attrayantes, le catalogue donne désormais accès aux notices catalographiques et, à travers celles-ci, à des données numérisées par la bibliothèque ainsi qu'au réseau de consultation des cédéroms. Les ressources numériques sont accessibles via le catalogue qui les fédère en quelque sorte. Quels services ce catalogue rend-il ? Quelle nouvelle organisation du travail engendre-t-il? Quelles perspectives offre-t-il ?

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    Catalogue : page d'accueil

    Une gamme de services nouveaux

    La réflexion porta à la fois sur la structuration nouvelle du catalogue mais aussi sur la facilité d'accès et d'utilisation des postes de consultation publique. Ont été délibérément écartés les touches de fonction, les barres d'outils ou le multifenêtrage, les troncatures et opérateurs booléens qui, on le sait, rebutent une grande partie du public. L'interface graphique favorise au contraire un maniement quasi intuitif : un clic sur un bouton suffit pour feuilleter, choisir, afficher, agrandir, baisser le son, etc. Toujours dans un souci de simplicité, le catalogue est unique, rassemblant documents modernes et anciens, quels qu'en soient les supports. La topographie compliquée de l'établissement rendait par ailleurs inévitable la répartition des postes sur l'ensemble des services publics, ce qui a contribué à la banalisation du produit : 15 micro-ordinateurs avec claviers, souris et casques ont en une année répondu à plus de 600 000 interrogations (3) .

    L'utilisateur accède d'emblée à un menu qui lui propose le choix entre le catalogue de toute la bibliothèque, la liste simplifiée des périodiques courants et celle des cédéroms. Il accède ensuite à des menus de second niveau : critères de recherche puis index pour le catalogue, offre thématique puis alphabétique pour les cédéroms.

    Lorsque le lecteur passe en revue les notices courtes du catalogue, de petits pictogrammes lui indiquent si celles-ci sont accompagnées de textes, d'images ou d'extraits sonores ou audiovisuels. Plusieurs parcours balisés sont alors possibles. Le lecteur peut consulter les notices bibliographiques complètes. S'il est possible de visualiser les documents -coupure de presse, gravure ou lot de photographies anciennes - il peut alors activer des fonctions de plein écran, zoom, tri et impression.

    Dans le cas de documents contemporains, le lecteur n'a accès qu'à des extraits : quatrième de couverture présentant oeuvre et auteur, ou bien sommaire s'il s'agit d'un livre, court extrait s'il s'agit d'un disque ou d'un film. Dans ce dernier cas, il se voit imposer la lecture de la notice bibliographique citant tous les auteurs et ne peut accéder au plein écran dans un souci de respect du droit de citation.

    Si l'utilisateur ne trouve pas ce qu'il cherche, il peut vérifier son information en consultant sur le même poste les cédéroms bibliographiques ou encyclopédiques de la bibliothèque. Au-delà de ce qui est localement disponible, le lecteur est par là même aisément informé de ce qui peut être accessible.

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    Catalogue : liste des titres courts

    Lorsque le lecteur ne sait comment interroger le catalogue pour accéder aux fonds anciens, une mosaïque lui propose de manière aléatoire un choix d'images remarquables ou représentatives du fonds ; il peut accéder aux notices de celles-ci et, au vu des choix d'indexation des catalogueurs, relancer sa recherche.

    Une nouvelle organisation du travail

    Cette version modernisée du « catalogue illustré permet au bibliothécaire :

    • d'associer à une notice l'intégralité d'un document numérisé pour éviter des manipulations jugées trop lourdes ou dommageables et pour démultiplier les possibilités de consultation ;
    • d'associer à une notice des extraits de document pour faciliter le choix du lecteur;
    • de constituer des dossiers virtuels regroupant sur un sujet donné des images ou documents répertoriés par ailleurs mais difficilement accessibles pour un lecteur non averti.

    Au bibliothécaire d'organiser la notice du document pour favoriser l'accès à celui-ci. À lui de définir sa « politique de numérisation en fonction des objectifs et missions de la bibliothèque, de l'intérêt scientifique ou esthétique des pièces, du droit des auteurs et des moyens disponibles. Une fois définis les grands axes (4) , le travail est organisé de manière suffisamment souple pour répondre aussi aux demandes ponctuelles : demandes de reproduction à usage personnel de chercheurs, demandes d'un service de la bibliothèque à l'occasion d'une animation.

    Pour être menées à bien, les nouvelles tâches sont gourmandes en temps et demandent une équipe renforcée et des compétences nouvelles : à l'informatique quotidienne du catalogage et de l'indexation viennent s'ajouter le choix des éléments à numériser, la limitation de leur aire de diffusion (des images ou extraits ne peuvent sortir de la bibliothèque), la rédaction de légendes normalisées, la numérisation proprement dite avec contrôle de qualité et retouches, la création d'un lien entre les données numériques et les notices catalographiques... Le système ne met guère en cause les pratiques de description anciennes mais bouleverse en profondeur la structure de la bibliothèque. Plus nombreux, les bibliothécaires tendent à se spécialiser par sujet au détriment de l'ancienne division du travail par supports d'information. Ils apprennent à travailler en partenariat étroit avec d'autres types de professionnels comme le photographe recruté pour la prise de vue numérique qui s'effectue sur place. Surtout, la pratique du leasing rendue nécessaire par la rapide évolution des matériels multimédias « institutionnalise » définitivement le changement au sein de l'établissement.

    D'autres étapes importantes sont en effet prévues comme la consultation à distance du catalogue via un service WWW et, inversement, la possibilité pour les usagers valenciennois d'interroger sur les bornes-catalogue des serveurs Internet sélectionnés par les bibliothécaires. Le catalogue doit garder sa logique de bibliothèque » centrée sur l'accès aux documents, mais pourra être associé à des outils animés par une logique d'exploration tournée vers des publics ciblés, grâce à des modes de navigation plus élaborés. Une station d'écriture multimédia vient d'être mise en place. On pourra d'ici peu, à partir de schémas de scénarios préétablis, bâtir des dispositifs interactifs variés - guides d'utilisateur ou catalogues d'exposition - pour les rendre accessibles sur les bornes-catalogue ou le futur serveur WWW.

    Un outil de promotion et de diffusion

    L'importance du multimédia dans la bibliothèque était en 1994 toute relative : une trentaine de cédéroms pour 200 000 livres, moins de 5 000 images ou extraits divers pour 150000 notices... C'est cependant le multimédia qui a le plus largement contribué à dépoussiérer l'image jusqu'alors peu attractive de la bibliothèque. Alors que les nouvelles technologies de l'information nourrissaient les fantasmes de la presse écrite et télévisée, les publics de tous milieux socioculturels sont venus, souvent en famille, à la découverte du multimédia. Après un temps d'adaptation des utilisateurs à l'offre, temps de confrontation des différents supports entre eux, tous les documents de la bibliothèque ont été entraînés dans la dynamique de prêt et d'utilisation.

    Au-delà de l'image de modernité qu'il imprime à la bibliothèque, l'outil multimédia - bien qu'encore sous-exploité - a une incidence directe sur les usages des fonds que la bibliothèque veut permettre ou promouvoir. Un jeu de boutons spécifiques permet par exemple de « mettre en avant des catégories particulières de documents comme les cédéroms ou les nouveautés que le public peut découvrir sans avoir à effectuer de recherche précise. Plus largement le catalogue favorise un accès plus large et mieux structuré au fonds de prêt encyclopédique et multi-support de la bibliothèque. Il permet au lecteur de se représenter ou de feuilleter des documents absents en rayon ou nécessitant un appareillage de lecture et donc une démarche supplémentaire. Le lecteur butinera-t-il un jour dans le catalogue plus aisément que sur les rayonnages ? Seule la hausse du nombre de réservations confirme pour l'instant le rôle de « métaphore des collections joué par le catalogue qui, par son caractère attractif, renouvelle la problématique des OPAC (5) ,

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    Imageur (mosaïque d'images)

    L'accès au catalogue via Internet stimulera sans nul doute la recherche sur le patrimoine écrit et graphique conservé à la bibliothèque de Valenciennes. Pour l'instant l'unicité de la base de données favorise la découverte par le grand public d'images ou pages de documents anciens auxquelles il n'aurait peut-être jamais eu accès. L'exposition d'un livre ancien n'est pas toujours souhaitable et frustre le visiteur du plaisir de feuilleter un ouvrage... L'accès facile à des " lots » d'images que l'on peut feuilleter librement joue au contraire en faveur de la démocratisation de l'accès au patrimoine écrit. La diversité du fonds de la bibliothèque conjuguée avec son caractère « local », le statut souvent plus documentaire qu'artistique des collections... tout ici favorise la consultation indirecte et la «consommation de masse . Alors que la lecture publique s'est souvent construite contre la lecture érudite, les publics cohabitent et se mélangent.

    Ce catalogue représentait en 1994 un compromis entre l'existant (le logiciel de gestion de bibliothèque Bookplus) et les nouvelles bases de données hypermédias. La recherche dans un catalogue hiérarchisé de manière rigoureuse y était couplée à une démarche d'associativité plus ou moins normalisée facilitant la recherche des uns, aiguisant la curiosité des autres. Bien plus qu'un simple conglomérat de technologies, ce catalogue renforce aujourd'hui la bibliothèque dans ses fonctions de gestion documentaire et d'aide au lecteur tout en donnant une unité au système d'information de l'établissement.

    Il n'en reste pas moins transitoire en attendant que l'informatique des bibliothèques développe des fonctions nouvelles pour chercher l'information, naviguer dans des bases multiples, cartographier les savoirs, personnaliser les parcours ... Les outils en cours de gestation porteront-ils d'ailleurs encore le nom de catalogue (6) ?

    1. La bibliothèque de Valenciennes (ville de 40 000 habitants) compte 250 000 documents dont 100 000 en libre accès, 100 000 en fonds d'étude, 50 000 manuscrits et imprimés anciens. retour au texte

    2. L'ATM (Asynchronous Transfer Mode) est une technologie de transmission capable de véhiculer d'importants flux de données, de sons et d'images à très grande vitesse et sans interruption (155 Mbit/s). retour au texte

    3. Pour 400 000 entrées, 300 000 prêts, 13 000 inscriptions en 1995. retour au texte

    4. Voir M.-P. Dion, Une expérience multimédia : le catalogue de la bibliothèque de Valenciennes -, Bulletin des Bibliothèques de France, 1996, 41(1), p. 47-55. retour au texte

    5. Sur la faible utilisation des OPAC, voir en dernier lieu Offrir aux publics un catalogue en ligne, Villeurbanne, IFB, 1995. retour au texte

    6. Voir P.B. Culkin, Catalogue, however is much too conservative: its bounds are drawn by the holdings of the library. The word itself limits and perhaps even prevents creative thinking about how the resource can be developped to its fullest educational potential in : R. Bertrand, Le catalogue, les bibliothèques et la modernité », Bulletin des bibliothèques de France, 1991, 36(4), p. 298. retour au texte